Rapport sur l'état des connaissances scientifiques écologiques concernant le décabromodiphényléther (décaBDE) : chapitre 2


2. Sources de données à l'appui de la bioaccumulation

L'évaluation de nouvelles sources de données effectuée dans la présente section se fonde sur la définition sommaire qui est donnée des termes bioaccumulable et bioamplification à la section précédente. Plus important encore, il faut principalement faire référence aux méthodes d'évaluation de la bioaccumulation fondées sur le ratio pour déterminer si ces nouvelles sources de données indiquent que le décaBDE est bioaccumulable. Selon les définitions à la section 1.2, on peut affirmer que la meilleure façon de caractériser le niveau d'accumulation d'un produit chimique dans un organisme est par un ratio qui compare la concentration de la substance à l'étude dans un organisme et la concentration d'exposition pertinente dans le milieu naturel de l'organisme (c.-à-d. quantifier les facteurs de bioconcentration, de bioaccumulation, de bioamplification, d'amplification dans le réseau trophique ou d'accumulation biote-sédiments ou biote-sol).

Il est souvent utile d'avoir d'autres données qui corroborent les mesures de bioaccumulation fondées sur le ratio, comme la présence de concentrations élevées chez les prédateurs de niveau trophique supérieur. Il est toutefois reconnu qu'une concentration d'un produit chimique caractérisée comme « élevée » dans le biote est subjective et repose sur le jugement d'un expert; elle est donc sujette à d'autres interprétations.

Les données fournies par des études de quantification des résidus chimiques dans les tissus sont souvent influencées par divers facteurs décrits ci-après. Par exemple, dans bon nombre d'études de surveillance et de terrain, particulièrement celles qui montrent des concentrations exceptionnellement élevées chez les organismes prédateurs, les connaissances sur les niveaux d'exposition sont insuffisantes. Il est alors impossible de quantifier les facteurs de bioaccumulation et de bioamplification. Bien que la concentration élevée d'un produit chimique chez un prédateur de niveau trophique supérieur puisse être causée par une amplification trophique, elle pourrait également être causée par une forte exposition localisée géographiquement à un produit chimique en particulier, comme le fait de se nourrir de matières organiques mortes (détritivores) ou d'avoir comme habitat un site d'enfouissement. Il est également possible que des voies d'absorption autres que la chaîne alimentaire existent, par exemple l'inhalation ou l'ingestion directe de matières plastiques. Par ailleurs, l'analyse du décaBDE peut présenter des difficultés liées notamment à un certain nombre de facteurs essentiels pouvant contribuer à la précision générale des niveaux signalés dans les échantillons environnementaux. Par exemple, de Boer et Wells (2006) soulignent qu'il faut être davantage vigilant durant l'échantillonnage et l'analyse afin d'éviter les problèmes suivants :

  • une dégradation à la lumière du soleil ou aux rayons ultraviolets (UV);
  • une faible solubilité;
  • des concentrations de fond élevées, un risque de contamination et des concentrations faibles (observées couramment) dans le biota;
  • une dégradation thermique.

Covaci et al. (2007) décrivent, en outre, des problèmes analytiques se rapportant à la chromatographie en phase gazeuse (CG), qui influent sur l'exactitude de la détermination des congénères. Ils analysent un certain nombre d'interférences chromatographiques qui nuisent à la qualité des données, notamment en ce qui concerne les diBDE, les tétraBDE et les hexaBDE. Mise à part l'utilisation de normes adéquates, Björkland et al. (2003) préconisent également l'optimisation de plusieurs autres paramètres liés à la chromatographie en phase gazeuse (GC) et à la spectrométrie de masse (SM), comme l'énergie d'ionisation, la régulation de la pression du gaz, la température de la source ionique et la température de l'analyseur.

Au cours de la dernière décennie, il semble que l'on ait perfectionné l'analyse du décaBDE dans des échantillons environnementaux, comme le démontre une étude interlaboratoire menée récemment pour valider et harmoniser la méthode d'analyse (Leonards et Duffek, 2008). Au total, dix laboratoires de routine, dont neuf d'Europe et un du Canada, ont participé à l'évaluation du décaBDE dans la poussière et les sédiments. Dans l'ensemble, l'évaluation a jugé les résultats de tous les laboratoires acceptables en termes d'exactitude, en s'axant particulièrement sur les procédures d'assurance et de contrôle de la qualité (AQ et CQ).

La prochaine section est un résumé des données de concentration du décaBDE dans le biote examinées dans le rapport d'évaluation préalable des PBDE (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006b). Ce résumé est ensuite suivi d'une analyse des nouvelles données disponibles depuis 2004 et d'une interprétation de leur importante en matière de bioaccumulation et de bioamplification du décaBDE.

2.1 Données de concentration dans le biote

2.1.1 Données évaluées dans le cadre de l'évaluation préalable

  • Norstrom et al. (2002) n'ont pu déceler la présence de décaBDE dans les œufs de Goéland argenté (Larus argentatus) échantillonnés dans les Grands Lacs.
  • Lichota et al. (2004) ont déterminé que la concentration totale de PBDE (dont 67 % était du décaBDE) mesurée dans le gras de la marmotte de l'île de Vancouver (Marmota vancouverensis) était de 0,777 mg/kg de lipides.
  • Les Communautés européennes (2002) et Law et al.(2003) ont résumé les résultats de nombreuses analyses du décaBDE dans les tissus de poissons et de mammifères marins d'Europe et d'ailleurs. Il est mentionné que la présence du décaBDE n'a été décelée qu'à l'occasion, à des concentrations près du seuil de détection de la méthode utilisée.
  • Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) a été décelé une seule fois à une concentration de 1,4 µg/kg de poids humide dans des moules du Japon (échantillons prélevés entre 1981 et 1985) (Watanabe et al., 1987).
  • Dodder et al. (2002) ont analysé les concentrations de décaBDE des poissons d'eau douce du nord-est des États-Unis et constaté que toutes les concentrations étaient inférieures au seuil de détection analytique (variation de l'ordre de 1,4 à 1,6 µg/kg de poids humide).
  • Aucun des échantillons de petit lard de phoque annelé (Phoca hispida) recueillis par Ikonomou et al.(2002a) entre 1981 et 2000 n'affichait des concentrations de décaBDE supérieures à celles des essais à blanc.
  • Ikonomou et al. (2000, 2002a, b) ont analysé le décaBDE présent dans des échantillons de biote marin prélevés le long de la côte de la Colombie-Britannique et sur l'île Holman, dans les Territoires du Nord-Ouest, entre 1981 et 2000. Les concentrations de décaBDE étaient équivalentes à celles des essais à blanc.
  • Le décaBDE a été décelé dans 18 des 21 œufs de Faucon pèlerin (Falco peregrinus) analysés, échantillonnés en Suède, à des concentrations variant entre 28 et 430 µg/kg de lipides (Lindberg et al., 2004).
  • Dans le cadre d'une étude réalisée par de Boer et al. (2001), un rapport a été rédigé sur des échantillons de foie, de muscle et de petit lard de mammifères marins - phoque commun (Phoca vitulina), marsouin commun (Phocœna phocœna), dauphin à nez blanc (Lagenorhynchus albirostris) et dauphin à gros nez (Tursiops truncatus) - prélevés en 1999 dans la mer du Nord et l'estuaire Tees, au Royaume-Uni, pour déterminer les concentrations de BDE209. La plupart des concentrations de BDE209 dans les échantillons étaient inférieures aux seuils de détection (variation approximative de l'ordre de 0,8 à 9,0 µg/kg de lipides), mais quelques échantillons affichaient des concentrations élevées dans certains tissus en particulier (p. ex. jusqu'à 26 µg/kg de lipides dans le petit lard du phoque commun, jusqu'à 160 µg/kg de lipides dans le foie du marsouin commun et jusqu'à 318 µg/kg de lipides dans le dauphin à nez blanc).
  • De Boer et al. (2004) ont recueilli des échantillons en vue de déterminer la présence de décaBDE dans le foie, le tissu musculaire et les œufs d'espèces d'oiseaux de niveau trophique supérieur du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Des concentrations de décaBDE ont été décelées dans 10 des 28 échantillons de foie (variation des concentrations < 1,5 à 181 µg/kg de lipides), 14 des 28 échantillons de muscle (variation des concentrations < 4,2 à 563 µg/kg de lipides) et 25 des 68 œufs échantillonnés (variation des concentrations < 1,8 à 412 µg/kg de lipides). Les concentrations observées dans les œufs du Faucon pèlerin suédois (Falco peregrinus), qui ont été analysées de nouveau dans le cadre de l'étude, étaient toutes comprises dans 30 % des concentrations déterminées à l'origine par Lindberg et al. (2004). Les concentrations les plus élevées de décaBDE ont été mesurées dans des échantillons de tissu musculaire de Héron cendré (Ardea cinerea) et de Faucon pèlerin (Falco peregrinus) du Royaume-Uni ainsi que dans des œufs de Faucon pèlerin échantillonnés en Suède.

De plus amples renseignements concernant ces études sont fournis à l'annexe A et dans le document de travail à l'appui de l'évaluation écologique préalable des polybromodiphényléthers (Environnement Canada, 2006b).

2.1.2 Nouvelles données de concentration dans le biote

Un grand nombre d'études démontrant des concentrations de décaBDE dans les tissus de différentes espèces fauniques à l'échelle mondiale ont été publiées récemment. Elles sont abordées ci-après et interprétées en faisant référence aux concepts de bioaccumulation et de bioamplification définis aux sections précédentes du rapport.

Voorspoels et al. (2006a) ont écrit un article sur les concentrations de décaBDE mesurées dans le renard roux (Vulpes vulpes) de Belgique. Ils ont recueilli des échantillons de foie (n = 30), de tissu musculaire (n = 33) et de tissu adipeux (n = 27) chez des renards soumis à un dépistage du virus de la rage. Les concentrations de décaBDE décelées dans moins de la moitié des échantillons de chaque type de tissu variaient de < 9,1 à 760 ng/g de lipides pour les échantillons de foie, de < 3,9 à 290 ng/g de lipides pour les échantillons de tissu musculaire et de < 3,7 à 200 ng/g pour les échantillons de tissu adipeux. Les auteurs ont conclu que ces données confirmaient « sans équivoque » que le décaBDE se « bioaccumule » bel et bien dans le renard roux. Par contre, selon un article subséquent de Voorspoels et al. (2007), le décaBDE n'a pas été décelé chez les espèces-proies du renard - mulot sylvestre(Apodemus sylvaticus) et campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus), ce qui signifie que la bioamplification n'a pu être déterminée pour cette chaîne alimentaire. Les auteurs ont cependant mentionné que la quantité de tissu disponible aux fins d'analyse était faible en raison de la petite taille des rongeurs, ce qui avait quelques fois contribué à augmenter les limites de dosage qui variaient entre 7,3 et 17 ng/g de lipides pour le BDE209.

Voorspoels et al. (2006b) ont publié un article sur les concentrations de décaBDE mesurées dans des oiseaux de proie, en Belgique, qui avaient été retrouvés morts ou gravement blessés et qui avaient dû être euthanasiés. La Buse variable (Buteo buteo), l'Épervier d'Europe (Accipiter nisus), le Hibou moyen-duc (Asio otus), l'Effraie des clochers (Tyto alba) et la Chouette hulotte (Strix aluco) faisaient partie des espèces d'oiseaux étudiées. Le cerveau, le gras, le foie, le tissu musculaire et le tissu adipeux de chaque espèce ont fait l'objet d'analyses. On a décelé des concentrations de décaBDE dans presque tous les échantillons de sérum (de 2 à 58 ng/g de lipides pour toutes les espèces réunies) et dans certains échantillons de foie (sous le seuil de détection [SSD] - 190 ng/g de lipides pour toutes les espèces réunies), mais dans aucun autre tissu. En s'inspirant de ces résultats, les auteurs ont conclu que l'exposition au décaBDE était faible ou que ce congénère n'était bioaccumulable qu'en faibles quantités. Selon l'article subséquent de Voorspoels et al. (2007), le décaBDE n'a pas été décelé dans les espèces-proies de la buse (mulot sylvestre, Apodemus sylvaticus, et campagnol roussâtre, Clethrionomys glareolus) ou de l'Épervier d'Europe (Mésange charbonnière, Parus major), ce qui signifie que la bioamplification n'a pu être évaluée.

Jaspers et al. (2006) ont analysé des échantillons de foie et de tissu musculaire de 7 espèces d'oiseaux aquatiques et prédatrices terrestres de Belgique - Héron cendré (Ardea cinerea) et Grèbe huppé (Podiceps cristatus), deux espèces aquatiques, et Buse variable (Buteo buteo), Faucon crécerelle (Falco tinnunculus), Épervier d'Europe (Accipiter nisus), Hibou moyen-duc (Asio otus) et Effraie des clochers (Tyto alba), toutes terrestres. Ils ont décelé la présence de décaBDE (c.-à-d. BDE209) dans 1 à 2 échantillons de tissu musculaire de l'Effraie des clochers, à raison de 68 ng/g de lipides, mais dans aucun autre échantillon de tissu musculaire des autres espèces (seul de détection [SD] = de 1 à 2,25 ng/g de lipides). Le décaBDE (BDE209) n'a pas été décelé dans les échantillons de foie du héron, du grèbe ou de la buse. Les concentrations de décaBDE dans les échantillons de foie des autres espèces étaient de l'ordre de 52 à 85 ng/g de lipides. Cependant, le décaBDE n'a été décelé que dans quelques échantillons d'oiseaux terrestres et dans aucun échantillon d'oiseaux aquatiques. Les auteurs ont suggéré que les espèces d'oiseaux terrestres étaient possiblement davantage exposées au décaBDE que les espèces aquatiques.

Christensen et al. (2005) ont publié un article sur la présence de résidus de décaBDE dans les tissus musculaires et adipeux du grizzly (Ursus arctos horribilis) vivant le long des côtes (n = 6) et à l'intérieur des terres (n = 6), en Colombie­Britannique, au Canada. Les concentrations de décaBDE (c.-à-d. du BDE209) variaient entre 1 et 2,77 mg/kg de lipides chez les ours vivant le long des côtes et approximativement entre 0,5 et 41,71 mg/kg de lipides chez les ours vivant à l'intérieur des terres (concentrations lues sur un graphique), ce qui suggère que les ours se nourrissant en milieux forestiers, où l'alimentation est essentiellement composée de ressources terrestres, sont davantage exposés au décaBDE. Les auteurs ont également eu recours à une méthode de la « courbe de bioaccumulation » pour caractériser le processus de bioaccumulation du décaBDE observé chez les ours vivant le long des côtés et à l'intérieur des terres. Cette analyse est évaluée plus en profondeur à la section 2.2.

Verreault et al. (2004, 2005) ont analysé les concentrations de décaBDE mesurées dans deux prédateurs arctiques de niveau trophique supérieur de la Norvège, soit le Goéland bourgmestre (Larus hyperboreus) et l'ours polaire (Ursus maritimus), qui vivent dans les régions de Svalbard et de Bjoroya, en Norvège. Dans les échantillons de plasma des goélands de la région de Svalbard (n = 27), les concentrations de décaBDE variaient entre < 0,05 et 0,33 ng/g de poids humide, tandis que les concentrations dans les œufs (n = 20) variaient entre inférieures au seuil de détection et 170 ng/g de lipides. Les concentrations des échantillons de plasma (n = 89) et d'œufs (n = 4) des goélands de la région de Bjoroya étaient, respectivement, de 410 ng/g de lipides et de 23 à 53 ng/g de lipides. Le décaBDE n'a été détecté que dans 1 des 15 échantillons de plasma d'ours polaire de la région de Svalbard, à une concentration de 0,1 ng/g de poids humide. Les auteurs prétendent que le décaBDE n'était « bioaccumulable » que dans une certaine mesure. Cette hypothèse était cependant fondée uniquement sur la présence de décaBDE dans les tissus sans évaluer si les concentrations élevées étaient causées par l'environnement ou la prédation.

Vorkamp et al. (2005) ont publié un article sur les concentrations de décaBDE mesurées dans des œufs de Faucon pèlerin (Falco peregrinus) échantillonnés dans le sud-ouest du Groenland, de 1986 à 2003. Bien que des concentrations de décaBDE variant entre 3,8 et 250 ng/g de lipides aient été mesurées dans tous les échantillons (n = 37), de fortes concentrations ont été observées que dans deux œufs entre 1995 et 2002, et la concentration médiane était de 11 ng/g de lipides. Les auteurs ont remarqué une tendance temporelle significativement à la hausse des concentrations de décaBDE mesurées dans les tissus de faucon. Ils ont également conclu que leurs résultats démontraient que le décaBDE était absorbé et bioaccumulé dans une certaine mesure (excluant ainsi l'idée d'un seuil de perméabilité de la membrane pour le décaBDE). Les auteurs ont caractérisé les concentrations de décaBDE mesurées dans les œufs de faucon comme étant faibles.

