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Ébauche d'évaluation préalable Acide pentadécafluorooctanoïque, ses sels et ses précurseurs

Sommaire

Conformément aux articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE (1999)], les ministres de l’Environnement et de la Santé ont effectué une évaluation préalable de l’acide pentadécafluorooctanoïque (APDFO), dont le numéro de registre du Chemical Abstracts Service est 335-67-1, ainsi que de ses sels et de ses précurseurs. Quelques une de ces substances ont été classées par catégories en vertu de l’article 73 de la LCPE (1999). L’APDFO a également été évalué, car il est persistant, répandu dans le biote et présent dans l’Arctique canadien étant donné qu’il peut être transporté sur une grande distance. Son évaluation a en outre été motivée par l’intérêt international entourant les récentes données scientifiques indiquant que cette substance et ses sels pourraient représenter une source potentielle de préoccupations pour l’environnement et la santé humaine. De plus, les précurseurs de l’APDFO ont été pris en compte dans la présente évaluation, compte tenu de leur contribution à la présence totale de l’APDFO et de ses sels dans l’environnement.

L’APDFO est une substance d’origine anthropique appartenant à la classe des acides perfluorocarboxyliques, qui font partie du grand groupe des substances perfluoroalkyliques. L’abréviation APDFO peut se rapporter à l’acide même, à sa base conjuguée ou à ses principaux sels. Cet acide a fait l’objet de divers usages, notamment dans des procédés industriels et dans la fabrication de produits commerciaux et de produits vendus au détail. On continue de l’utiliser comme intermédiaire réactif, ses sels servant d’adjuvants dans la production de polymères et d’élastomères fluorés. Bien que l’APDFO ne soit pas fabriqué au Canada, son sel d’ammonium y est importé.

Environnement

L’APDFO peut être présent dans l’environnement en raison des rejets provenant des installations de fabrication ou de traitement de polymères fluorés et des stations de traitement des eaux usées, ainsi que du lixiviat des sites d’enfouissement, ou encore à la suite de la dégradation ou de la transformation de ses précurseurs. Ces précurseurs peuvent comprendre des composés d’origine, des produits chimiques contenant de l’APDFO (dans des préparations ou sous forme de résidus produits involontairement) ou des substances se transformant en intermédiaires qui se dégradent ultimement en APDFO. Les précurseurs possibles comprennent également des composés fluorés (p. ex., des alcools, des iodures et des oléfines fluorotélomériques), dont certains sont actuellement utilisés et détectables dans l’atmosphère, et peuvent se dégrader ou se transformer en APDFO par des voies biotiques ou abiotiques.

Une fois entré dans l’environnement, l’APDFO est persistant; il ne subirait aucune dégradation supplémentaire par voie biotique ou abiotique dans des conditions environnementales normales. Il est très soluble dans l’eau et, en solution, il est généralement présent sous forme d’anion (base conjuguée). Comme il présente une faible tension de vapeur, il est probable que le milieu aquatique sera son puits principal et qu’une fraction se retrouvera dans les sédiments. La présence d’APDFO dans l’Arctique canadien résulte du transport à grande distance de l’acide même (p. ex., au gré des courants océaniques) ou de ses précurseurs volatils, notamment par voie atmosphérique.

L’APDFO a été détecté à l’état de traces dans l’hémisphère Nord. En Amérique du Nord, les concentrations les plus élevées de cet acide ont été mesurées dans l’eau de surface près d’installations de production de polymères fluorés aux États-Unis (< 0,025 à 1 900 µg/L) et dans l’eau souterraine à proximité de bases militaires américaines (non détecté [ND] à 6 570 µg/L). Il a également été détecté dans les effluents de stations de traitement des eaux usées au Canada, à des concentrations de 0,007 à 0,055 µg/L, ainsi que dans les affluents de stations de traitement des eaux usées aux États-Unis, à des concentrations de 0,0074à –0,089 µg/L.

