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Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux : protection de la vie aquatique - Aluminium (Retiré)

Élaboration des recommandations pour la qualité des eaux

Les recommandations canadiennes pour la qualité des eaux relatives à l'aluminium ont été élaborées à partir du protocole du CCME (CCME, 1991) et sont formulées tant pour le Alim que pour le Altot. Bon nombre d'études ont montré que le Alim était la forme la plus toxique de l'aluminium (Parkhurst et al., 1990; Holtze et Hutchinson, 1989; Baker et Schofield, 1982; Driscoll et al., 1980) et qu'il constituait le meilleur paramètre de prévision de la toxicité de l'aluminium dans une large gamme de conditions de la qualité de l'eau (Parkhurst et al., 1990; Gundersen et al., 1994; Clark et Hall, 1985; Driscoll et al., 1980). Au cours d'une étude réalisée sur le terrain, Baldigo et Murdoch (1997) ont appliqué l'analyse de régression à l'examen des effets de conditions chimiques variables sur des ombles de fontaine (Salvelinus fontinalis) de quatre ruisseaux des montagnes Catskill. L'analyse de régression portait à croire que la mortalité des ombles de fontaine était corrélée avec (par ordre d'importance) le Al im, le pH, le COD, le calcium et le chlorure présents dans l'eau. La moyenne et la médiane des concentrations de Alim expliquaient de 76 à 85 % de la variabilité de la mortalité chez les ombles. Une étude semblable réalisée par Parkhurst et al., (1990) a porté sur les effets du pH, du Altot, du Alim, du COD, de l'ion fluorure et de la température sur l'omble de fontaine. Les auteurs ont trouvé que l'ordre d'importance de ces facteurs pour la survie d'alevins d'omble de fontaine en solution acide était le Al im, le pH, le COD, le F- et la température. Le Alim présentait un effet beaucoup plus important que le pH sur la survie des ombles.

Le calcium (Ca2+) peut avoir un important effet sur la toxicité de l'aluminium pour certains organismes aquatiques (Cleveland et al., 1991; Brown, 1983). Il est connu que le calcium peut réduire la perméabilité des membranes biologiques et donc la perte d'ions plasmatiques causée par le pH et la présence d'ions métalliques, dont ceux de l'aluminium (Freda et McDonald, 1990; Sadler et Lynam, 1988). Le calcium agit au niveau de la membrane biologique et les réponses sont fonction des organismes (p. ex., poissons, invertébrés ou plantes). Le calcium n'a pas été utilisé comme paramètre au moment de l'élaboration de la présente recommandation, car on ne disposait pas de corrélation dose-réponse pouvant servir à la modélisation des relations.

L'incidence de la température sur la spéciation de l'aluminium a été examinée en utilisant des gammes de pH distinctes, fondées sur la spéciation de l'aluminium à 2°C, pour la recommandation concernant le Alim et celle concernant le Altot (Lydersen et al., 1990; Howells et al., 1990). La forme la plus toxique, le Alim, devrait être celle qui domine dans une plus large gamme de pH à 2°C, comparativement à 20°C.

Recommandation pour l'aluminium inorganique monomère

Les recommandations pour le Alim sont fondées sur les données présentées dans la figure 1. Une première régression des valeurs de la recommandation a été réalisée pour les valeurs de pH de 5,0 à 6,1. Les données utilisées pour l'élaboration de la recommandation sont tirées des études de Buckler et al.,. (1995) sur le saumon de l'Atlantique (Salmo salar), de Parent et Campbell (1994) sur une algue verte (Chlorella pyreinoidosa) et de Baker et Schofield (1982) sur l'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) et le meunier noir (Catostomus commersoni). Une deuxième régression des valeurs de la recommandation a été réalisée pour les pH de 6,1 à 7,1. Les données utilisées pour élaborer la recommandation ont été tirées d'une étude de Helliwell et al., (1983) sur C. pyrenoidosa. Les droites de régression se croisent au pH de 6,1, la plus faible concentration avec effet observé (CE50 à 5 μg-L-1 de Alim; Helliwell et al., 1983). Les droites de régression réunies ont le même profil que la courbe de solubilité de l'aluminium de la gibbsite microcristalline (MEO, 1988). Les équations de régression pour le Alim utilisées pour la recommandation sont :