SØrmo et al. (2006) ont publié un article portant sur des analyses du décaBDE observé dans le biote de la région de Svalbard, en Norvège. Le décaBDE (BDE209) n'a pas été décelé chez 2 espèces de copépode calanoïde (méthode du seuil de détection [MSD] = 0,012-1,3 ng/g de lipides), mais il a été décelé à une concentration de 7,22 ng/g de lipides chez 1 espèce d'amphipode (Gammarus wilkitzkii). Les concentrations de décaBDE observées dans la morue polaire (Boreogadus saida; n = 7) étaient de l'ordre de 0,05 à 0,42 ng/g de lipides, soit une moyenne de 0,2 ng/g de lipides. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) n'a été décelé que dans 1 des 6 échantillons de petit lard de phoque annelé (Pusa hispida), à une concentration de 0,02 ng/g de lipides (MSD = 0,014-0,75 ng/g de lipides). Le tissu adipeux de l'ours polaire (Ursus maritimus; n = 4) contenait de 0,03 à 0,16 ng/g de lipides de décaBDE, soit une concentration moyenne de 0,09 ng/g de lipides. DeWit et al. (2006) ont résumé des données supplémentaires sur l'ours polaire de la région de Svalbard qui avaient été présentées par Muir et al. (2006) et Skaare (2004). Dans le cadre de l'étude menée par Muir et al. (2006), le congénère BDE209 (décaBDE) n'a pas été décelé (MSD = 1 ng/g de lipides), tandis que l'étude réalisée par Skaare (2004) a permis de détecter la substance à une concentration de 1 ng/g de lipides.

Chen et al. (2007) ont publié un article sur les concentrations de décaBDE mesurées dans des oiseaux de proie du nord de la Chine, notamment des échantillons de tissu musculaire, de foie et de rein du Faucon crécerelle (Falco tinnunculus; n = 6), de l'Épervier d'Europe (Accipiter nisus; n = 11), de l'Épervier du Japon (Accipiter gularis; n = 6), de la Chevêche d'Athéna (Athene noctua; n = 6), du Petit-duc d'Orient (Otus sunia; n = 6), du Hibou moyen-duc (Asio otus; n = 6), de la Buse de Chine (Buteo hemilasius; n = 3) et de la Buse variable (Buteo buteo; n = 3). Le Faucon crécerelle affichait les concentrations moyennes de décaBDE les plus élevées, soit 2 150 ng/g de lipides dans les échantillons de tissu musculaire), 2 870 ng/g de lipides dans les échantillons de foie et 483 ng/g de lipides dans les échantillons de rein, suivi du Petit-duc d'Orient (concentrations moyennes dans les échantillons de tissu musculaire, de foie et de rein variant de 59 à 537 ng/g de lipides), et de l'Épervier d'Europe (concentrations moyennes dans les échantillons de tissu musculaire, de foie et de rein variant de 83 à 249 ng/g de lipides). Les concentrations de décaBDE dans les tissus des autres espèces ne dépassaient pas 150 ng/g de lipides. Les auteurs ont conclu que les concentrations de décaBDE étaient particulièrement élevées par rapport à celles publiées dans d'autres rapports et qu'elles étaient peut-être liées à une importante production, utilisation et élimination de produits composés de décaBDE en Chine. Ils ont également suggéré que l'exposition au décaBDE était peut-être plus importante dans les chaînes alimentaires terrestres que dans les chaînes alimentaires aquatiques.

Lam et al. (2007) ont évalué la teneur en PBDE d'œufs d'oiseaux du sud de la Chine. Les chercheurs ont examiné des œufs (n = 5 pour chaque espèce) de l'Aigrette garzette (Egretta garzetta), du Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), du Crabier chinois (Ardeola bacchus) et du Héron garde-bœufs (Bubulcus ibis) échantillonnés dans les régions de Hong Kong, Xiamen et Quanzhou. Les concentrations de décaBDE variaient de < 0,5 (dans les œufs du Bihoreau gris de Quanzhou) à 99 ± 130 ng/g de lipides (dans les œufs du Crabier chinois de Xiamen). Les concentrations élevées de BDE209 observées chez les oiseaux de Xiamen semblent correspondre à une forte production de matériel électronique à Xiamen. Les niveaux d'exposition n'ont pas été déterminés dans le cadre de cette étude.

Johnson-Restropo et al. (2005) ont publié les résultats d'une étude de surveillance sur des poissons de mer - poissons téléostéens, raies (Dasyatis sabina) et requins (Rhizoprionodon terrænovæ et Carcharhinus leucas) - et sur des dauphins (Tursiops truncatus) des côtes de la Floride. Aucune concentration de BDE209 (décaBDE) n'a été décelée (MSD = 0,022 ng/g de lipides) dans des échantillons de tissu musculaire de la perche (Bairdiella chrysoura), du mulet cabot (Mugil cephalus), de l'acoupa pintade (Cynoscion nebulosus) et du tambour ocellé (Sciænops ocellatus), ni dans des échantillons de petit lard du dauphin à gros nez (MSD = 0,022 ng/g de lipides). Les concentrations de décaBDE mesurées dans le poisson-chat (Arius felis) et la raie étaient respectivement de 4,5 ng/g de lipides et de 0,1 ng/g de lipides, tandis que chez les requins, elles variaient de 16,9 ng/g de lipides dans les tissus de l'aiguillat commun (Squalus acanthias) à 778 ng/g de lipides dans ceux du requin bouledogue (Carcharhinus leucas). Chez les requins, le décaBDE (c.-à-d. BDE209) était le congénère en plus forte concentration, ce qui suggère soit une exposition préférentielle des requins au décaBDE, soit une bioaccumulation préférentielle du décaBDE dans les tissus des requins.

Gauthier et al. (2008) ont réalisé une étude de surveillance sur des œufs d'oiseaux et ont publié un article sur la tendance temporelle (1982 à 2006) des PBDE, plus particulièrement du BDE209, dans des échantillons combinés d'œufs de Goéland argenté (Larus argentatus) échantillonnés dans 7 colonies des lacs Supérieur, Michigan, Huron et Ontario, et des rivières Detroit et Niagara. Les concentrations de BDE209 dans 2 006 échantillons combinés d'œufs variaient de 4,5 à 20 ng/g de poids humide et représentaient entre 0,6 et 4,5 % des concentrations totales de PBDE mesurées. Les auteurs ont remarqué que le temps de doublement moyen des concentrations de BDE209 dans les œufs était de 2,1 à 3 ans. Ils ont déterminé que les temps de doublement moyen de l'octaBDE et du nonaBDE étaient, respectivement, de 3 à 11 ans et de 2,4 à 5,3 ans. D'après l'augmentation rapide des concentrations au fil du temps, ils prétendent que le potentiel de bioaccumulation du décaBDE semble avoir été sous-estimé jusque-là, sans pour autant quantifier les niveaux d'exposition. Les chercheurs suggèrent également que la tendance des congénères dans les échantillons d'œufs semble indiquer une débromation métabolique du BDE209 et du BDE207 en BDE197 par suite de la perte d'un atome de brome en position méta.

Shaw et al. (2007) ont indiqué avoir mesuré des concentrations de décaBDE dans des échantillons de petit lard de phoque commun (Phoca vitulina concolor) de la côte nord-ouest de l'Atlantique, entre 1991 et 2005. Ils ont décelé le congénère BDE209 (décaBDE) dans 2 des 4 échantillons, à des concentrations atteignant 7,4 ng/g de lipides.

DeWit et al. (2006) ont résumé les concentrations de décaBDE observées dans le biote de l'Arctique et présentées dans de nombreuses autres études :

  • des concentrations de 0,025 à 0,12 ng/g de poids humide ont été calculées dans des échantillons de mousse de la Norvège (Schlabach et al., 2002);
  • des concentrations respectives de 0,5, 0,1 et 0,8 ng/g de lipides ont été mesurées dans des échantillons de foie de lagopède de l'espèce Lagopus, de lynx (Lynx lynx) et d'orignal (Alces alces) de la Norvège (Mariussen et al., 2004);
  • des quantités décelables (mais non quantifiées) dans des œufs d'oiseaux de proie échantillonnés en Norvège du Nord (Herzke et al., 2005);
  • de 3,6 à 33 ng/g de lipides ont été mesurés dans des échantillons de tissu musculaire de la moule bleue (Mytilus edulis) et de 0,98 à 0,99 ng/g de lipides ont été mesurés dans des échantillons de foie de la morue (Gadus morhua) recueillis en Norvège (Fjeld et al., 2004).

Verreault et al. (2007) ont étudié la présence de décaBDE dans les jaunes d'œufs et le plasma de spécimens mâles et femelles de Goéland bourgmestre (Larus hyperboreus) échantillonnés dans l'Arctique norvégien. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) était « pratiquement indécelable » dans les jaunes d'œufs et le plasma, mais les auteurs ont avancé l'hypothèse que la présence de concentrations décelables d'octaBDE et de nonaBDE dans les échantillons suggérait une accumulation, puis une débromation in vivo ultérieure du décaBDE. Bien qu'aucun seuil de détection n'ait été précisé pour le décaBDE, le seuil de détection indiqué pour l'heptaBDE, l'octaBDE et le nonaBDE étant de 0,16 ng/g de poids humide, on présume qu'il est le même pour le décaBDE.

Ismail et al. (2009) ont évalué les concentrations de BDE209 et d'autres ignifugeants dans des échantillons de touladi (Salvelinus namaycush) recueillis entre 1979 et 2004 dans le lac Ontario (Canada) et archivés à l'époque. On a régulièrement décelé des concentrations de BDE209 dans les échantillons durant cette période et ces dernières variaient de 2,3 à 12 ng/g de lipides (0,27 à 1,3 ng/g de poids humide). Contrairement aux autres congénères de PBDE, on a noté une hausse importante (environ quatre fois supérieure) des concentrations de BDE209 chez les touladis entre 1998 et 2004. L'étude a également fait état d'augmentation majeure des concentrations de la substance entre 1979 et 2004, avec un temps de doublement général de 19 ans (p < 0,05).

Guo et al. (2008) ont mené une analyse des concentrations et des profils de composition de PBDE dans les tissus de poissons sauvages d'eau douce et d'eau marine, ainsi que de poissons d'élevage dans le delta de la rivière Pearl en Chine. On a décelé du BDE209 dans 70 des 187 échantillons (de peau, de branchies, de tractus gastrointestinal, de foie et de muscles), en concentrations allant de 0,39 à 59,9 ng/g de poids sec (ps). Cependant, les auteurs ont suggéré que cette fréquence de détection était probablement sous-estimée en raison du seuil de détection analytique bien supérieur du BDE209 (10 ng/g) par rapport aux autres congénères PBDE moins bromés (0,2 ng/g). On a déterminé le rapport de concentration de BDE209 le plus élevé et le plus faible (pour l'ensemble des PBDE analysés) dans les échantillons de peau et de foie, respectivement (concentration moyenne/maximum : 48,0/99,2 % dans les tissus de peau; 8,2/83,3 % dans les tissus de foie); dans le même ordre, les concentrations médianes étaient de 95,5 et de 2,54 ng/g de lipides (d'après les échantillons combinés pour tous les poissons). Selon les auteurs, ces concentrations sont attribuables aux faits que, d'une part, le foie joue un rôle essentiel dans la biotransformation des composés organiques chez les poissons étudiés et que, d'autre part, le BDE209 a une courte demi-vie chez ces derniers. Guo et al. (2008) ont suggéré que le BDE209 pourrait s'accumuler dans les branchies et le tractus gastrointestinal puisque, dans ces tissus, les concentrations de décaBDE normalisées pour les lipides étaient en fait supérieures à celles observées dans les tissus hépatiques et musculaires. L'étude a conclu que le BDE209 est accumulable dans les tissus des poissons en environnement naturel et elle avance l'hypothèse selon laquelle le BDE209 provenant de zones fortement polluées au décaBDE, comme le delta de la rivière Pearl, est bioaccumulable, notamment dans le biote.

Potter et al. (2009) ont mesuré les concentrations de PBDE dans 23 œufs de faucon pèlerin (Falco peregrinus) recueillis dans 13 nids entre 1993 et 2002, à 11 emplacements situés dans la région de la baie de Chesapeake (États-Unis). La contribution moyenne du BDE209 aux concentrations totales de PBDE mesurées dans ces œufs était de 5,9 % et variait de 0 %, pour les œufs recueillis dans des terres brutes ou à proximité, à 18,6 % pour les œufs ramassés dans une zone à plus forte population. La plus forte teneur en BDE209 relevée au cours de l'étude était de 48,2 ng/g de poids humide, dans des œufs collectés sur le site d'un pont-route en zone urbaine. L'ordre de dominance des congénères de PBDE (des plus dominants aux moins dominants) dans les œufs était le suivant : BDE 153 > BDE 99 > BDE 100 > BDE 154 > BDE 209 > BDE 183 > BDE 197 > BDE 47 > BDE 207. D'après les auteurs, la source de signature des congénères de PBDE fortement bromés dans les œufs à l'étude demeure indéterminée, et la réponse pourrait résider dans les capacités de biotransformation de l'oiseau.

Dans une autre étude menée sur des œufs de faucon pèlerin (Falco peregrinus) au nord des États-Unis, on a détecté du BDE209 dans 114 d'entre eux (Chen et al., 2008). Les œufs ont été collectés de 1996 à 2006 (sauf en 1997 et 1998). Les concentrations de BDE209 relevées variaient de 1,4 à 420 ng/g de poids humide. Les auteurs ont indiqué que la concentration médiane de 26 ng/g de poids humide (ou 480 ng/g de lipides) était bien supérieure à celles observées dans les œufs d'oiseaux européens (comme le faucon pèlerin du Groenland, la buse de Belgique et l'épervier d'Europe), mais comparable à celles relevées dans les œufs de la crécerelle de Chine. Les concentrations de BDE209 et la contribution de ce congénère aux concentrations totales de PBDE étaient plus élevées dans les œufs ramassés en milieu urbain que dans les œufs recueillis en milieu rural (p < 0,005). Contrairement aux autres congénères de PBDE, on a noté une hausse importante des concentrations de BDE209 (r = 0,348, p < 0,005), avec un temps de doublement de cinq ans. Par ailleurs, on a souvent détecté huit congénères de nonaBDE et d'octaBDE en plus du BDE209. L'ensemble de ces congénères constituait 16 % à 57 % des concentrations totales de PBDE déterminées dans les œufs issus d'un milieu urbain, et 4,9 % à 53 % de celles-ci dans les œufs issus d'un milieu rural.

Kunisue et al. (2008) ont analysé la tendance spatiale des concentrations de PBDE de même que les tendances de concentration des congénères chez des espèces aviaires, en utilisant des échantillons de tissus (archivés) prélevés chez des oiseaux en eaux libres ainsi que dans l'arrière-pays et sur les côtes du Japon. On a détecté des PBDE dans tous les échantillons de muscles pectoraux de ces oiseaux. Cependant, aucune trace de BDE209 n'a été décelée dans les échantillons suivants : deux des trois échantillons recueillis chez des oiseaux en eaux libres, un des deux échantillons recueillis chez des oiseaux sur la côte, et un des quatre échantillons recueillis chez des oiseaux dans l'arrière-pays. Les échantillons prélevés sur la côte et dans l'arrière-pays présentaient des concentrations de PBDE plus élevées que les échantillons collectés en eaux libres. En outre, l'accumulation de congénères fortement bromés comme le BDE209 était prédominante chez les espèces omnivores résidant à proximité d'habitations humaines. Par exemple, la concentration moyenne de BD209 dans des échantillons prélevés chez le corbeau de Levaillant (Corvus macrorhynchos) en 1998 était de 440 ng/g de lipides. Le BDE153, le BDE183 et le BDE209 constituaient, en outre, les congénères prédominants chez cette espèce, et on y a également relevé une teneur en octaBDE et en nonaBDE plus élevée comparativement aux autres oiseaux.

D'autres études sont présentées à la section 2.2. Les études susmentionnées renfermaient suffisamment de données pour procéder à une évaluation de la bioaccumulation ou de la bioamplification fondée sur le ratio.

2.1.3 Synthèse des données de concentration dans le biote

Les concentrations de décaBDE décelées dans une grande variété d'organismes vivants confirment que cette substance peut s'accumuler dans les organismes jusqu'à un certain degré. Ces données ne démontrent cependant pas que le décaBDE est potentiellement bioaccumulable. Elles ont comme lacune principale de ne pas comparer les concentrations mesurées avec les concentrations évaluées dans le milieu où vit le biote (p. ex. facteur de bioaccumulation ou facteur de bioconcentration) ou avec les concentrations décelées dans les proies consommées par le biote (p. ex. facteur de bioamplification ou facteur d'amplification dans le réseau trophique).