Au Canada, l’APDFO a été détecté à l’état de traces dans les eaux douces (ND à 11,3 µg/L) et les sédiments qui s’y trouvent (0,3 à 7,5 µg/kg). De plus, on a mesuré des quantités de cet acide chez diverses espèces animales (ND à 90 µg/kg en poids humide [kg p.h.] de tissu) du sud de l’Ontario et de l’Arctique canadien. La concentration la plus élevée observée pour les organismes prélevés au Canada était de 90 µg/kg p.h. chez l’invertébré benthique Diporeia hoyi, suivie de 26,5 µg/kg p.h. dans le foie des lottes, de 13 µg/kg p.h. dans le foie des ours blancs, de 12,2 µg/kg p.h. dans le foie des caribous, de 8,7 µg/kg p.h. dans le foie des phoques annelés et de 5,8 µg/kg p.h. dans le foie des morses. À la suite d’un déversement de mousse extinctrice dans le ruisseau Etobicoke, en Ontario, l’APDFO a été mesuré dans le foie de ménés à nageoires rouges à une concentration maximale de 91 µg/kg p.h. Cependant, les concentrations actuelles d’APDFO dans le biote canadien (pour un tissu en particulier ou pour tout l’organisme) sont inférieures aux concentrations les plus élevées mesurées dans le biote aux États-Unis (jusqu’à 1 934,5 µg/kg p.h.dans le foie d’orphies).

Il n’a pas été possible d’établir de tendances temporelles ou spatiales relativement à la concentration d’APDFO dans les œufs de guillemots ainsi que chez le touladi, le Guillemot de Brünnich, le Fulmar boréal ou le phoque annelé. Par contre, des tendances temporelles ont été observées chez l’ours blanc et la loutre de mer. La teneur en APDFO des tissus hépatiques a doublé en 7,3 (± 2,8) ans chez l’ours blanc de l’île de Baffin et en 13,9 (± 14,2) ans chez l’ours blanc de Barrow, en Alaska. Elle s’est accrue de 2,3 % par année chez l’ours blanc de la partie centrale de l’est du Groenland. Les concentrations d’APDFO ont également augmenté de façon importante en 10 ans chez les loutres de mer femelles.

Contrairement à d’autres polluants organiques persistants que l’on trouve dans le biote, certaines substances perfluorées, comme l’APDFO, sont surtout présentes sous forme d’ions dans les milieux naturels. En raison de la perfluoration, les chaînes hydrocarbonées sont oléophiles et hydrophobes, tandis que les chaînes perfluorées sont oléophobes et hydrophobes. L’APDFO se lie principalement aux protéines dans le biote et a tendance à se répartir dans le foie, le sang et les reins plutôt que de passer dans les tissus lipidiques. Les critères numériques de bioaccumulation, prévus dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation pris en application de la LCPE (1999), ont été calculés à partir des données sur la bioaccumulation chez les espèces aquatiques (poissons) seulement, et pour des substances dont la répartition se fait de préférence dans les lipides. Par conséquent, ils ne tiennent pas compte de la bioaccumulation de l’APDFO qui se répartit de préférence dans les protéines hépatiques, sanguines et rénales des mammifères terrestres et marins. Des expériences ont montré que l’APDFO n’est pas très bioaccumulable chez les poissons; des facteurs de bioconcentration de 3,1 à 27 ont été observés en laboratoire, principalement chez la truite arc-en-ciel. Selon deux études portant sur le réseau trophique de la zone pélagique du lac Ontario, les concentrations d’APDFO ne subissent aucune bioamplification plus on remonte les chaînes alimentaires. Il faut cependant éviter d’extrapoler ces résultats à d’autres espèces, car les branchies des poissons constituent une voie supplémentaire d’élimination de l’APDFO, ce dont sont dépourvus les organismes aérobies, comme les mammifères terrestres et marins. Des études de terrain ont permis de mesurer des facteurs de bioamplification supérieurs à 1,0 chez certaines espèces de mammifères, notamment dans l’Arctique (p. ex., le narval, le béluga, l’ours blanc, le morse, le dauphin à gros nez et le phoque commun), ce qui semble indiquer un potentiel de bioaccumulation et de bioamplification de l’APDFO chez les mammifères terrestres et marins. Des facteurs de bioamplification de 0,03 à 31 ont été observés pour ces mammifères. L’ours blanc, en tant que prédateur se situant au sommet du réseau trophique marin de l’Arctique, est l’espèce la plus contaminée par l’APDFO comparativement aux autres organismes terrestres de cette région.

Dans les études de toxicité traditionnelles, l’APDFO présentait une toxicité aiguë allant de faible à modérée pour les organismes pélagiques, notamment les poissons (70 à 2 470 mg/L). Par ailleurs, sa toxicité chronique était faible pour les organismes benthiques (> 100 mg/L). Une étude a été réalisée sur la toxicité de l’APDFO et de ses sels pour les oiseaux. Celle-ci révèle que l’APDFO n’a aucun effet sur le bêchage des embryons de poulets Leghorn blancs à des concentrations allant jusqu’à 10 µg/g. Toutefois, il s’accumule dans le foie de ces embryons à des concentrations supérieures à celles présentent initialement dans les œufs entiers.