1)
pH <= 6,1: Log [Alim] = -1,6061 * pH + 10,5 (r2=0,7)
2)
pH > 6,1: Log [Alim] = 1,0327 * pH - 5,6 (r2=0,9)

Un facteur de sécurité de 0,1 est appliqué aux valeurs calculées du Alim de la recommandation. Les données sur les concentrations de fond du Alim au Canada étaient rares et aucune conclusion n'a pu être tirée quant au besoin d'un facteur de sécurité pour l'aluminium total (voir ci-dessous). Aucune recommandation pour le Alim n'a été élaborée pour les eaux douces de pH inférieur à 5,0 ou supérieur à 7,1 car il n'existe pas de données pour les organismes aquatiques exposés au Alim dans ces gammes de pH. Il est proposé d'utiliser la recommandation pour le Altot pour les pH supérieurs à 7,1.

Figure 1. Recommandations pour la qualité des eaux choisies pour l'aluminium inorganique monomère. Un coefficient de sécurité de 0,1 a été appliqué à la valeur du Alim obtenue des droites de régression.
Recommandations pour la qualité des eaux choisies pour l'aluminium inorganique monomère. Un coefficient de sécurité de 0,1 a été appliqué à la valeur du Alim obtenue des droites de régression.

Recommandation pour l'aluminium total

Les exigences en matière de données pour l'élaboration d'une recommandation complète pour la qualité des eaux concernant la protection de la vie aquatique n'ont pu être strictement respectées pour le Altot à cause de l'absence d'une étude des effets chroniques sur les invertébrés, tel qu'indiqué dans le protocole du CCME (1991). Cette insuffisance généralisée de données sur les invertébrés a été relevée par plusieurs auteurs (Vuori, 1996; MEO, 1988; Havas, 1985). Les données permettant d'élaborer une recommandation portent sur un nombre important d'espèces de poissons, des plantes aquatiques et des amphibiens. Les amphibiens ont tendance à être très sensibles aux concentrations d'aluminium (Sparling et Lowe, 1996; Freda, 1991; Albers et Prouty, 1987). Selon le protocole du CCME (1991), il existe suffisamment de données pour permettre l'élaboration d'une recommandation provisoire pour le Altot.

La toxicité du Altot dépend fortement du pH et de la concentration du carbone organique dissous (Buckler et al., 1995; Wilson et al., 1994; DeLonay et al., 1993; Parkhurst et al., 1990; Palmer et al., 1988; Sadler et Lynam, 1988; Parkhurst, 1987; Baker et Schofield, 1982). Afin de tenir compte de ces variables au moment de l'élaboration de recommandations pour le Altot, une analyse de régression multiple a été réalisée à partir des données de Parkhurst (1987). La variable dépendante choisie a été la survie après 21 jours de juvéniles d'omble de fontaine qui a été transformée en logits et ensuite modifiée par l'ajout de la valeur 10 afin d'éliminer les nombres négatifs :

3)
logits transformés = ln (p / (1-p)) + 10

où p est la proportion d'alevins ayant survécu après 21 jours. Les variables indépendantes étaient le pH, le COD et la concentration de Altot. Pour l'analyse de régression, les concentrations d'aluminium total ont fait l'objet d'une transformation logarithmique et des termes de puissance ont été ajoutés pour le log de l'aluminium total et le pH, car ces variables présentent des relations non linéaires avec la survie. L'analyse a été réalisée avec le logiciel SAS® (PROC REG). La méthode du maximum de vraisemblance a été appliquée pour obtenir l'équation 4 :

4)
logit Y = -63,16 + 26,17 * pH - 2,299 * pH2 + 2,648 * logAl - 1,583 * (log Al)2 + 0,249 * COD