En l'absence d'une évaluation fondée sur le ratio qui permet de déterminer si le décaBDE peut se bioaccumuler ou se bioamplifier, il est quand même possible d'émettre un jugement subjectif à savoir si les concentrations observées dans les prédateurs de niveau trophique supérieur semblent élevées, ce qui indiquerait une amplification trophique possible.

Les concentrations de décaBDE observées sont relativement élevées (p. ex. supérieures à 100 ng/g de lipides) chez certaines espèces de prédateurs de niveau trophique supérieur, notamment :

  • des oiseaux de proie, particulièrement le Faucon crécerelle, l'Épervier d'Europe et des hiboux en Chine; le Faucon pèlerin, l'Épervier d'Europe et le Faucon crécerelle au Royaume-Uni et en Suède; le Faucon pèlerin au Groenland; et la buse en Belgique;
  • le renard roux en Belgique;
  • des requins le long des côtes de la Floride;
  • des mammifères marins comme le marsouin commun et le dauphin à nez blanc;
  • certaines espèces d'oiseaux de mer, y compris le Héron de Suède et le Goéland bourgmestre de Byoroya et de Svalbard, en Norvège.

De tous ces résultats, ceux relatifs au Faucon pèlerin du Groenland et aux requins des côtes de la Floride démontrent peut-être manifestement que l'amplification trophique a bel et bien lieu étant donné l'éloignement des sites d'échantillonnage. Par ailleurs, Vorkamp et al. (2005) ont également remarqué que la sous-espèce de Faucon pèlerin (Falco perigrinus) du Groenland, dont certains échantillons ont été prélevés, migre vers l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale durant l'hiver en empruntant une voie migratoire le long de la côte Atlantique de l'Amérique du Nord. Il est par conséquent possible que les organismes aient été exposés à certains milieux contaminés localement, ce qui pourrait expliquer leur charge relativement élevée de décaBDE. Bien que de fortes concentrations de décaBDE soient observées dans les requins de la Floride, les espèces de poissons téléostéens, qui font partie du même écosystème et qui constitueraient probablement les espèces-proies du requin, n'affichent pas ces mêmes concentrations élevées. Une autre explication possible serait que les requins sont également exposés à des déchets contaminés qu'ils consomment.

En ce qui concerne les autres résultats, plusieurs facteurs ont tendance à maquiller les conclusions à savoir si le décaBDE est bioaccumulable, notamment :

  • la possibilité que les espèces échantillonnées vivent dans des habitats diversifiés contaminés au décaBDE, à proximité de zones industrialisées;
  • le grand nombre d'échantillons d'une même espèce et d'une même étude où aucune concentration de décaBDE n'a été décelée bien que de fortes concentrations aient été observées.

Même si des concentrations élevées de BDE209 ont été relevées dans certains organismes vivants, globalement, les données issues d'études de surveillance contredisent directement la conclusion généralisée selon laquelle les concentrations de décaBDE sont relativement élevées dans les prédateurs de niveau trophique supérieur, par exemple :

  • des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans certaines espèces de poissons de mer, tels le saumon et la morue, qui pourraient être considérées comme des prédateurs de niveau trophique supérieur au sein de leur réseau trophique respectif (ces données sont présentées de façon sommaire à l'annexe A);
  • des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans des mammifères prédateurs tels que le grizzly, l'ours polaire et le lynx, qui sont des organismes de niveau trophique supérieur;
  • des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans des mammifères marins de niveau trophique supérieur;
  • des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans des oiseaux aquatiques/marins de niveau trophique supérieur;
  • des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans des échantillons d'oiseaux de proie recueillis dans le contexte d'études où des concentrations relativement élevées ont également été observées.

De manière générale, il semble que les concentrations plus élevées de décaBDE dans le biote soient en fait des anomalies, lorsque l'on analyse un plus vaste ensemble de données sur les concentrations de décaBDE. Par conséquent, les éléments de preuve fondés sur les concentrations observées dans les prédateurs de niveau trophique supérieur ne démontrent pas de manière incontestable que le décaBDE se bioaccumule ou se bioamplifie dans les réseaux trophiques.

2.2 Données de bioconcentration, de bioaccumulation et de bioamplification

La présente section débute par un résumé des données de bioaccumulation du décaBDE étudiées dans le rapport d'évaluation préalable des PBDE (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006b), puis examine les nouvelles données disponibles depuis 2004 ainsi que leur signification.

2.2.1 Données évaluées dans le cadre de l'évaluation préalable

  • Dans le cadre de son étude de bioconcentration de 6 semaines, le Ministère japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (MITI, 1992) a déterminé que le facteur de bioconcentration de la carpe variait entre < 5 et < 50 (il a été recalculé par les Communautés européennes [2002] qui lui ont donné une valeur < 3 000). Vu la limite d'hydrosolubilité exceptionnellement faible du décaBDE, on ne s'attend pas à ce que cette substance soit absorbée de manière notable par les organismes aquatiques à partir de la phase aqueuse.
  • Stapleton et al. (2004) ont exposé des alevins de carpes communes (Cyprinus carpio) au décaBDE (degré de pureté > 98 % selon les laboratoires Cambridge Isotope Laboratories) en les nourrissant quotidiennement avec des aliments modifiés durant 60 jours (940 ng/jour/poisson) et, par après, en leur offrant de la nourriture non contaminée durant 40 jours. Aucune concentration de décaBDE (c.-à-d. BDE209) n'a été décelée dans les échantillons de tissu de poissons entiers prélevés durant la période d'exposition ou de dépuration (seuil de détection d'environ 1 µg/kg de poids humide), mais plusieurs pics observés sur le chromatogramme des poissons exposés n'ont pas été observés dans les échantillons témoins, ce qui suggère une transformation du décaBDE. Les résultats du MITI donnent à penser qu'au moins 0,44 % du décaBDE était biodisponible sous la forme de métabolites. Cette valeur pourrait être plus élevée si d'autres métabolites étaient présents, mais qu'ils n'avaient pas été décelés lors de ces études.
  • Kierkegaard et al. (1999) ont exposé des alevins de truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) à de la nourriture contaminée au Dow FR-300 (composition non déterminée durant l'étude, mais serait de 77,4 % de décaBDE, 21,8 % de nonaBDE et de 0,8 % d'octaBDE selon Norris et al., 1973 et 1974). Une petite proportion de la nourriture contaminée a été absorbée durant la phase d'exposition de 120 jours de l'expérience, ce qui représente environ 0,02 à 0,13 % selon les concentrations totales d'hexaBDE, d'heptaBDE, d'octaBDE, de nonaBDE et de décaBDE observées dans les tissus musculaires ou environ 0,005 % selon les concentrations de décaBDE observées dans les tissus musculaires et la dose alimentaire moyenne de Dow FR-300. Les auteurs n'ont pas précisé la concentration de décaBDE dans la nourriture, ce qui signifie que le facteur de bioaccumulation lié à l'alimentation ne peut être déterminé à partir des données de l'étude.
  • Des études sur le métabolisme réalisées avec des rats (Norris et al. , 1973, 1974; El Dareer et al., 1987) semblent indiquer que le potentiel de bioaccumulation du décaBDE est très faible chez les mammifères. Par exemple, Norris et al. (1973 et 1974) ont administré une suspension de 1,0 mg de décaBDE marqué au carbone 14 et d'huile de maïs à des rats mâles et femelles, et ont constaté qu'environ 90,6 % du décaBDE marqué au carbone 14 administré avait été excrété dans les matières fécales dans les 24 heures et, qu'au bout de 48 heures, toute la dose administrée avait été excrétée. Des études sur l'accumulation dans les tissus, où l'alimentation des rats était composée de décaBDE à raison de 0,1 mg/kg de poids corporel par jour, ont démontré que les teneurs en brome des différents tissus n'étaient pas significativement supérieures à celles observées chez les groupes témoins. La teneur en brome du tissu adipeux de rats exposés au décaBDE était significativement plus élevée à p < 0,03, mais pas à p < 0,01, lorsque celle-ci était comparée aux concentrations dans le tissu adipeux des groupes témoins (Norris et al., 1973 et 1974).

Un résumé des données de bioaccumulation de ces études est également présenté à l'annexe B. D'autres études ont aussi été examinées dans le cadre de l'évaluation préalable, mais leurs résultats n'ont pas permis d'estimer des paramètres de bioaccumulation. Ces résultats sont plutôt pertinents pour l'évaluation de la formation de métabolites, et sont donc abordés à la section 3.

2.2.2 Nouvelles données de bioaccumulation

Les données de bioaccumulation tirées d'études publiées après 2004 sont abordées dans la présente section et résumées à l'annexe B.

Études sur des espèces aquatiques

Stapleton et al. (2006) ont exposé 45 alevins de truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) à de la nourriture additionnée de décaBDE (degré de pureté de 98,7 %; aucune autre caractérisation des matières d'essai n'a été effectuée) pendant une période de 5 mois. Les 45 poissons ont été répartis aléatoirement dans 3 réservoirs expérimentaux, tandis que 15 poissons supplémentaires placés dans un réservoir distinct ont reçu de la nourriture non altérée. La concentration de décaBDE dans la nourriture modifiée était de 940 ng/g et la quantité de nourriture donnée aux poissons (poids moyen de 91,2 g) représentait 1 % de leur poids corporel par jour. Neuf poissons ont été sacrifiés aux fins d'analyse tout au long de la période d'exposition. Des échantillons sanguins ont été prélevés au début de la période d'exposition, puis à 3 différentes occasions durant les 3 derniers mois de l'étude. Des échantillons de sérum sanguin, d'intestin, de foie et de carcasse prélevés à chaque période d'échantillonnage ont été analysés aux fins de détection de décaBDE et de congénères de bromodiphényléthers moins bromés. Une étude in vitro a été réalisée simultanément avec des microsomes du foie de truite arc-en-ciel en vue de confirmer la capacité métabolique des tissus de la truite arc-en-ciel et la formation de métabolites potentiels.

L'absorption nette de décaBDE durant l'expérience a été évaluée à 3,2 % selon la charge totale des congénères heptaBDE, octaBDE, nonaBDE et décaBDE de la carcasse ou à 3,7 % quand le foie était inclus dans le calcul. C'est dans le foie (342 ng/g de poids humide) que les concentrations de décaBDE mesurées la dernière journée d'exposition étaient les plus élevées, suivi des intestins (~ 60 ng/g de poids humide - donnée lue sur le graphique), du sérum (de 26 à 40 ng/g de poids humide) et de la carcasse (5,3 ng/g de poids humide). Le seuil de détection dans cette étude était de 1 ng/g de poids humide. Plusieurs congénères heptaBDE, octaBDE et nonaBDE ont également été accumulés, possiblement en raison de la débromation du décaBDE (les poissons n'avaient été exposés qu'au décaBDE et les concentrations de fond de décaBDE dans les poissons du groupe témoin variaient entre < 0,5 ng/g et 0,5 ng/g). Ces résultats de débromation sont abordés plus loin, à la section 3.1.

À l'aide des données de concentration mesurées au jour 112, de la teneur en lipides des poissons testés déclarée et des valeurs connues de la concentration de décaBDE ou de la proportion de lipides dans la nourriture présentées par Stapleton et al. (2006), il est possible d'estimer les facteurs de bioamplification du décaBDE seul et de la charge combinée du décaBDE et des congénères débromés. Le tableau 2-1 présente un résumé des calculs.

Tableau  2-1 : Facteurs de bioamplification estimés à partir de l'étude sur les effets du décaBDE administré dans l'alimentation de la truite arc-en-ciel qui a été réalisée par Stapleton et collaborateurs (2006; renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès d'Environnement Canada, janvier 2008; source non citée)

  NourritureNote de bas de page a CarcasseNote de bas de page a SérumNote de bas de page a FoieNote de bas de page a
Concentration de décaBDE (ng/g lipides) 9 307 204 3 300Note de bas de page b 11 958
Fraction du décaBDE dans la charge totale de BDE N/D 0,25 0,68 0,92
Concentration totale de BDE (ng/g lipides)Note de bas de page c N/D 831,3 4 853 16 163
BMF du décaBDE N/D 0,02 0,35 1,28
BMF total des BDE N/D 0,09 0,52 1,74

 

Étant donné que la teneur élevée en lipides de l'alimentation (10,1 % lipides) comparativement à la teneur de la carcasse et du foie (4,5 % et 2,3 %, respectivement) pourrait faire en sorte que les facteurs de bioamplification exprimés en fonction du poids humide sous-estiment le potentiel de bioaccumulation du décaBDE, des facteurs de bioamplification exprimés en fonction de la masse lipidique ont donc été calculés. Pour le décaBDE seul, les facteurs de bioamplification variaient entre 0,02 (carcasse) et 1,28 (foie), tandis que pour la charge totale de bromodiphényléther, ils variaient entre 0,09 et 1,74.

D'après les résultats d'autres études (se reporter à la section 3), il est possible que le décaBDE se transforme en d'autres produits qui ne sont pas analysés dans la présente étude. L'étude menée par Stapleton et al. (2006) ne comprenait pas l'analyse de ces substances potentielles. Si ces substances se forment dans la truite arc-en-ciel, les données de l'absorption nette des bromodiphényléthers neutres seuls sous-estimeraient l'absorption réelle totale de décaBDE. On peut avancer l'hypothèse que l'absorption beaucoup plus faible de décaBDE observée chez la truite arc-en-ciel par rapport à celle observée chez le rat (se reporter à la section 3.1) pourrait être attribuable aux formes neutres et aux formes hydroxylées ou méthoxylées de bromodiphényléthers. Si des métabolites autres que l'heptaBDE, l'octaBDE et le nonaBDE se formaient dans les tissus du poisson et étaient persistants, les facteurs de bioamplification calculés précédemment sous-estimeraient alors le potentiel d'accumulation total des composés dérivés du décaBDE.

Tomy et al. (2004) ont étudié l'absorption de douze congénères tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE (Wellington Laboratories, tous les degrés de pureté > 96 %) et décaBDE (de qualité technique, Great Lakes Chemical Corp., degré de pureté non fourni) par des alevins de truite grise (Salvelinus namaycush) ayant consommé de la nourriture additionnée de ces substances. Les poissons testés ont été exposés à l'alimentation altérée durant 56 jours et ont ensuite été soumis à une période d'élimination de 112 jours. Soixante-dix poissons ont été exposés à de faibles et à de fortes concentrations (mesurées dans la nourriture) de décaBDE de qualité technique et un groupe témoin non exposé a également été suivi de près (concentrations mesurées dans la nourriture). Une absorption significative du décaBDE a pu être observée chez les groupes expérimentaux exposés aux faibles et aux fortes concentrations. Chez les groupes exposés aux fortes concentrations, l'efficacité d'absorption a été estimée à 5,2 % (Tomy et al. 2004; renseignements obtenus par G. Tomy auprès d'Environnement Canada, juillet 2009, source non citée), la demi-vie, à 26 ± 5 jours et le facteur de bioamplificationNote de bas de page 1, à 0,3. Bien que des congénères moins bromés de PBDE semblent s'être formés dans les poissons, il n'a pas été possible d'inclure les congénères débromés dans les estimations du facteur de bioamplification, car des congénères semblables étaient aussi présents dans la nourriture altérée ou potentiellement présents sous forme d'impuretés dans le décaBDE de qualité technique à l'étude. Par ailleurs, l'étude faisait état d'autres incertitudes, notamment quant à l'utilisation d'aquariums en fibre de verre qui pourraient avoir adsorbé des matières d'essai.

Ciparis et Hale (2005) ont examiné la biodisponibilité de nombreux PBDE, dont le décaBDE, présents dans les sédiments et les biosolides, pour un oligochète aquatique, Lumbriculus variegatus, et l'accumulation de ces substances dans cet organisme. Les oligochètes ont été exposés soit à des biosolides compostés qui renfermaient 1 600 ng/g de PBDE au total, soit à des sédiments artificiels auxquels des mélanges commerciaux de pentaBDE et de décaBDE (1 300 ng/g de PBDE au total) avaient été ajoutés. Le protocole expérimental comprenait une phase d'absorption de 28 jours, suivie d'une phase d'élimination de 21 jours. À la suite d'une extraction par solvant, d'une décontamination par filtration sur gel et d'une purification plus poussée à l'aide de colonnes d'extraction en phase solide, le décaBDE a été quantifié dans les tissus et les substrats à l'aide d'un chromatographe en phase gazeuse muni d'un détecteur à conductibilité électrolytique de gaz halogène ayant un seuil de détection de 190 ng/g pour les tissus et de 20 ng/g pour les substrats. Bien qu'une importante accumulation de PBDE moins bromés (particulièrement BDE47 et BDE99) ait été observée avec des biosolides comme avec des sédiments additionnés de ces substances, l'absorption du décaBDE a été minimale et il n'a pas été possible d'estimer les facteurs d'accumulation biote-sédiments à l'état d'équilibre ni les paramètres cinétiques liés à l'accumulation du décaBDE. Les auteurs ont avancé l'hypothèse que la biodisponibilité du décaBDE était limitée par la valeur élevée de son logarithme Koe (suggérant que la désorption du décaBDE dans les sédiments est minimale) et par sa grande taille moléculaire, ce qui pourrait nuire à son transport à travers la membrane cellulaire.