Des études montrent que l’APDFO peut avoir une incidence sur le système endocrinien, sans que des effets se manifestent avant que les organismes aient atteint l’âge adulte. Chez les ménés Gobiocypris rarus mâles et femelles, des concentrations d’APDFO de 3 à 30 mg/L ont entraîné une inhibition des gènes associés à la biosynthèse des hormones thyroïdiennes, induit l’expression de la vitellogénine chez les mâles, causé le développement d’ovocytes dans les testicules des poissons mâles et provoqué une dégénérescence des ovaires chez les femelles.

D’autres études démontrent l’hépatoxicité, l’immunotoxicité et la chimiosensibilité. Par exemple, à une concentration d’APDFO de 0,02 µg/L, la chimiosensibilité s’accroît chez les moules marines. L’APDFO, à une concentration de 25,0 mg/L, entraine une activation du récepteur a activé par les proliférateurs des peroxysomes (PPARa) dans le foie des phoques annelés du Baikal. Ce récepteur PPARa joue un rôle physiologique essentiel en tant que détecteur de lipides et régulateur du métabolisme lipidique. Des données recueillies sur le terrain révèlent également une augmentation des indicateurs d’inflammation et d’immunité chez le dauphin à gros nez selon les concentrations d’APDFO, ce qui semble indiquer que cet acide pourrait entraîner une réponse auto-immune. Une autre étude sur le terrain porte à croire que de faibles concentrations d’APDFO peuvent avoir une incidence sur les biomarqueurs de santé chez la caouane.

L’APDFO est persistant dans tous les milieux, en plus de présenter un potentiel de bioaccumulation et de bioamplification chez les mammifères terrestres et marins. En raison de ses propriétés inhérentes, ainsi que des concentrations environnementales pouvant s’approcher de celles ayant une incidence sur le système endocrinien (causant notamment l’induction de la vitellogénine, la féminisation des poissons mâles, la dégénérescence des ovaires des poissons femelles et la toxicité hépatique), des tendances temporelles actuelles chez l’ours blanc, de la présence répandue de cette substance dans le biote, y compris dans les régions éloignées, et du fait que d’autres substances perfluoroalkyliques ainsi que les précurseurs de l’APDFO peuvent contribuer à l’effet additif ou synergique global de cet acide dans le biote, il est proposé de conclure que l’APDFO, ses sels et ses précurseurs pénètrent dans l’environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique.

Santé humaine

Chez l’être humain, l’APDFO est facilement absorbé quelle que soit la voie d’exposition; en outre, il ne semble pas être métabolisé et présente une demi-vie relativement longue. Les sels de l’APDFO devraient se dissocier dans les tissus biologiques en perfluorooctanoate; par conséquent, on considère que leur toxicité est équivalente à celle de l’APDFO. De faibles concentrations d’APDFO ont été mesurées dans des échantillons sanguins prélevés chez des Canadiens n’y étant pas exposés au travail, y compris chez des nouveau-nés, ce qui indique une exposition environnementale à cet acide ou aux composés pouvant se dégrader en APDFO. Selon les données disponibles, les Canadiens sont exposés à l’APDFO et à ses précurseurs présents dans l’environnement, notamment l’air, l’eau potable et la nourriture, et par suite de l’utilisation de produits de consommation neufs tels que les ustensiles antiadhésifs, ainsi que des vêtements et des matériaux domestiques traités avec des composés perfluorés, par exemple les tapis et les tissus d’ameublement. Les Canadiens peuvent également être exposés à l’APDFO in utero et pendant l’allaitement. La contribution relative de l’APDFO, de ses sels et de ses précurseurs en ce qui a trait à l’exposition totale n’a pas été caractérisée; l’accent a plutôt été mis sur l’exposition globale à la fraction préoccupante sur le plan toxicologique, l’APDFO.

Les études épidémiologiques réalisées chez l’être humain n’ont pas permis d’établir une relation causale entre l’exposition à l’APDFO et des effets néfastes sur la santé. Des études de toxicité effectuées sur des animaux de laboratoire ont donc été utilisées pour déterminer les effets critiques et les concentrations sériques d’APDFO correspondantes. À la suite de l’administration par voie orale du sel d’ammonium de l’APDFO (SAAPDFO) dans le cadre d’études de toxicité à court terme (14 jours), on a observé une augmentation du poids du foie chez les souris et une modification des paramètres lipidiques chez les rats. Une augmentation du poids du foie a également été relevée chez les singes au cours d’une étude de toxicité de 26 semaines. Par ailleurs, une étude de toxicité sur le développement des souris a révélé une augmentation du poids du foie des souris mères, des modifications de l’ossification chez les fœtus et une puberté précoce des souris mâles.