Le détail des calculs est donné après la bibliographie. Toutes les variables de l'équation étaient significatives (p<0,05). Le coefficient de corrélation était de 0,71. Cette équation a été utilisée pour estimer les concentrations d'aluminium total causant une mortalité supérieure de 25 % à celle causée par diverses combinaisons de pH et de COD. Comme le modèle est fondé sur des données d'exposition chronique portant sur une des premières étapes du cycle vital de l'omble de fontaine, les CL25 estimées sont jugées être des indicateurs de la toxicité chronique car la sensibilité de l'omble décroît rapidement avec l'âge. La létalité a été la réponse la plus sensible mesurée et, dans certains cas, la CI25 a été jugée correspondre approximativement à la concentration sans effet observé (EPA, 1994). Le protocole du CCME (CCME, 1991) fait appel à un facteur de sécurité de 10 pour l'indicateur d'effet chronique. On s'inquiétait cependant du fait que la recommandation ainsi obtenue puisse être inférieure à la concentration de fond. Pour évaluer cette hypothèse, des données de contrôle sur les concentrations d'aluminium total dans l'eau de zones non industrialisées ont été obtenues pour toutes les régions du Canada (Caux et al., 2000). Une base de données commune regroupant 75 000 données ponctuelles a été évaluée (données postérieures à 1985) et compilée. Les données ont été recueillies pour le plus grand nombre possible de « provinces géologiques » du Canada (Wheeler et al., 1996). Au total, 11 des 13 provinces géologiques étaient représentées. Une courbe des fréquences des concentrations pour l'aluminium total a montré que le nombre de sites où la concentration d'aluminium total était égale ou inférieure à 252 μg-L-1 s'élevait à 80 % (n = 1 196). Les valeurs de la matrice pour la recommandation proposée concernant l'aluminium total et fondée sur les effets (dépendante du pH et du COD), en l'absence d'un facteur de sécurité de 10, variaient de 61 à 252 μg-L-1, ce qui constitue un recouvrement parfait pour cette proportion. Dans ce cas, une démarche par poids de la preuve intégrant les seuils des effets, les relations des paramètres de la chimie de l'eau et les concentrations de fond appuie l'adoption d'une recommandation pour la qualité des eaux, pour l'aluminium total, ne faisant pas appel à un facteur de sécurité.

Figure 2. Données choisies sur la toxicité de l'aluminium total en eau douce.
Données choisies sur la toxicité de l'aluminium total en eau douce.

Mise en oeuvre

On note, au niveau du lieu dans la plupart des provinces géologiques, qu'il n'existe proportionnellement que quelques endroits où les concentrations de fond de Altot sont inférieures à 61 μg-L-1. Pour ces lieux, lorsqu'ils sont jugés sensibles du point de vue écologique, une concentration de fond pourrait être utilisée comme valeur objective propre à ces lieux. Bien que les concentrations naturelles puissent avoir un effet nocif pour certains organismes, les options de gestion justifiables devraient tenir compte de l'apport des processus naturels afin de mettre l'accent sur les lieux et les substances chimiques qui subissent surtout les effets des activités humaines.

Il existe dans l'environnement canadien des situations où le pH et les concentrations de COD débordent des gammes présentées dans le tableau 2 et, par ailleurs, la recommandation pour la qualité des eaux concernant le pH fait état d'une gamme de 6,5 à 9,0 (CCME, 1999). Parkhurst (1987) n'a cependant pas traité de pH supérieurs à 6,5 ou de concentrations de COD supérieures à 10 mg-L-1. Il est donc recommandé que l'on applique la recommandation pour l'aluminium total la plus prudente qui se rapproche le plus des conditions de pH et de COD du plan d'eau d'intérêt (74 μg-L-1). Les utilisateurs de la recommandation devraient aussi être conscients du fait qu'une augmentation rapide du pH, notamment dans les zones de mélange, peut donner lieu à une précipitation de l'aluminium qui se retrouve alors en solution sursaturée et peut présenter une létalité aiguë pour la vie aquatique.

Il est recommandé que le choix d'une recommandation, pour le Alim ou le Altot, soit fondé sur les objectifs de gestion et le meilleur jugement professionnel s'appliquant dans chaque cas. La recommandation pour le Alim tient compte d'un facteur de sécurité et est fondée sur la fraction toxique présumée tandis que celle pour le Altot est d'ordre plus pratique, prend en compte les concentrations de fond et peut donc s'avérer plus utile pour les conditions où il n'y a pas équilibre. En outre, il pourra s'avérer nécessaire d'évaluer de façon spécifique au lieu les lacs de faible pH à eau fortement colorée (lacs dystrophes). Les autorités pourront opter pour l'élaboration d'objectifs de qualité de l'eau particuliers au lieu, comme cela est mentionné dans le protocole du CCME de 1991.

Les recommandations établissent une norme élevée pour la protection de la vie aquatique dans tout le Canada. Leur application peut exiger de tenir compte des conditions locales. Elles peuvent faire l'objet de mises à jour à mesure que de nouveaux renseignements sont obtenus.

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