Burreau et al. (2004, 2006) ont publié les résultats de trois différents programmes de surveillance des polychlorobiphényles et des polybromodiphényléthers dans le réseau trophique. Burreau et al. (2004) ont prélevé des échantillons sur des perches communes (Perca fluviatilis; n = 120, 33 spécimens), des gardons (Rutilus rutilus; n = 23, 8 spécimens) et des grands brochets (Esox lucius; n = 51, 25 spécimens) dans l'estuaire Lumparn de l'archipel Åland dans la mer Baltique et ont analysé des échantillons composites de tissu musculaire de chaque espèce.Note de bas de page 2 Burreau et al. (2006) ont présenté une description d'études de surveillance menées dans la mer Baltique et dans l'océan Atlantique (au sud de l'Islande). Dans le cadre de l'étude dans la mer Baltique réalisée en 1998, des échantillons de zooplancton (crustacé calanoïde, n = 3 traits), de sprat (Spratus spratus; n = 6), de hareng (Clupea harengus; n = 5) et de saumon de l'Atlantique (Salmo salar; n = 10) ont été prélevés, tandis que lors de l'étude dans l'océan Atlantique réalisée en 1999, des échantillons de zooplancton de l'espèce calanoïde (Calanoid sp.; n = 10), de petit hareng (Clupea harengus; n = 6), de hareng (Clupea harengus; n = 10) et de saumon de l'Atlantique (n = 10) ont été prélevés. Les seuils de détection variaient entre 140 et 148 pg/g. Les seuils de détection analytique variaient de 14 à 14,8 pg/g de poids humide. Les mesures de décaBDE déterminées ont été corrigées par des essais à blanc. Le tableau 2-2 présente un sommaire des concentrations médianes observées dans les échantillons de biote prélevés dans la mer Baltique et dans l'océan Atlantique Nord.

Tableau  2-2 : Sommaire des concentrations de décaBDE observées dans le biote d'eau douce et de mer échantillonné dans l'estuaire Lumparn, la mer Baltique et l'océan Atlantique Nord (Burreau et al., 2004 et 2006)

Lieu Espèce Concentration
médiane
(ng/g lipides)
Nombre d'échantillons
où le décaBDE a
été décelé/
Nombre d'échantillons
analysés
Estuaire Lumparn Gardon
Rutilus rutilus
48 3/8
Estuaire Lumparn Perche commune
Perca fluviatilis
1,3 12/33
Estuaire Lumparn Grand brochet
Esox lucius
1,7 4/25
Mer Baltique Zooplancton
Calanoid sp.
2,1 3/3
Mer Baltique Sprat
Sprattus sprattus
0,082 3/6
Mer Baltique Hareng
Clupea harengus
0,24 4/5
Mer Baltique Saumon de l'Atlantique
Salmo salar
0,41 3/10
Océan Atlantique Nord Petit hareng
Clupea harengus
0,31 6/6
Océan Atlantique Nord Hareng
Clupea harengus
0,039 3/6
Océan Atlantique Nord Saumon de l'Atlantique
Salmo salar
non décelée 0/10

Afin d'examiner le potentiel de bioamplification du décaBDE dans le réseau trophique à l'aide des données sur le biote de chaque réseau trophique de la mer Baltique (gardon-perche commune-grand brochet; zooplancton-sprat-hareng-saumon), les auteurs ont analysé l'amplification trophique. Cette analyse suppose une régression des concentrations normalisées pour les lipides par rapport à d15N, selon le modèle suivant :

C = A•e(B•d15N)

Où C est la concentration dans le biote (normalisée pour les lipides), A est une constante qui représente d15N au bas de la chaîne alimentaire et B représente le « potentiel de bioamplification » de la substance. Une valeur de B positive indique que le produit chimique est bioamplifié, tandis qu'une valeur négative de B correspond à une dilution trophique de la concentration de la substance. B est semblable à un facteur d'amplification dans le réseau trophique, sauf qu'un tel facteur est exprimé sur une base arithmétique plutôt que logarithmique et qu'il est établi en fonction d'une régression avec le niveau trophique (estimé à partir de d15N) plutôt qu'en fonction de la valeur même de d15N. Les valeurs de B pour les deux réseaux trophiques n'étaient pas significativement différentes de zéro, ce qui indique que le décaBDE ne semble pas s'être bioamplifié dans ces réseaux trophiques. Parce qu'aucune concentration de décaBDE n'a été décelée dans le saumon de l'océan Atlantique, une analyse semblable n'a pu être effectuée pour ce réseau trophique.

À l'aide des données sur les concentrations publiées, il est également possible d'estimer les facteurs de bioamplification normalisés pour les lipides de combinaisons prédateur-proie précises (se reporter au tableau 2-3 pour un résumé des données). Les facteurs de bioamplification varient entre 0,03 et 5, selon la combinaison prédateur-proie, ce qui laisse supposer une bioamplification du décaBDE dans certaines combinaisons prédateur­proie. Il est cependant important de réaliser que les relations alimentaires précises dans ces réseaux trophiques sont inconnues, ce qui génère beaucoup d'incertitudes quant aux estimations des facteurs de bioamplification.

Tableau  2-3 : Estimations des BMF du décaBDE présent dans les échantillons de biote prélevés dans les réseaux trophiques pélagiques de l'estuaire Lumparn, de la mer Baltique et de l'océan Atlantique, publiées par Burreau et collaborateurs (2004 et 2006)

Lieu Prédateur-proie BMF (normalisé
pour les lipides)
Estuaire Lumparn perche commune-gardon
Perca fluviatilis-Rutilus rutilus
0,03
Estuaire Lumparn grand brochet-gardon
Esox lucius-Rutilus rutilus
0,04
Estuaire Lumparn grand brochet-perche commune
Esox lucius-Perca fluviatilis
1,31
Mer Baltique sprat-zooplancton
Sprattus sprattus-crustacé calanoïde
0,04
Mer Baltique hareng-sprat
Clupea harengus-Sprattus sprattus
2,93
Mer Baltique hareng-zooplancton
Clupea harengus-Calanoid sp.
0,11
Mer Baltique saumon-sprat
Salmo salar-Sprattus sprattus
5,00
Mer Baltique saumon-hareng
Salmo salar-Clupea harengus
1,71
Océan Atlantique hareng-petit hareng
Clupea harengus-Clupea harengus
0,13

Après avoir évalué les études de Burreau et al. (2004 et 2006), l'équipe du Royaume-Uni (2007a) recommande la prudence car les concentrations relativement élevées de décaBDE dans les essais à blanc et les faibles concentrations dans les échantillons de biote rendent l'analyse globale de la bioamplification incertaine. À l'heure actuelle, ce problème semble être fréquent lors d'études de terrain sur la présence de décaBDE dans le biote.

Shaw et al. (2009) ont étudié la bioaccumulation de polybromodiphényléthers dans des réseaux trophiques marins au nord-ouest de l'Atlantique. Afin d'évaluer le transfert de PBDE de la proie au prédateur, l'étude a comparé les PBDE mesurés antérieurement dans la graisse de phoque commun avec des échantillons de poissons entiers de sept espèces comprenant les proies principales du phoque commun (Phoca vitulina concolor). On a recueilli 87 poissons (de taille > 35 cm) au large de la côte du Maine dans le cadre du sondage au chalut des stocks de poissons démersaux mené dans golfe du Maine, de mai à juin 2006. Les espèces collectées comprenaient : le merlu argenté (Merluccius bilinearis, n = 10), la merluche blanche (Urophycis tenuis, n = 17), le hareng (Clupea harengus, n = 20), la plie canadienne (Hippoglossides platessoides, n = 10), le gaspareau (Alosa pseudoharengus, n = 10) et la plie rouge (Pseudopleuronectes americanus, n = 10). Le maquereau (Scomber scombrus, n = 10) a été pêché à l'hameçon et à la ligne dans la même zone au cours de juin 2006. Les poissons entiers ont été transportés dans de la glace vers le laboratoire, où l'on a consigné leur taille et poids standard, puis ils ont été congelés et stockés à -40 oC avant d'être acheminés vers le laboratoire d'analyse. On a ensuite réparti les échantillons de poissons entiers en 17 groupes de composites que l'on a homogénéisés. Pour l'extraction, les échantillons de poisson (~1,5 g de lipides, et entre 5 et 100 g de tissus) ont été homogénéisés et mélangés avec du sulfate de sodium. Après l'ajout de standards internes PBDE, un mélange de cyclohexane et de dichlorométhane a été appliqué à la colonne pour l'extraction des PBDE ainsi que d'autres composés lipophiles et graisses. On a ensuite lavé et séché l'extrait, puis, après l'évaporation du solvant, on a procédé à la détermination des lipides totaux par gravimétrie. L'extrait final a été évaporé par un courant d'azote à un volume final de 50 µL contenant du BDE139 marqué C13 à titre d'étalon de récupération. Les mesures ont été effectuées par chromatographie en phase gazeuse haute résolution combinée à la spectrométrie de masse haute résolution

Les concentrations totales de PBDE dans les échantillons de poissons variaient de 18,3 à 81,5 ng/g de lipides (concentration totale moyenne : 62 ± 34 ng/g de lipides) contre 80 à 25 720 ng/g de lipides pour les échantillons de graisse de phoque commun (concentration totale moyenne : 2 403 ± 5 406 ng/g de lipides - établie au cours d'études précédentes). On a décelé du BDE209 dans 35 % des échantillons de poissons et dans 25 % des échantillons de graisse de phoque commun. Les concentrations de BDE209 allaient de concentrations non décelées (0,2 ng/g de lipides) à 4 ng/g de lipides dans les poissons, et de 1,1 à 7,6 ng/g de lipides dans la graisse de phoque commun (concentration moyenne = 1,2 ng/g de lipides). On a observé des similarités entre les concentrations de BDE chez les poissons et le phoque commun, contrairement aux concentrations totales de PBDE, qui, chez le phoque commun, étaient supérieures de deux ordres de grandeur par rapport aux poissons. Pour le BDE209, les facteurs de bioamplification chez les espèces étudiées variaient entre 0,67 (plie canadienne) 0,075 (maquereau) et 1,3 (merluche blanche); les auteurs ont suggéré que ces facteurs indiquaient un faible potentiel de bioamplification. Ces résultats s'opposent aux facteurs de bioamplification d'autres PBDE, qui allaient en moyenne de 17 à 76,5, ce qui indique une bioamplification élevée dans ce réseau trophique marin. Les auteurs ont également indiqué que la présence de congénères fortement bromés, y compris le BDE209, à des concentrations mesurables dans les tissus des poissons et du phoque commun, ainsi que la bioamplification élevée du BDE153, du BDE155 et du BDE154, témoignent d'une récente exposition des espèces concernées à des mélanges commerciaux d'octaDBE et de décaBDE dans le réseau trophique marin au large des côtes des États-Unis.

Law et al. (2006) ont effectué une étude de terrain sur l'amplification trophique du décaBDE dans le réseau trophique pélagique du lac Winnipeg. Ils ont recueilli des échantillons de poisson, de plancton, de moules, de sédiments et d'eau dans le bassin sud du lac, près de Gimli, au Manitoba. Entre 2000 et 2002, des échantillons de tissu musculaire ont été prélevés chez de nombreuses espèces de poisson, y compris le doré jaune (Stizostedion vitreum; n = 5), le grand corégone (Coregonus clupeaformis; n = 5), le méné émeraude (Notropis atherinoides; n = 5), la lotte (Lota lota; n = 5), le meunier noir (Catostomus commersoni; n = 5) et la laquaiche aux yeux d'or (Hiodon alosoides; n = 3). Des échantillons de plancton tamisé (n = 5, zooplancton et phytoplancton combinés) ont été recueillis à l'aide de coups horizontaux de filets de 160 µm (date non précisée dans l'article). Des lampsiles rayées (Lampsilis radiata; n = 5, tissu musculaire conservé aux fins d'analyse) ont été pêchées par des plongeurs en 2002. Des échantillons instantanés de sédiments ont été recueillis à 4 sites et seuls les sédiments de surface (épaisseur de 2 cm) ont été conservés. En 2004, des échantillons d'eau ont été prélevés à l'aide de colonnes Teflon remplies d'absorbant XAD-2. Chaque colonne XAD­2 a permis d'échantillonner 6 échantillons de 54 L à partir des 324 L d'eau recueillis. Les échantillons ont d'abord été filtrés dans un filtre tapissé de fibre de verre (pores de 1 µm de diamètre), puis à travers une colonne XAD-2.

Tous les échantillons ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse aux fins de détection du décaBDE (et de plusieurs autres produits chimiques) et des analyses supplémentaires ont été effectuées pour le dépistage de carbone organique (CO) dans les sédiments, ainsi que de lipides et de d15N dans le biote. Les mesures de d15N servaient à évaluer la position trophique. Le seuil de détection de la méthode d'analyse utilisée était de 0,1 µg/kg pour les échantillons de biote et de sédiment, et de 15 pg/L pour les échantillons d'eau. La concentration de décaBDE, les teneurs en lipides et en carbone organique, et les niveaux trophiques du biote estimés sont résumés au tableau 2-4.

En utilisant les niveaux trophiques estimés à partir des données de d15N, on évalue le classement par ordre de rang des niveaux trophiques dans le réseau trophique pélagique comme suit : moule Þ zooplancton, grand corégone Þ laquaiche aux yeux d'or, meunier noir Þ lotte, doré jaune (prédateurs de niveau trophique supérieur). La régression de la concentration de décaBDE normalisée pour les lipides en fonction du niveau trophique a permis d'estimer le facteur d'amplification dans le réseau trophique (réseau trophique pélagique) du décaBDE à 3,6Note de bas de page 3 (r2 = 0,46; p = 0,0001). Les facteurs de bioamplification prédateur-proie (normalisés pour les lipides) ont également pu être calculés à l'aide de l'ensemble de données sur le biote. La valeur des facteurs de bioamplification du décaBDE estimés variait entre 0,1 et 34, selon la combinaison prédateur-proie.

Bien que les facteurs estimés d'amplification dans le réseau trophique et les facteurs estimés de bioamplification visent à fournir une réelle indication de l'amplification trophique et de la bioamplification du décaBDE dans un réseau trophique aquatique, il est important de tenir compte de certaines incertitudes liées à l'étude.

De nombreuses concentrations de décaBDE mesurées dans le cadre de l'étude de Law et al. (2007) étaient près du seuil de détection, ce qui rend la détermination de ces concentrations encore plus incertaine et soulève la possibilité de faux positifs. De plus, la bioamplification était déterminée au moyen de données normalisées pour les lipides, alors que certains tissus présentaient de très faibles concentrations de lipides (p. ex. le tissu musculaire du doré jaune, de la lotte et de la moule). Des teneurs en lipides faibles à ce point entraînent des concentrations très incertaines qui sont exprimées en fonction de la masse lipidique. Dans cette étude, quand la bioamplification est évaluée en fonction des concentrations de poids humide, elle n'est pas démontrée.

Il existe d'autres incertitudes quant à la pertinence de valeurs normalisées pour les lipides dans le cas du décaBDE. Il a été suggéré que cette substance se fixait aux protéines dans certaines situations même si, en raison de sa structure chimique, on ne s'attendrait pas à une telle liaison. Il est possible que le décaBDE concoure à des liaisons non spécifiques dans le plasma sanguin (p. ex. lipides) (p. ex. Han et al., 2007). Ainsi, ces liaisons pourraient occasionner une accumulation préférentielle dans le foie, mais aucune conclusion définitive n'a été émise dans ce sens.