Des essais biologiques d’une durée de deux ans sur la cancérogénicité du SAAPDFO pour les rats ont révélé que les mâles qui recevaient une dose élevée de cet acide dans leur nourriture présentaient une incidence significativement plus élevée d’adénomes des hépatocytes que chez les témoins ainsi que des cellules de Leydig et des cellules acineuses du pancréas. Aucun signe de cancérogénicité n’a cependant été observé chez les rats femelles. Les tumeurs hépatiques chez les mâles pourraient être causées par la prolifération des peroxysomes induite par l’APDFO. Par ailleurs, d’autres voies pourraient également contribuer à l’apparition de tumeurs dans d’autres tissus. Étant donné que la prolifération des peroxysomes est beaucoup moins susceptible de survenir chez les primates que chez les rongeurs, les tumeurs induites par l’APDFO chez les rats mâles ne sont pas considérées comme un effet pertinent dans le cas des êtres humains. Même si les concentrations sanguines d’APDFO n’ont pas été mesurées dans le cadre d’études sur la toxicité chronique, la dose de SAAPDFO administrée par voie orale était plusieurs fois supérieure aux doses relevées dans des études déterminantes sur la toxicité subchronique et à court terme. Par ailleurs, bien que certaines données laissent croire que l’APDFO pourrait provoquer des dommages oxydatifs indirects à l’acide désoxyribonucléique, la base de données sur la génotoxicité indique que l’APDFO n’est pas mutagène. Par conséquent, étant donné que les tumeurs observées chez les rats mâles ne semblent pas être attribuables à une interaction directe avec le matériel génétique, on a recours à une approche fondée sur le seuil d’innocuité afin d’évaluer les risques pour la santé humaine.

L’évaluation de l’APDFO repose sur une comparaison de la marge entre les concentrations de cet acide dans le sang chez les êtres humains et celles associées à l’apparition d’effets néfastes chez les animaux de laboratoire. Cette approche tient compte de toutes les sources d'exposition, notamment les rejets des installations de fabrication ou de traitement de polymères fluorés et des stations de traitement des eaux usées ainsi que le lixiviat des sites d’enfouissement, ou encore la dégradation ou la transformation des précurseurs de l'APDFO.

La comparaison des concentrations sériques de l’APDFO associées à des effets néfastes chez les animaux de laboratoire (13 à 77 µg/mL) avec celles mesurées chez les adultes non exposés à cette substance au travail et chez les enfants (0,0034 à 0,010 µg/mL) donne des marges d’exposition supérieures ou égales à 1 300. Ces marges sont considérées comme suffisantes pour assurer une protection adéquate compte tenu des incertitudes présentes dans les bases de données sur l’exposition et les dangers et risques.

À la lumière des renseignements disponibles sur la capacité de l’APDFO de nuire à la santé humaine et des marges d’exposition en découlant, il est proposé de conclure que l’APDFO et ses sels ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines. Les précurseurs de l’APDFO n’ont pas été évalués de façon individuelle, mais ils ont été pris en compte du point de vue de leur contribution à l’exposition totale étant donné qu’ils peuvent se dégrader en APDFO dans l’environnement.

Conclusion

D’après les renseignements disponibles en ce qui concerne les considérations liées à l’environnement et à la santé humaine, il est proposé de conclure que l’APDFO, ses sels et ses précurseurs répondent à au moins un des critères de l’article 64 de la LCPE (1999).

L’APDFO est très persistant dans l’environnement et répond aux critères de la persistance prévus dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation. Bien que des données scientifiques indiquent que l’APDFO et ses sels présentent un potentiel de bioaccumulation et de bioamplification chez les mammifères terrestres et marins, ces substances ne répondent pas aux critères de bioaccumulation, tels qu’ils sont prévus dans le Règlement.

Des activités de recherche et de surveillance viendront, s’il y a lieu, appuyer la vérification des hypothèses formulées au cours de l’évaluation préalable et, le cas échéant, l’efficacité des mesures de contrôle possibles définies à l’étape de la gestion des risques.

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