Tableau  2-4 : Résultats de l'analyse de la teneur en lipides, de la teneur en carbone organique et du d15N d'échantillons d'eau, de sédiments et de biote prélevés dans le lac Winnipeg (Law et al., 2006)

Échantillon d15N Niveau trophique Teneur moyenne
en lipidesNote de bas de page a.1 ou en carbone
organiqueNote de bas de page b.1
Concentration
moyenne de
décaBDE
(ng/g lipidesNote de bas de page a.1;
ng/g poids secNote de bas de page b.1
ou pg/LNote de bas de page c.1)
Eau (phase dissoute) N/D N/D N/D < 15 pg/L
Sédiments N/D N/D 2 % 0,63
Tissu musculaire du doré jaune (Stizostedion vitreum) 17,8 2,4 1,15 % 24,7
Tissu musculaire du grand corégone (Coregonus clupeaformis) 12,0 0,8 8,78 % 3,6
Tissu musculaire de la lampsile rayée (Lampsilis radiata) 9,5 - 0,32 % 50,8
Zooplancton de l'espèce Calanoid 9,7 1,00 13,67 % 1,2
Tissu musculaire du méné émeraude (Notropis atherinoides) 16,0 1,9 3,18 % 40,3
Tissu musculaire de la laquaiche aux yeux d'or (Hiodon alosoides) 16,1 1,95 2,34 % 41,6
Tissu musculaire du meunier noir (Catostomus commersoni) 15,2 1,7 2,27 % 12,0
Tissu musculaire de la lotte (Lota lota) 16,6 2,2 0,33 % 98,7

N/D - Non disponible

 

L'équipe du Royaume-Uni (2007a) a également attiré l'attention sur les points faibles suivants de l'étude de Law et al. (2006) :

  • Il existe certaines incertitudes quant à la pertinence de la caractérisation des niveaux trophiques établie en fonction de l'analyse d15N car la structure trophique proposée ne correspond pas nécessairement à ce qu'on s'attendrait d'après la taille et les caractéristiques alimentaires des espèces (p. ex. le niveau trophique estimé pour le méné émeraude est supérieur à celui du grand corégone, mais selon sa taille et ses antécédents, on s'attendrait à ce qu'il soit d'un niveau trophique inférieur);
  • Il existe des incertitudes quant à la représentativité des échantillons puisque les échantillons étaient petits dans certains cas et qu'ils avaient été recueillis à différents moments entre 2000 et 2002;
  • Les données sur les relations alimentaires des espèces analysées sont insuffisantes. Il n'est pas clair si les espèces étudiées appartiennent essentiellement à la même chaîne alimentaire ou si elles se nourrissent d'autres espèces qui n'ont pas été échantillonnées et qui pourraient constituer d'importants éléments du réseau trophique.

Dans une étude des réseaux trophiques de l'Arctique, à l'est du Canada, Tomy et al. (2008) ont examiné la portée d'un transfert trophique de sept congénères de PBDE, y compris le BDE209. Les PBDE ont été analysés dans la graisse de béluga (Delphinapterus leucas, n = 5), de narval (Monodon monoceros, n = 5) et de morse (Odobenus rosmarus, n = 5). Des homogénats d'organismes entiers de morue polaire (Boreogadus saida, n = 8), de crevettes (Pandalus borealis et Hymenodora glacialis, n = 5), de myes (Mya truncate et Serripes groenlandica, n = 5), de sébaste atlantique (Sebastes mentella, n = 5) et de mélange de zooplancton (n = 5) ont été analysés. Des échantillons ont été collectés dans diverses parties de l'est de l'Arctique du Canada entre 1996 et 2002, puis ont été archivés. On a extrait de la graisse de mammifères marins en utilisant un broyeur à boulets muni d'un dispositif de secouage avec du sulfate de sodium anhydre et de l'hexane/dichlorométhane (DCM). On a ensuite ajouté à chaque cellule des étalons internes de récupération (RIS), puis agité et laissé reposer le tout de 2 à 4 heures avant de le passer à la centrifugeuse et de le décanter. L'extraction a été répétée à deux reprises en combinant des extraits décantés. Des tissus de poissons, de crevettes et de myes ont été homogénéisés avec de la glace sèche dans un mélangeur de laboratoire, puis stockés à -20 °C dans un congélateur pour permettre la sublimation du CO2. Les tissus décongelés ont été pesés, mélangés à de la terre d'infusoires à boulettes (Hydromatrix), ajoutés à une cellule avec les RIS, puis extraits en utilisant un extracteur à solvant accéléré (ASE 300). Les échantillons de zooplancton ont été pesés à l'état congelé et homogénéisés en les mélangeant directement avec le matériau Hydromatrix avant l'extraction accélérée par solvants. L'espace vide a été rempli avec du sable. Après l'extraction, on a ajouté du sulfate de sodium anhydre dans les bouteilles de collecte pour supprimer l'eau. On a réduit le volume des extraits, puis filtré ces derniers. La teneur en lipides a été déterminée par méthode gravimétrique dans une aliquote de l'extrait, alors que les lipides ont été supprimés du reste de l'extrait par chromatographie à perméation de gel. Après réduction du volume, les échantillons ont été nettoyés au Florisil selon Law et al. (2006). On a également diminué le volume de la fraction de BDE à 200 µL et ajouté des étalons internes de rendement des instruments (10 µL de 2 ng/µL d'aldrine). Les PBDE dans les échantillons de tissus ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse des ions négatifs à capture d'électrons (GC-ECNI-MS). Des PBDE ont été décelés en mode de détection d'ions déterminés (SIM) en utilisant des ions bromure (Br-) (m/z 79,81) et une solution standard externe contenant le mélange de BDE (36 congénères), y compris du BDE209, pour la quantification. Des témoins de procédure et d'appareil ont été utilisés et tous les échantillons ont été corrigés par des essais à blanc. Le niveau trophique relatif des organismes a été déterminé par des isotopes stables (d15N) analysés à l'Université de la Géorgie. Le facteur de bioamplification a été déterminé comme étant le rapport ajusté de la concentration dans les tissus du prédateur contre la concentration dans les tissus de la proie dans le niveau trophique.

La concentration totale des sept congénères analysés variait de 0,4 ng/g de lipides chez le morse, à 72,9 ng/g de lipides chez le zooplancton. Les concentrations moyennes de BDE209, quant à elles, allaient de concentrations non décelées (morse, béluga, narval) à 18,7 ng/g de lipides (zooplancton). On a noté que le BDE209 contribuait de façon significative à la charge corporelle de PBDE totaux dans les organismes de niveau trophique inférieur : 60 % chez le sébaste atlantique et 75 % chez la morue polaire. Inversement, dans les organismes de niveau trophique supérieur comme le béluga et le narval, le BDE209 représentait moins de 2 % de la charge corporelle de BDE, alors que le BDE47 comptait pour plus de 40 % dans les échantillons. Les auteurs ont suggéré que les concentrations élevées de BDE209 dans les organismes de niveau trophique inférieur peuvent indiquer une plus grande exposition au BDE209 par l'intermédiaire du zooplancton, ainsi que des capacités métaboliques limitées quant à ce composé. Les facteurs de bioamplification exprimés en fonction de la masse lipidique pour le BDE209 relativement aux interactions prédateurs-proies sont les suivants : béluga (graisse):morue polaire (entière) < 1; béluga (graisse):sébaste atlantique (entier) < 1; morue polaire (entière):zooplancton (entier) < 1. Les facteurs de bioamplification n'ont pas été calculés pour narval:sébaste atlantique et narval:morue polaire. Un facteur d'amplification dans le réseau trophique (statistiquement significatif) a été estimé pour le BDE209 (p = 0,002; coefficient de corrélation R2 = 0,25). Les auteurs ont conclu que les concentrations de BDE209 diminuaient avec le niveau trophique, ce qui suggère un épuisement métabolique de ce congénère ou une assimilation réduite en amont du réseau. En outre, les auteurs ont suggéré que les résultats concordent avec les autres études qui ont indiqué que le BDE209 n'est pas un congénère abondant dans les organismes de niveau trophique supérieur. Ils ont également avancé l'hypothèse selon laquelle cela est dû à la capacité métabolique améliorée du BDE209 dans les organismes de niveau trophique.

À titre de suivi de leur étude des réseaux trophiques de l'Arctique, à l'est du Canada, Tomy et al. (2009) ont mené une étude des réseaux trophiques de l'Arctique, à l'ouest du Canada afin d'examiner la trophodynamique des PBDE. Les PBDE ont été mesurés chez le béluga (Delphinapterus leucas), le phoque annelé (Phoca hispida), la morue polaire (Boreogadus saida), le hareng du Pacifique (Clupea pallasi), le cisco arctique (Coregonus autumnalis), l'amphipode pélagique (Themisto libellula) et le copépode arctique (Calanus hyperboreus). Les animaux ont été sélectionnés à partir du dépôt d'échantillons archivés de Pêches et Océans Canada. On a relevé des composés bromés dans la graisse de phoque annelé et de béluga, dans l'organisme entier des poissons pélagiques, sauf le foie, et dans les composites regroupés pour les invertébrés. Les méthodes d'extraction utilisées étaient celles de Tomy et al. (2008) (voir l'étude ci-dessus). Les PBDE ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution couplée à la spectrométrie de masse des ions négatifs à capture d'électrons. On a quantifié le BDE209 par dilution isotopique, notamment en utilisant les valeurs de 13C12-BDE209 et de m/z (de 486,6/488,6 et 494,6/496,6, respectivement) aux fins de quantification et de confirmation pour l'étalon interne natif et marqué aux isotopes. Les isotopes stables d'azote, exprimés sous forme de d15N, ont été analysés au laboratoire d'isotopes stables de l'Université de Winnipeg (Manitoba, Canada). On a déterminé les facteurs de bioamplification suivant la méthode de Tomy et al. (2008) (voir l'étude ci-dessus).

Le niveau trophique relatif des organismes étudiés a été établi à l'aide d'isotopes stables de d15N. Cette analyse a indiqué le réseau trophique suivant : béluga > phoque annelé > morue polaire > hareng du Pacifique et cisco arctique > amphipode pélagique > copépode arctique. La concentration totale des sept congénères analysés (BDE47, -85, -99, -100, -153, -154, et -209) variait de 2,6 ng/g de lipides chez le phoque annelé à 205,4 ng/g de lipides chez la morue arctique. Les concentrations médianes de BDE209 variaient de 0,04 ng/g de lipides chez le copépode arctique à 7,23 ng/g de lipides chez le cisco arctique. Par ordre de rang, les concentrations médianes de BDE209 étaient les suivantes : cisco arctique > morue polaire > hareng du Pacifique > béluga et phoque annelé > amphipode pélagique > copépode arctique. Les facteurs de bioamplification normalisés pour les lipides relativement au BDE209 étaient les suivants : phoque annelé (graisse):morue polaire (foie) = 0,3; béluga (graisse):morue polaire (foie) = 0,3; béluga (graisse):hareng du Pacifique (foie) = 0,9; béluga (graisse):cisco arctique (foie) = 0,03; morue polaire (foie):copépode arctique (entier) = 12,7; morue polaire (foie):amphipode pélagique (entier) = 4,8. Les résultats portent à croire que l'épuisement du BDE209 se produit chez les animaux de niveau trophique supérieur, tandis que la bioamplification a lieu chez les espèces de niveau trophique inférieur. Bien que la bioamplification était notable dans la partie inférieure de la chaîne alimentaire, des doutes persistent concernant les résultats. Par exemple, il semble que les organismes à l'étude aient été collectés à différents moments et emplacements. Aucun des PBDE n'a montré une relation positive statistiquement significative avec le niveau trophique; de même, aucun facteur d'amplification dans le réseau trophique (statistiquement significatif) n'a été trouvé pour le BDE209.

Wu et al. (2009) ont évalué la bioamplification des PBDE, y compris le BDE209, dans un réseau trophique d'eau douce fortement contaminé, au sud de la Chine. Des espèces aquatiques sauvages représentant différents niveaux trophiques ont été échantillonnées en 2006 à partir d'un réservoir entouré de plusieurs ateliers de recyclage des déchets électroniques. Deux espèces de prédateurs de niveau trophique supérieur ont été échantillonnées notamment : le serpent d'eau (Enhydris chinensis) et le poisson à tête de serpent (Channa argus), ainsi que leur proie : la carpe de vase (Cirrhinus molitorella), la carpe commune (Cyprins carpio), le carassin (Carassius auratus) et la crevette (Macrobrachium nipponense). Des vivipares chinoises (Cipangopaludina chinensi) ont également été ramassées dans les eaux peu profondes autour du réservoir. On a regroupé des échantillons de petits organismes (p. ex. vivipare chinoise, crevette et carpe de vase). La masse corporelle et la longueur des échantillons ont été mesurées, puis ces derniers ont été stockés à -20 °C jusqu'à être à nouveau traités. Pour l'analyse chimique, les échantillons ont été décongelés et les corps entiers ont été homogénéisés; on a ensuite prélevé deux sous-échantillons de chaque spécimen, dont un pour la détermination des PBDE et l'autre pour l'analyse d'isotopes stables d'azote. Les échantillons ont été broyés avec des cendres de sulfate de sodium anhydre, puis extraits d'une solution d'hexane et d'acétone (1/1, v/v) pendant 48 heures. On a déterminé les lipides (par méthode gravimétrique) dans une aliquote de l'extrait. On a ensuite analysé les PBDE par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons, ainsi qu'en mode de détection d'ions déterminés. La récupération des témoins d'ajout allait de 76,9 à 105,2 % pour les PBDE. Les écarts-types relatifs des échantillons en trois exemplaires étaient inférieurs à 24 % pour le BDE209. Les isotopes stables d'azote, exprimés sous forme de d15N ont été analysés par un analyseur d'éléments de série flash EA 112 couplé à un spectromètre de masse à ratio isotopique de série Finigan MAF ConFlo 111.

On a calculé les facteurs d'amplification trophique selon la méthode de Tomy et al. (2004), c'est-à-dire en utilisant des concentrations normalisées pour les lipides. Les facteurs d'amplification dans le réseau trophique variaient de 0,26 à 4,47 pour les PBDE. Pour le BDE209, ce facteur était de 0,26, ce qui indique une dilution trophique, bien que le résultat n'avait qu'une signification statistique relative (p = 0,053). Les auteurs ont suggéré que les différentes conditions environnementales (p. ex. température de l'eau plus élevée), compositions des réseaux trophiques et concentrations de PBDE dans les organismes peuvent constituer un facteur lorsque l'on fait une comparaison entre les FAT inférieurs de cette étude et ceux qui ont été calculés dans les études sur les réseaux trophiques nordiques. Aucune corrélation significative entre les FAT et le log Koe n'a été établie pour les PBDE, et les auteurs ont indiqué que d'autres facteurs (p. ex. le métabolisme) pourraient jouer un rôle plus important dans le transfert des PBDE vers le réseau trophique.

Yu et al. (2009) ont analysé les concentrations de dix congénères de PBDE dans le réseau trophique de l'estuaire de la rivière Pearl (région du delta), au sud de la Chine, pour comprendre le comportement de ces substances en matière d'accumulation. Au total, 254 échantillons de biote (dont 4 espèces d'invertébrés et 10 espèces de poissons) ont été recueillis dans l'estuaire de la rivière Pearl entre 2005 et 2007. Parmi ces espèces, on comptait : le crabe nageur (Ovalipes punctatus, le crabe des Samoa (Scylla serrata), l'arche (Tegillarca granosa), l'escargot Oncomelania (Oncomelania hupensischiui), le mulet cabot (Mugil Cephalus), le gobie-anguille rouge (Odontamblyopus Rubicundus), le poisson plat (Cynoglossus robustus), le picot gris (Siganus canaliculatus), le pêche-madame argenté (Sillago sihama), le pompano (Psenopsis anomala), l'anguille du Japon (Anguilla japonica), le poisson à tête plate (Platycephalus indicus), le sciænidé (Pseudosiaena crocea) et le bombay duck (Harpodon nehereus). On a analysé 124 échantillons individuels ou composites pour les PBDE. Ces échantillons ont ensuite été homogénéisés, puis analysés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons, ainsi qu'en mode de détection d'ions déterminés. Les concentrations de PBDE dans les organismes variaient de 6,2 à 208 ng/g de poids lipidique. Toutefois, on a décelé du BDE209 dans seulement 18 % des échantillons, allant de concentrations non décelées à 1,6 ng/g de lipides. En raison de sa faible présence, le BDE209 a été exclu des analyses suivantes du rapport, et aucun facteur d'amplification dans le réseau trophique n'a été calculé pour ce congénère.

Dans le cadre d'une étude de débromation in vivo et dans l'environnement du décaBDE, La Guardia et al. (2007) ont examiné les concentrations de décaBDE dans les sédiments et les organismes aquatiques présents dans le milieu récepteur d'une station d'épuration des eaux usées de Roxboro, en Caroline du Nord. Tous les échantillons ont été prélevés et purifiés par chromatographie sur gel, puis analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons et en mode d'ionisation électronique aux fins de détection de PBDE. D'autres détails sur l'étude sont présentés aux sections 3.1.2 et 3.2.1. Le décaBDE a été décelé dans des échantillons de sédiments et de tissus de crapet-soleil (Lepomis gibbosus) et d'écrevisse de l'espèce Cambarus puncticambarus recueillis en 2002, tout juste en aval de l'émissaire d'évacuation de la station d'épuration des eaux usées. Les concentrations de décaBDE mesurées en 2002, à ce site, dans les sédiments, dans le crapet-soleil et dans l'écrevisse étaient respectivement de 1 630 000 mg/kg de carbone organique, 2 880 mg/kg de lipides et 21 600 mg/kg de lipides. Les concentrations beaucoup plus élevées observées chez l'écrevisse sont attribuées à l'association de cette espèce avec les sédiments et les auteurs ont avancé l'hypothèse que l'écrevisse servait peut-être de lien pour le transfert du décaBDE entre les sédiments et les organismes pélagiques.

Selon les résultats obtenus par La Guardia et al. (2007), il est possible d'évaluer les facteurs d'accumulation biote-sédiments du crapet-soleil et de l'écrevisse à 0,0018 et 0,013, respectivement. Ces valeurs sont bien en deçà des valeurs témoignant éventuellement d'une bioamplification (c.-à-d. ~1,7 à 3; se reporter à la section 1.2), ce qui semble indiquer qu'une faible biodisponibilité des sédiments combinée à une faible transformation métabolique pourraient restreindre la bioaccumulation et la bioamplification du décaBDE dans l'écosystème.

Wang et al. (2007) ont étudié des échantillons d'eau, de sédiments et d'espèces aquatiques prélevés dans un petit lac de Beijing, en Chine, où se déversent les rejets d'effluent d'une importante station d'épuration des eaux usées. Les échantillons ont été homogénéisés, extraits et analysés par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution et spectrométrie de masse à haute résolution au moyen d'une ionisation électronique. Les chercheurs ont observé que l'accumulation moyenne de 12 PBDE (total, triBDE à heptaBDE) et de BDE209 dans les sédiments était respectivement de 6,33 et de 237,01 mg/kg de poids sec. Les concentrations de BDE209 dans l'eau du lac et dans l'effluent étaient inférieures au seuil de détection analytique (non fournies pour l'eau du lac; 1 mg/kg [on ne sait pas s'il s'agit de poids humide ou de poids sec] pour les sédiments et le biote). De fortes concentrations de BDE209 ont été observées dans le lichen (1 572 mg/kg de poids sec), un oligochète (Limnodrilus hoffmeisteri; 11,37 mg/kg de poids sec), la cochenille (114 mg/kg de poids sec) et des espèces de zooplancton (Monia rectirostris, Monia micrura, Monia macrocopa; 151,9 mg/kg de poids sec). Les concentrations moyennes mesurées chez la carpe commune (Cyprinus carpio), le tilapia du Mozambique (Tilapia nilotica), le poisson-chat (Silurus meridionalis), le cyprin doré (Carassius auratus) et la tortue de Reeves (Chinemys reevesii) étaient beaucoup plus faibles et variaient entre des valeurs inférieures au seuil de détection et 19,32 mg/kg de poids sec. Aucune bioconcentration ou bioaccumulation de BDE209 n'a été décelée. En outre, les auteurs n'ont observé aucune bioamplification évidente de PBDE quand ils ont analysé la relation entre les concentrations de PBDE et le niveau trophique des organismes.

Xiang et al. (2007) ont recueilli des échantillons de biote et de sédiments aux fins d'analyse des concentrations de PBDE, y compris des échantillons dans l'estuaire de la rivière Pearl, en Chine, pour le BDE209. Ils ont découvert après avoir analysé les échantillons de sédiments que le congénère BDE209 affichait les concentrations les plus élevées et que celles-ci variaient entre 792 et 4 137 ng/g de carbone organique (valeur médiane de 1 372 ng/g de carbone organique). En ce qui concerne le biote, alors qu'aucune concentration de BDE209 n'a pu être décelée chez certaines espèces étudiées, chez d'autres, des concentrations ont pu être mesurées. Les concentrations atteignaient 532,3 ng/g de lipides chez un sciænidé (Pseudosiæna crocea; n = 13, médiane = 117,4 ng/g de lipides), 623,5 ng/g de lipides chez un bramidé (Platycephalus argenteus; n = 10, médiane = 24,4 ng/g de lipides), 38,4 ng/g de lipides chez un poisson à tête plate (Platycephalus indicus; n = 17, médiane = 0,0 ng/g de lipides), 373,4 chez un poisson plat (Cynoglossus robustus; n = 8, médiane = 0,0 ng/g de lipides), 150,4 ng/g de lipides chez le bombay duck (Harpodon nehereus; n = 9, médiane = 0,0), 555,5 chez la crevette jinga (Metapenæus affinis; n = 10, médiane = 0,0 ng/g de lipides), 405,3 ng/g de lipides chez un crustacé (Metapenæus crocea; n = 10, médiane = 30,3 ng/g de lipides), et 88,5 ng/g de lipides chez la squille-mante (Oratosquilla oratoria; n = 9, médiane = 42,47 ng/g de lipides). Les auteurs de l'étude mentionnent que les concentrations élevées de BDE209 dans le biote semblent être causées par de fortes concentrations de BDE209 dans les sédiments locaux. Pourtant, les FABS sédiments calculés variaient entre 0,00 et 0,04 pour le BDE209 et, selon les données de l'étude, aucune amplification trophique ne se serait produite.

Eljarrat et al. (2007) ont publié les résultats d'analyse d'échantillons de poissons (n = 29), de sédiments (n = 6) et d'effluents (n = 3) prélevés en novembre 2005 dans la rivière Vero, en Espagne. Ils ont trouvé de fortes concentrations de BDE209 dans les sédiments (jusqu'à 12 459 ng/g de poids sec) et dans les poissons - barbillon (Barbus grællsii) et carpe commune (Cyprinus carpio), de concentrations non décelées à 707 ng/g de lipides - en aval d'un parc d'industries textiles et d'industries produisant de la résine époxyde, impliquées dans la polymérisation de polyimides. À l'aide des concentrations mesurées dans les sédiments et les poissons, les auteurs ont pu calculer des FABS sédiments du BDE209 qui variaient entre 0,0011 et 0,0013, ce qui semble indiquer qu'aucune bioaccumulation n'avait lieu.

DeBruyn et al. (2009) ont étudié des modioles (Modiolus modiolus) et des sédiments collectés au large des côtes de l'île de Vancouver (Colombie-Britannique), près de la ville de Victoria, afin d'évaluer et de comparer les tendances de bioaccumulation des PBDE et des BPC. Des échantillons ont été recueillis de 14 stations dans un rayon de 800 mètres autour d'un point de rejet municipal et à partir de trois emplacements de référence. À chaque station, 3 échantillons de sédiments de surface (de 0 à 2 cm) et 15 modioles sélectionnés de façon aléatoire (d'une longueur > 50 mm) ont été collectés. On a mesuré la longueur et la largeur de leur coquille, leur poids total, le poids de leurs tissus, et déterminé leur âge et leur sexe, avant de concevoir des échantillons composites et de les homogénéiser aux fins d'analyse chimique par la station. Les PBDE ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse haute résolution combinée à la spectrométrie de masse haute résolution. Les méthodes employées pour déterminer les PBDE et les procédures d'assurance et de contrôle de la qualité étaient conformes aux méthodes 1 668A (21) et 1 614 (22) de la U.S. Environmental Protection Agency (USEPA) même si elles comportaient quelques modifications. On a calculé les FABS sédiments (lipides et carbone organique normalisés) pour le BDE209.

Les concentrations de BDE209 dans les sédiments ont été mesurées à toutes les stations et variaient de 232 pg/g de poids sec à 2 550 pg/g de poids sec. Le BDE209 était un congénère prédominant dans les sédiments, à proximité des eaux usées municipales. Bien que les concentrations de BDE209 dans les sédiments étaient les plus élevées près du point de rejet des eaux usées (2 550 pg/g de poids sec), le congénère a montré un gradient principalement en baisse près du point de rejet, variant d'environ 80 % des PBDE totaux à des emplacements de référence, à 40 % dans la station d'évacuation et dans les eaux usées. Les concentrations de BDE209 dans les tissus de moules allaient de concentrations non décelées à 5 305 pg/g de poids sec (stations d'évacuation des eaux usées), et étaient supérieures au seuil de détection à 7 des 17 stations. On a calculé les FABS sédiments du BDE209 en utilisant les concentrations dans les sédiments et dans les tissus de moules recueillis sur les sites d'échantillonnage. Les FABS sédiments n'ont pu être calculés à 10 sites, car les concentrations dans les tissus de moules étaient inférieures aux limites de quantification. Pour les autres sites, les calculs des FABS sédiments ont donné les résultats suivants : 1,48 (évacuation), 0,52 (200 m), 1,59 (400 m), 0,97 (400 m), 3,53 (référence), 0,94 (référence) et 1,18 (référence). Globalement, les résultats indiquent que le BD209 ne s'est pas accumulé de façon appréciable dans les moules, et ce, à tous les sites, sauf à l'emplacement de référence.

Riva et al. (2007) ont étudié l'effet du BDE209 sur des moules zébrées (bivalves) d'eau douce (Dreissena polymorpha) dans des conditions de laboratoire. L'objectif principal de cette étude était d'examiner la génotoxicité potentielle du BDE209. Ainsi, on a échantillonné plusieurs centaines de moules à des profondeurs allant de 4 à 5 mètres dans les grands lacs subalpins de l'Italie. Des moules (toujours attachées à des roches) ont été transférées au laboratoire, où elles ont été maintenues dans des réservoirs de glace pendant une photopériode de 12 heures de lumière et d'obscurité, à une température constante de (20 °C), avec de l'oxygène (> 90 % de saturation), et alimentées par une suspension d'algues vertes Pseudokirchneriella subcapitata. Environ 150 moules acclimatées ont été sélectionnées par concentration de BDE209 pour les essais en phase d'exposition. Le décaBDE (degré de pureté de 98 %) a été dissous dans un mélange d'isooctane et de toluène (9:1 v:v); le tout a ensuite été dissous dans du diméthylsulfoxyde (DMSO), puis ajouté à de l'eau pour obtenir les concentrations nominales finales de 0,1, de 2, et de 10 µg/L. Des essais d'exposition en aquarium ont été évalués directement à la lumière du soleil afin d'éviter une photodégradation. L'eau était changée tous les jours et les moules étaient nourries deux heures avant le renouvellement de l'eau. Les groupes témoins de moules recevant de l'eau douce ou une solution de l'essai à blanc (DMSO) ont également été surveillés.

Au bout de 48 heures d'exposition, on notait une concentration de décaBDE relativement constante dans les tissus des moules, et ce, pour chaque concentration du traitement. Un rapport publié au Royaume-Uni en 2008 a interprété les représentations graphiques des concentrations dans les tissus et suggéré un facteur de bioconcentration pour le décaBDE dans les moules, de l'ordre de 1 000 l/kg ou plus. Riva et al. (2007) ont également indiqué la présence de congénères moins bromés dans les moules après 168 heures d'exposition. Cependant, il n'a pas été possible de déterminer la quantité de ces moules; on a pu conclure, en revanche, qu'elles présentaient des seuils d'analyse cohérents par chromatographie en phase gazeuse avec trois heptaBDE, octaBDE et nonaBDE.

Nyholm et al. (2008) ont étudié la portée du transfert de 11 ignifugeants bromés (de structure différente) de dards-perches femelles (Danio rerio) à leurs œufs. Ces ignifugeants bromés comprenaient les PBDE suivants : BDE28, BDE183 et BDE209. Le composé de BDE209 testé a été synthétisé au département d'Écochimie de l'Université de Stockholm, et des étalons marqués (p. ex. 13C) pour le BDE209 ont été achetés (laboratoires Cambridge Isotopes Laboratories - pureté des PBDE non indiquée). Des poissons adultes ont été exposés à des ignifugeants bromés par alimentation. Le mélange de ces 11 ignifugeants bromés avec de l'éthanol a été ajouté à des larves lyophilisées de chironomidés, ce qui a donné des concentrations nominales de 1 et 100 nmol/g de poids sec pour chaque espèce moléculaire; l'éthanol a ensuite été évaporé. En tout, 23 mâles et 23 femelles ont été utilisés pour chaque niveau de dose. Les dards-perches femelles ont été nourries à environ 2 % de leur masse corporelle, puis échantillonnées aux jours 0, 3, 7, 14, 28, 35 et 42 jours, 24 heures post-prandial. Deux poissons de chaque période d'échantillonnage ont été regroupés aux fins d'analyse. Les œufs ont été collectés directement après leur ponte aux jours : 0, 2 à 3, 6 à 7, 13 à 14, 27 à 28, 34 à 36, et 41 à 42. Les échantillons ont ensuite été extraits et analysés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse.

Les teneurs moyennes en lipides des poissons et des œufs étaient de 3,36 % et 0,47 %, respectivement. Les dards-perches femelles exposées à des doses élevées dans des aliments (100 nmol/g) présentaient un ordre de grandeur supérieur en termes de concentrations de BDE209 (3,8 à 9,6 nmol/g de lipides) comparativement aux poissons exposés à de faibles doses (0,17 à 0,97 nmol/g de lipides). Les concentrations maximales de BDE209 chez les dards-perches femelles ont été mesurées après 28 jours d'exposition (9,6 nmol/g de lipides), alors que chez les poissons exposés à de faibles doses, elles ont été mesurées après 42 jours d'exposition (0,97 nmol/g de lipides).

Les œufs des poissons exposés à des doses élevées dans des aliments (100 nmol/g) montraient également un ordre de grandeur supérieur en termes de concentrations de BDE209 (3,4 à 11 nmol/g de lipides) par rapport aux poissons exposés à de faibles doses dans les mêmes conditions (0,46 à 2,2 nmol/g de lipides). Les concentrations maximales de BDE209 dans les œufs des dards-perches femelles exposées à des doses élevées ont été mesurées après 28 jours d'exposition (11 nmol/g de lipides), tandis que chez les poissons exposés à de faibles doses, elles ont été mesurées après 14 jours d'exposition (2,2 nmol/g de lipides). On a calculé le rapport œufs-poissons en divisant les concentrations de BDE, à un moment précis, par la concentration mesurée dans les poissons. Les rapports œufs/poissons étaient bien supérieurs (p < 0,05) à 1 pour le BDE209 dans les deux groupes d'exposition, avec un rapport plus élevé (p. ex. un plus grand transfert de BDE209) chez le groupe de poissons exposés à de faibles doses. Les auteurs ont suggéré que le rapport œufs/poissons élevé peut être influencé par la liaison des ignifugeants bromés aux lipoprotéines nécessaires à la production des œufs, ou que les systèmes métaboliques des œufs ont une plus faible capacité de transformation que chez les poissons.

Mammifères marins et espèces terrestres

Huwe et Smith (2007a, 2007b) ont étudié l'accumulation de décaBDE présent dans l'alimentation de rats, sa débromation et son élimination. Des rats Sprague-Dawley (n = 26) ont été exposés à un mélange commercial de décaBDE (DE-83R - degré de pureté de 98,5 %; 0,3 mg/g de nourriture) durant une période de 21 jours, suivie d'une période d'élimination de 21 jours. Après la période d'exposition de 21 jours, des rats ont été sacrifiés en groupes de 3 aux fins d'analyse de tissus (foie, tractus gastro-intestinal, plasma et restes de la carcasse) aux jours 0, 3, 7, 10, 14 et 21 de la phase d'élimination. Des rats du groupe témoin ont aussi été sacrifiés ces jours-là afin de déterminer les concentrations de fond des PBDE (n = 3 au jour 0 et n = 1 tous les autres jours), puis les valeurs de fond ont été soustraites des valeurs obtenues dans le groupe exposé au mélange commercial. Durant la phase d'exposition, des matières fécales de rats exposés ont été recueillies et regroupées aux fins d'analyse. La nourriture, les matières fécales et les tissus des rats ont été analysés aux fins de détection d'une suite de PBDE, y compris les congénères heptaBDE, octaBDE, nonaBDE et décaBDE.

D'après les résultats d'analyse, on a évalué que seulement 5 % (ou 3,6 mg) de la dose totale de décaBDE était emmagasiné dans les tissus des rats après la période d'exposition de 21 jours, tandis qu'environ 50 % avait été excrété dans les matières fécales durant cette période. En plus du décaBDE, les auteurs ont conclu qu'un congénère nonaBDE (BDE207) et deux congénères octaBDE (BDE201 et BDE197) résultaient de la transformation métabolique du décaBDE absorbé. Toutefois, la charge totale de BDE207, -201 et -197 ne représentait que 3 % de la dose totale du décaBDE et 45 % du décaBDE ne pouvait être expliqué par les concentrations observées dans les tissus et les matières fécales des rats. Les auteurs ont donc avancé l'hypothèse que la formation de métabolites liés ou hydroxylés, qui ne faisaient pas partie de leur analyse, expliquait probablement le bilan massique incomplet du décaBDE.

Selon la concentration de décaBDE observée dans la carcasse, un « facteur de bioconcentration » (semblable à un facteur de bioamplificationNote de bas de page 4) de 0,05 a été calculé (sur la base du poids humide, justifié par le fait que le pourcentage de lipides dans la nourriture et dans la carcasse était semblable). On ne sait pas si les concentrations de décaBDE mesurées dans les tissus des rats durant la période d'exposition de 21 jours ont atteint l'état d'équilibre et, par conséquent, on ne sait pas dans quelle mesure le facteur de bioamplification déclaré représente la valeur potentielle à l'état d'équilibre. Il est également probable que le facteur de bioamplification soit plus élevé si tous les métabolites neutres, liés et hydroxylés étaient comptabilisés, mais les concentrations des métabolites liés et hydroxylés n'ont pas été déclarées. En s'appuyant sur la période d'élimination du décaBDE, l'étude indique que la demi-vie du décaBDE dans les tissus des rats équivaut à la période d'élimination de 21 jours. Les demi-vies de premier ordre pour le décaBDE variaient entre 3,9 jours dans le plasma et 8,6 jours dans la carcasse. En ce qui concerne le foie et le plasma, on est d'avis que les équations de dégradation de second ordre représentaient bien les données. En effet, elles présentaient des demi-vies de distribution relativement rapides, soit 0,7 jour (foie) et 1,2 jour (plasma), mais des demi­vies d'élimination plus longues, soit 20,2 et 75,9 jours, ce qui suggère une persistance potentielle du décaBDE dans les tissus des rats après une exposition chronique à la substance. Les auteurs ont cependant incité à la prudence car les estimations de second ordre étaient très incertaines.

Huwe et al. (2008) ont mené une étude sur 29 rats Sprague-Dawley mâles dans le but de déterminer et de comparer l'adsorption, la distribution et l'excrétion des PBDE administrés durant 21 jours sous la forme d'un matériau de référence constitué de poussières ou d'une solution d'huile de maïs. Le matériau de référence constitué de poussières (matériau de référence standard 2585 du NIST), qui contient une composition caractéristique et homogène de PBDE, était mélangé à la moulée des rats. La solution d'huile de maïs contenait des produits commerciaux de PBDE, soit du DE-71, du DE-79 et du DE-83 (pureté non précisée). Ces produits étaient d'abord dissous dans le toluène, puis mélangés à une préparation d'huile de maïs. Des doses quotidiennes étaient administrées aux rats à raison de 1 ou 6 µg de poussières/moulée ou de mélange d'huile de maïs par kg de poids corporel. Les rats ont été aléatoirement divisés en 5 groupes : groupe témoin (4 rats), huile de maïs à faibles concentrations (4 rats), huile de maïs à fortes concentrations (13 rats), poussières à faibles concentrations (4 rats) et poussières à fortes concentrations (4 rats). La plupart des rats étaient exposés durant une période de 21 jours, puis étaient tués 24 heures après leur dernier repas. Afin d'évaluer si la charge corporelle des rats tendait vers l'état d'équilibre, 3 groupes de rats (n = 3) du groupe recevant le mélange d'huile de maïs à fortes concentrations ont été tués le 3e, le 7e et le 14e jour après le début de l'exposition. Des échantillons de moulée et du mélange d'huile, de matières fécales et de tissus (tissu adipeux épididymal, foie, reins, cerveau, tractus gastro-intestinal et restes de la carcasse) ont été prélevés aux fins de détection de 15 PBDE (BDE28/38, -47, -85, ­99, -100, -138, -153, -154, -183, -186, -197, -203, -206, -207 et -209).

Afin de déterminer si les charges corporelles avaient atteint leur état d'équilibre, seuls des échantillons de tissu adipeux épididymal ont été analysés. L'analyse a démontré que tous les principaux triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE et octaBDE avaient atteint ou allait atteindre l'état d'équilibre après 14 jours, sans qu'aucune différence statistiquement significative des concentrations de PBDE au jour 14 et au jour 21 ne puisse être observée.

Le taux de rétention des PBDE dans l'organisme des rats dépendait du congénère et variait de 4,0 à 4,8 % de la dose pour le BDE209, de 10,1 à 22,6 % pour les nonaBDE et d'environ 69 à 78 % pour les BDE47, -100 et -153, mais était généralement semblable chez les deux groupes, soit le groupe ayant été exposé aux poussières et celui ayant reçu un mélange d'huile de maïs. L'étude n'a pas permis de déceler invariablement des concentrations de nonaBDE et de décaBDE supérieures aux concentrations observées dans les tissus adipeux des groupes témoins. L'urine renfermait moins de 0,3 % de n'importe lequel des congénères. L'excrétion fécale était la principale voie d'élimination et était décrite dans l'étude comme la partie de la dose qui n'avait pas été absorbée. On a constaté que l'excrétion fécale atteignait l'état d'équilibre au jour 2 et qu'il n'y avait aucune différence significative entre la concentration moyenne mesurée au jour 2, au jour 11 et au jour 20. L'excrétion du BDE209 était d'environ 68 % et variait entre 55,5 et 91,7 % pour les congénères nonaBDE. La quantité de la dose de BDE209 qui n'avait pas été absorbée ou excrétée sous la forme du composé d'origine variait entre 28 % et 31,9 %. Une certaine partie de ces pourcentages pourrait être expliquée par des dérivés issus de la transformation métabolique. Les facteurs de bioconcentration (semblables aux facteurs de bioamplification tels qu'ils ont été définis dans le cadre de l'étude) des dérivés qui s'appliquent aux tissus adipeux étaient inversement proportionnels au degré de bromation et variaient entre 7 et 24 pour les triBDE, tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE, entre 1 et 6 pour l'heptaBDE, l'octaBDE et le nonaBDE, et étaient < 1 pour le décaBDE. Dans le foie, les facteurs de bioconcentration de tous les PBDE étaient inférieurs à 1 à l'exception du BDE206 (BCF = 2,4) et du BDE207 (BCF = 1,09). L'expression hépatique (en termes d'ARN messager) des gènes Cyp2B1 et Cyp2B2 augmentait chez les rats qui recevaient de fortes doses de PBDE, ce qui suggère que l'activité métabolique a possiblement un effet. L'emploi de mélanges de PBDE dans le cadre de l'étude a fait qu'il a été impossible de déterminer si la débromation métabolique s'était produite, bien que certains résultats indiquent une transformation métabolique (p. ex. des facteurs de bioamplification plus élevés pour certains congénères comme le BDE206 et la détection de tétraBDE, de pentaBDE et d'hexaBDE hydroxylés dans les matières fécales).

Kierkegaard et al. (2007) ont publié les résultats d'une étude de 3 mois sur les effets de PBDE administrés dans l'alimentation de vaches laitières. Initialement, l'étude avait été entreprise en vue de mesurer le bilan massique à long terme de PBD, mais des échantillons archivés prélevés sur deux vaches et des échantillons de leur nourriture ont par la suite été analysés aux fins de détection d'un éventail de PBDE. Durant la période d'étude de 13 semaines, les vaches étaient gardées à l'intérieur et des échantillons de lait et de matières fécales étaient recueillis une fois par semaine. L'alimentation était composée de produits d'ensilage, de concentrés et d'un supplément minéral auxquels aucun PBDE n'avait délibérément été ajouté. Par conséquent, la concentration de PBDE dans la nourriture représentait généralement les concentrations de contamination de « fond ».

Les échantillons de lait et de matières fécales ont été regroupés selon le schéma suivant afin d'obtenir une série de 5 échantillons composites représentant une petite partie de la période d'étude de 13 semaines - échantillons composites 3 x 3 semaines et échantillons composites 2 x 2 semaines. De plus, une des vaches a été abattue à la fin de l'étude de 13 semaines et 6 différents échantillons de tissu adipeux ainsi que des échantillons de foie, de reins, de cœur et de tissu musculaire provenant d'une patte ont été recueillis aux fins d'analyse. À 3 occasions durant l'étude de 13 semaines, des échantillons de produits d'ensilage ont été recueillis aux fins d'analyse et des échantillons de concentrés et de minéraux ont été analysés une fois durant l'étude. Tous les échantillons composites d'aliments, de lait, de matières fécales et de tissu ont été analysés aux fins de détection de l'heptaBDE, de l'octaBDE et du nonaBDE par spectrométrie de masse à haute résolution et du décaBDE par spectrométrie de masse à basse résolution en mode d'ionisation chimique négative (limite de quantification = 0,4 à 150 pg/g de lipides ou de poids sec).

Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) était le congénère en plus forte concentration dans toutes les matrices sauf le lait, ce qui suggère que les concentrations de lait étaient davantage influencées par la charge existante de PBDE stockée dans les tissus que par l'absorption de PBDE à partir des aliments. De plus, les concentrations de PBDE étaient plus élevées dans le tissu adipeux (stockage des graisses) que dans les organes. En s'appuyant sur ces observations, les auteurs ont suggéré que les vaches étaient dans une phase d'élimination plutôt que d'accumulation du PBDE et que les concentrations de PBDE observées pourraient avoir été influencées par une exposition aux PBDE avant le début de l'expérience de 13 semaines. Bien que les auteurs aient tenté d'analyser le bilan massique des flux d'absorption et d'élimination des PBDE, cette analyse s'est avérée infructueuse en raison d'une importante augmentation des congénères octaBDE, nonaBDE et décaBDE dans le second échantillon de produits d'ensilage par rapport au premier et au troisième échantillons. Les auteurs n'étaient pas certains si ce second échantillon représentait adéquatement l'exposition des vaches aux PBDE puisque l'augmentation de ces substances dans les matières fécales ne semblait pas coïncider avec des concentrations plus élevées dans l'alimentation. Les concentrations de PBDE dans le concentré et dans les suppléments minéraux étaient de beaucoup inférieures aux concentrations dans les produits d'ensilage et peu susceptibles d'avoir eu une incidence sur le bilan massique total des PBDE mesuré dans le cadre de l'étude.

Le gouvernement du Royaume-Uni (2007a) a effectué une analyse critique de l'étude réalisée par Kierkegaard et al. (2007) et il a calculé les facteurs d'assimilation alimentaire s'appliquant aux vaches à partir de produits d'ensilage, en fonction du tissu adipeux ou de la masse corporelle entière, puis la concentration moyenne et finale dans les produits d'ensilage. Il a conclu que la grande variation des concentrations de PBDE dans les produits d'ensilage rendait très incertains les résultats de l'étude concernant la bioaccumulation. Afin d'estimer des facteurs d'accumulation et de bioamplification en fonction de valeurs normalisées pour les lipides, il a supposé que la teneur en lipides des produits d'ensilage était de 4 %. Le tableau 2-5 présente un résumé des facteurs d'accumulation et de bioamplification calculés pour les congénères nonaBDE et décaBDE dans le cadre de l'étude réalisée par Kierkegaard et al. (2007).

Les facteurs de bioamplification et d'accumulation calculés pour le décaBDE étaient bien en deçà de 1 et seuls ceux du BDE207 étaient supérieurs à 1. En effet, en ce qui concerne le BDE207, on n'est pas certain si les valeurs estimées représentent une accumulation directe de BDE207 à partir de l'alimentation ou s'il s'agit d'une accumulation et d'une bioformation découlant de la débromation du décaBDE. Pour les produits chimiques qui subissent une transformation, tel le décaBDE, l'étude du Royaume-Uni (2007a) propose qu'une fois ces produits accumulés dans l'organisme, l'estimation du facteur de bioamplification devrait être fondée sur la charge totale du produit d'origine et sur les métabolites qui découlent de l'accumulation et de la transformation du produit d'origine. Dans le cas de l'étude de Kierkegaard et al. (2007), il est difficile de procéder ainsi puisque les produits moins débromés étaient également présents dans la nourriture et leur présence dans les tissus pourrait donc s'expliquer par l'accumulation et la bioformation. De plus, selon des études avec des rats, il est probable que d'autres voies de transformation sont également présentes chez les mammifères et qu'elles favorisent la formation de métabolites polaires, de résidus liés et de résidus hydrosolubles. Pour une comptabilisation complète de la charge totale des produits chimiques liée à l'accumulation du décaBDE, ces substances devraient aussi être quantifiées.

Tableau  2-5 : Sommaire des facteurs d'accumulation calculés par l'équipe du Royaume-Uni (2007a) pour une vache, à l'aide des résultats de Kierkegaard et collaborateurs (2007)

Paramètre Congénère
BDE206 BDE207 BDE208 BDE209
Données de concentration
Concentration moyenne dans les produits d'ensilage (ng/kg lipides)Note de bas de page a.2 4 150 2 583 1 626 98 750
Concentration dans les produits d'ensilage durant la dernière période d'affouragement (ng/kg lipides)Note de bas de page a.2 625 450 220 12 000
Concentration moyenne dans les tissus adipeux (ng/kg lipides) 552 1 867 155 3 700
Concentration moyenne dans les organes et les tissus musculaires (ng/kg lipides) 239 740 49 2 378
Concentration moyenne corporelle estimée chez la vache (ng/kg lipides) 286 909 65 2 576
Facteurs d'accumulation dérivés pour les tissus adipeux
Ratio de la concentration moyenne dans les tissus adipeux (ng/kg lipides) et de la concentration moyenne dans les produits d'ensilage (ng/kg lipides) 0,13 0,72 0,095 0,037
Ratio de la concentration moyenne dans les tissus adipeux (ng/kg lipides) et de la concentration moyenne dans les produits d'ensilage (ng/kg lipides) durant la dernière période d'affouragement 0,88 4,1 0,70 0,31
Facteurs d'accumulation dérivés pour l'ensemble de l'organisme
BMF établi en fonction du ratio de la concentration estimée dans tout l'organisme (ng/kg lipides) et de la concentration moyenne dans les produits d'ensilage (ng/kg lipides) 0,069 0,35 0,040 0,026
BMF établi en fonction du ratio de la concentration estimée dans tout l'organisme (ng/kg lipides) et de la concentration dans les produits d'ensilage (ng/kg lipides) au cours de la dernière période 0,46 2,0 0,30 0,21

 

Thomas et al. (2005) ont étudié l'absorption du décaBDE présent dans l'alimentation de 3 jeunes phoques gris (Halichoerus grypus) en captivité. Les phoques en captivité ont été nourris de harengs pendant 3 mois avant le début de l'étude de 3 mois (durée totale de 6 mois). Durant l'étude de 3 mois, les phoques étaient toujours nourris de harengs (de 1 à 2,5 kg/j) et tous les poissons provenaient d'un seul lot pêché dans la mer du Nord. Durant le deuxième mois de l'étude, les phoques étaient exposés au décaBDE (phase d'exposition). En effet, 12 mg de décaBDE dissous dans des gélules d'huile de foie de morue étaient ajoutés à leur nourriture chaque jour. Durant le dernier mois de l'étude, les gélules d'huile de foie de morue étaient ajoutées à l'alimentation des phoques seulement pour mesurer le taux d'élimination du décaBDE accumulé. Tout au long de la période de 3 mois, des échantillons de poisson, de sang et de matières fécales ont été recueillis chaque semaine et analysés aux fins de détection de PBDE, alors que des biopsies de petit lard ont été prélevées et analysées aux fins de détection de PBDE à 3 reprises durant l'étude (commençant 3 jours après le début de la phase d'exposition et se terminant après 29 jours d'une alimentation exempte de décaBDE).

Les concentrations de décaBDE dans le sang ont augmenté et sont passées de concentrations non décelables au début de la phase d'exposition (jour 28) à tout au plus environ 1 000 ng/g de lipides (valeur lue sur un graphique) entre 5 et 11 jours après la fin de la période d'exposition. Les concentrations de décaBDE dans le petit lard variaient de non décelables à 3,9 ng/g de lipides au jour 30 (troisième jour de la phase d'exposition) et de 3,4 à 7,4 ng/g de lipides au jour 83 (après 29 jours d'une alimentation exempte de décaBDE). On a évalué que le pourcentage de décaBDE total ingéré et présent dans le petit lard au jour 30 variait de 36 à 68 % (aucune concentration de décaBDE n'a été décelée dans le petit lard de l'un des 3 phoques) et, au jour 83, de 11 à 15 %.

Durant la phase d'élimination, on a évalué que les demi-vies du décaBDE variaient entre 8,5 et 13 jours, très probablement en raison d'une combinaison de facteurs comme la transformation métabolique, l'élimination et le transfert au petit lard. Les auteurs ont suggéré qu'une fois le décaBDE stocké dans le petit gras, il était peu probable qu'il soit métabolisé.

Selon les calculs, le facteur de bioamplification qui s'applique aux échantillons de sang est relativement élevé (c.-à-d. supérieur à 1) et le facteur de bioamplification qui s'applique aux échantillons de petit lard est relativement faible. Un facteur de bioamplification pour les échantillons de sang relativement élevé suggère qu'une importante amplification, ayant comme origine l'alimentation, pourrait se produire dans le sang et les tissus, ce qui est le signe d'un potentiel de bioaccumulation relativement élevé. Les facteurs de bioamplification s'appliquant au sang publiés par Thomas et al. (2005) peuvent être quelque peu incertains en raison d'autres composants non lipidiques (protéines) qui peuvent influencer la capacité d'absorption globale du sang, rendant ainsi la normalisation pour les lipides dans le sang moins précise. Les faibles facteurs de bioamplification qui s'appliquent au petit lard peuvent s'expliquer par la grande capacité de stockage des tissus adipeux pour les produits chimiques lipophiles -- il est possible que seule une petite partie de la concentration potentielle dans le petit lard ait atteint l'état d'équilibre durant la phase d'exposition de 26 jours.

Selon le bilan massique des flux d'entrée (aliments consommés) et de sortie (matières fécales) mesurés de décaBDE, les auteurs ont déterminé que l'efficacité d'absorption moyenne du décaBDE était de 89 %. Les auteurs ont suggéré que le taux d'efficacité d'absorption élevé remettait en question les théories des seuils d'absorption des produits chimiques liés à la taille moléculaire. Le taux d'efficacité d'absorption relativement élevé en apparence était attribué aux facteurs suivants :

  • d'importantes réserves de gras (c.-à-d. petit lard) qui offrent un réservoir aux produits chimiques lipophiles;
  • un taux d'efficacité d'assimilation alimentaire élevé chez les carnivores homéothermes comme les phoques, ce qui crée un fort coefficient de fugacité dans l'estomac favorisant une plus importante absorption des produits chimiques;
  • la collecte incomplète des échantillons de matières fécales, bien qu'on ait évalué que pas plus de 10 % des matières fécales avaient été perdues sur une période de 24 heures;
  • la dégradation du décaBDE dans l'estomac. Les concentrations des congénères moins bromés de PBDE sont demeurées constantes dans les matières fécales malgré une alimentation additionnée de décaBDE durant le second mois, ce qui fait penser que la dégradation n'était pas importante.

Tableau 2-6 : Facteurs de bioamplification estimés à partir de l'étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation de jeunes phoques gris (Halichoerus grypus) en captivité (Thomas et al., 2005)

Paramètre Valeur Unités
Dose quotidienne de décaBDE 12 mg/jour
Taux d'alimentation en poissons 1 à 2,5 kg/jour
Niveaux d'exposition 4,8 à 12 ng/g poids humide
Niveaux d'exposition 48 à 120 ng/g lipides
Concentration maximale dans le sang (approximation) 1 000 ng/g lipides
BMF s'appliquant au sang 8,3 à 20,8 g/g lipides
Concentration moyenne dans le petit lard - Jour 30 3 ng/g lipides
Concentration moyenne dans le petit lard - Jour 83 5,3 ng/g lipides
BMF s'appliquant au petit lard - Jour 30 0,025 à 0,063 g/g lipides
BMF s'appliquant au petit lard - Jour 83 0,044 à 0,11 g/g lipides

La formation potentielle de métabolites liés, phénoliques et méthoxylés, puis l'excrétion ultérieure des deux derniers sont une autre explication du taux d'efficacité d'assimilation élevé en apparence que les auteurs n'ont pas mentionnée. De récentes études réalisées avec des rats Sprague-Dawley (Mörck et al., 2003; Huwe et Smith, 2007a, 2007b; Riu et al., 2008) ont indiqué que la formation de métabolites phénoliques et méthoxylés pourrait être une voie de transformation importante du décaBDE accumulé. Par conséquent, si des métabolites phénoliques et méthoxylés étaient présents dans les matières fécales mais qu'ils n'ont pas été analysés, il est possible que le flux de sortie a été sous-estimé, entraînant une surestimation du taux d'efficacité d'absorption du décaBDE. On a également des incertitudes concernant une incohérence dans la dose unitaire déterminée. En outre, bien que la forte proportion de décaBDE total ingéré et présent dans le petit lard aux jours 30 et 83 (c.-à-d. jusqu'à 68 %) indique une absorption du décaBDE, des doutes persistent quant aux résultats généraux de l'étude.

En utilisant les concentrations de décaBDE dans le sang et le petit lard, qui ont été publiées dans le cadre de l'étude sur l'exposition de Thomas et al. (2005), conjointement avec une concentration estimée de décaBDE dans l'alimentation, il est possible d'estimer les facteurs de bioamplification qui s'appliquent aux échantillons de sang et de petit lard pour cette étude. Les auteurs n'ont malheureusement pas indiqué la teneur en lipides des harengs consommés par les phoques, mais, selon les valeurs publiées dans certains ouvrages (p. ex. Iverson et al., 2002; Jensen et al., 2007), une teneur en lipides de 10 % aurait été utilisée comme approximation raisonnable des facteurs de bioamplification estimés présentés sommairement au tableau 2-6. Il faut mentionner que les concentrations dans le sang ne semblent pas avoir atteint l'état d'équilibre durant la phase d'exposition et il est probable que le même constat s'applique aussi aux concentrations dans le petit lard. De plus, les concentrations dans le petit lard aux jours 30 et 83 ne représentent probablement pas les accumulations maximales de décaBDE (on s'attend à des accumulations maximales à la fin de la phase d'exposition ou après celle-ci, soit au jour 54). Par conséquent, les facteurs de bioamplification qui s'appliquent aux échantillons de sang et de petit lard sous-estiment dans une mesure inconnue l'état d'équilibre des facteurs de bioamplification.

Sellström et al. (2005) ont analysé le décaBDE présent dans des échantillons de sol et de vers de terre (espèce non identifiée) recueillis en 2000 à trois stations de recherche (avec des parcelles de référence et des parcelles amendées avec des boues d'épuration) et sur deux fermes (avec des sols de référence et des sols amendés ou inondés), en Suède. Aux différents sites, les concentrations de décaBDE dans le sol variaient de 0,015 à 22 000 ng/g de poids sec et la teneur en carbone organique (établie en fonction des données sur la perte par calcination) variait entre 2,12 % et 7,22 %. Les concentrations de décaBDE dans les vers variaient de 0,99 à 52 000 ng/g de lipides. À l'aide de ces données, Sellström et al. (2005) ont calculé des facteurs d'accumulation biote-sol propres à chaque site pour les échantillons de sol et de vers recueillis au même moment. Les facteurs d'accumulation biote-sol variaient entre 0,04 et 0,7 et avaient une moyenne de 0,3. D'après ces résultats, les auteurs ont conclu que le décaBDE était biodisponible dans le sol, mais qu'il ne pouvait pas s'accumuler dans les vers de terre. Les auteurs n'ont observé aucune preuve de réaction de débromation photolytique dans le sol.

Les facteurs d'accumulation biote-sol déterminés par Sellström et al. (2005) étaient tous inférieurs aux variations, ce qui pourrait démontrer que le décaBDE est bel et bien bioamplifié (c.-à-d. 1,7 à 3; se reporter à la section 1.2).

Dans le cadre de leur étude sur le grizzly de la Colombie-Britannique, Christensen et al. (2005) ont procédé à une analyse de la bioaccumulation du décaBDE. Leur méthode supposait l'estimation d'une « courbe de bioaccumulation » en fonction d'une comparaison entre la concentration de décaBDE et la proportion de viande dans l'alimentation. Le raisonnement était que si l'amplification trophique provoquait une augmentation des concentrations de décaBDE chez les proies à des niveaux supérieurs aux concentrations observées dans la matière végétale consommée, les concentrations de décaBDE chez les ours augmenteraient également avec l'augmentation de la proportion de viande provenant des proies dans l'alimentation. Une courbe de bioaccumulation positive est le signe d'une amplification trophique tandis qu'une courbe de bioaccumulation négative est le signe qu'on est en présence d'une dilution trophique. Les auteurs ont indiqué que la courbe de bioaccumulation du décaBDE était négative (bien qu'elle ne soit pas significativement différente de 0), sans pour autant lui attribuer une valeur. Le fait que la courbe de bioaccumulation du décaBDE n'était pas significativement positive semble indiquer que le décaBDE n'était pas amplifié dans les réseaux trophiques des ours étudiés qui avaient une alimentation à base de viande. L'étude n'a pas examiné l'importance potentielle de l'exposition au décaBDE par l'entremise de la matière végétale consommée ou de l'air inhalé.

Dans le cadre de leur étude sur la présence de décaBDE dans le réseau trophique marin de Svalbard, en Norvège, SØrmo et al. (2006) ont également essayé d'estimer les facteurs de bioamplification d'espèces de proies et de prédateurs. Le nombre élevé de concentrations non décelées a malheureusement rendu impossible l'estimation des facteurs de bioamplification pour les combinaisons ours polaire-phoque annelé ou phoque annelé-ours polaire. En ce qui concerne la combinaison morue polaire-amphipode, le facteur de bioamplification estimé en fonction des concentrations moyennes dans chaque espèce (sauf pour l'amphipode qui n'était représenté que par un seul échantillon) était de 0,1 (sur la base du poids humide) et de 0,03 (sur la base de la masse lipidique), ce qui ne témoigne d'aucune bioamplification du décaBDE avec cette combinaison prédateur-proie.

2.2.3 Prédictions des modèles

Des modèles de prédiction de la bioaccumulation dans les réseaux trophiques aquatiques et de prédiction de la bioamplification chez les mammifères terrestres ont été publiés. Le modèle BAF-QSAR (facteur de bioaccumulation - relations quantitatives structure­activité) décrit par Arnot et Gobas (2003) s'applique de façon générale à l'environnement canadien et une version modifiée de ce modèle a été utilisée durant la catégorisation qu'a effectuée le gouvernement canadien de sa Liste intérieure des substances. Ce modèle prédit les facteurs de bioaccumulation et de bioconcentration de trois niveaux trophiques de poissons représentatifs (inférieur, intermédiaire et supérieur) dans un réseau trophique aquatique général en fonction d'un ensemble de conditions standard propres à l'environnement canadien. En ce qui a trait à l'environnement terrestre, Gobas et al. (2003) décrivent un modèle de bioamplification terrestre qui peut être utilisé pour le loup gris adulte mâle (Canis lupus) et qui s'inspire des travaux de Kelly et Gobas (2003). Il prédit des facteurs de bioamplification pour les loups en fonction du logarithme du Koa (logarithme du coefficient de partage octanol/air) et du logarithme du Koe (logarithme du coefficient de partage octanol/eau) des produits chimiques, et d'un ensemble de paramètres décrivant le réseau trophique lichen-caribou-loup de l'inlet Bathurst dans l'Arctique canadien. Une constante du taux métabolique est incorporée dans ces deux modèles pour l'élimination des produits chimiques, ce qui permet d'apporter des corrections aux prédictions des facteurs de bioaccumulation, de bioconcentration et de bioamplification adaptées au métabolisme, qui reposent sur des observations sur le terrain ou en laboratoire. Toutefois, la valeur par défaut présumée pour le métabolisme dans les deux modèles est de 0.

Le modèle BAF-QSAR a été utilisé pour faire des prédictions des facteurs de bioaccumulation et de bioconcentration du décaBDE qui s'appliquent aux poissons. L'examen par Environnement Canada des valeurs du logarithme Koe du décaBDE a révélé que le logarithme Koe de 8,7 rapporté par Wania et Dugani (2003) est considéré comme représentant la valeur disponible la plus sûre. Le détail des raisons qui expliquent le choix des valeurs de logarithme Koe est présenté à l'annexe C. Deux scénarios de prédictions ont été élaborés : le premier n'incluait aucune correction adaptée à la transformation métabolique et le second comprenait des corrections adaptées au métabolisme, qui s'appuyaient sur les observations en laboratoire de Tomy et al. (2004). Tomy et al. ont déterminé que la demi-vie du décaBDE chez des alevins de truites grises ayant été nourris avec une alimentation renfermant cette substance était de 26 jours, ce qui correspond à un taux d'élimination total (kT) d'environ 0,027/j. La valeur déterminée par Tomy et al. (2004) a servi à calculer la valeur dérivée de la constante du taux métabolique dans des conditions in vivo (KM), conformément à la méthode d'Arnot et al. (2008). Avec cette méthode, quand kT est connu, la valeur dérivée de KM est obtenue à l'aide de l'équation suivante :

KM = kT - (k2 + kE + kG)

où :

KM = constante du taux métabolique (1/jour)

k2 = constante du taux d'élimination (paramétrée à l'aide des données d'Arnot et al., 2008a)

kE = constante du taux d'expulsion de la matière fécale (paramétrée à l'aide des données d'Arnot et al., 2008a)

kG = constante du taux de croissance (paramétrée à l'aide des données d'Arnot et al., 2008a)

La méthode d'Arnot et al. (2008b) donne une estimation des facteurs de confiance (FC) correspondant à KM afin de prendre en compte la marge d'erreur associée aux données in vivo (c.-à-d. variabilité des mesures, incertitude liée à l'estimation des paramètres et erreur du modèle). Un facteur de confiance de ± 3,0 a été calculé pour les facteurs de bioamplification disponibles.

Étant donné qu'une relation peut être établie entre le potentiel métabolique, et le poids corporel et la température (consulter Hu et Layton, 2001, et Nichols et al., 2006), la constante KM a été normalisée à 15 oC, puis corrigée, dans le modèle Arnot-Gobas, en fonction du poids corporel de poissons de niveau trophique intermédiaire (184 g) (Arnot et al., 2008a). Des poissons de niveau trophique intermédiaire ont été utilisés pour représenter les sorties globales du modèle, car, en raison de leur poids, ils représentent davantage les poissons susceptibles d'être consommés par des piscivores aviaires ou terrestres. Après avoir procédé à la normalisation, la valeur de KM variait entre 0,02 et 0,17, soit une valeur moyenne de 0,06.

Les prédictions des facteurs de bioaccumulation et de bioconcentration de décaBDE pour les poissons de niveau trophique intermédiaire sont présentées de façon sommaire au tableau 2-7. Toutes les valeurs prédites des facteurs de bioconcentration sont inférieures à 5 000, ce qui est prévu étant donné que l'absorption et l'élimination par les branchies (ce dont tient compte le facteur de bioconcentration) sont limitées et importantes seulement pour les substances dont le logarithme log Koe est plus ou moins inférieur à 4,5.

Tableau  2-7 : Prédictions des BAF et BCF pour le décaBDE obtenues à l'aide du modèle cinétique Arnot-Gobas (v. 1.11)

KM (corrigée pour tenir
compte du métabolisme; jours)
Log Koe
utilisé
BCF
Arnot-Gobas
BAF
Arnot-Gobas
Demi-vie
(jours)
1,93E-02 (2,5 %) 8,7 251 161 618 99
0,058 (moyenne) 8,7 90 29 386 35
0,17 (97,5 %) 8,7 31 4 056 12
0 (aucune transformation métabolique) 8,7 2 570 2 630 268 795

Remarque : Les valeurs en gras sont supérieures au critère BAF/BCF de 5 000.

Le facteur de bioaccumulation, lorsqu'il est corrigé pour tenir compte de la transformation métabolique, varie entre 4 056 et 161 618, selon le taux métabolique. Le facteur de bioaccumulation pour une valeur moyenne de la constante KM, qui est soi­disant représentative du potentiel métabolique type des poissons du milieu naturel canadien, était de 29 386. Quand par défaut aucun taux métabolique n'est utilisé dans le modèle, le facteur de bioaccumulation est supérieur de plusieurs ordres de grandeur au facteur de bioaccumulation calculé avec un taux métabolique potentiel moyen. Ces résultats démontrent l'influence du coefficient de partage associé aux produits chimiques (log Koe) et de la transformation métabolique sur le potentiel de bioaccumulation du décaBDE.

Les facteurs de bioaccumulation corrigés pour tenir compte du métabolisme offrent probablement la meilleure estimation du potentiel de bioaccumulation du décaBDE car la plupart des études de laboratoire ont démontré ou conclu que le décaBDE subissait une transformation métabolique. Il est important de mentionner que ces facteurs de bioaccumulation corrigés pourraient sous-estimer la bioaccumulation totale du décaBDE car ils sont établis uniquement en fonction du produit chimique d'origine et ne tiennent pas compte des autres métabolites présents dans les tissus.

Les facteurs de bioamplification prédits pour les loups ont été obtenus au moyen d'une version de calcul électronique du modèle de Gobas et al. (2003). Le modèle peut être à nouveau paramétré pour l'efficacité d'assimilation alimentaire (EA) et la constante du taux métabolique (KM), dont les paramètres par défaut sont de 90 % et 0 %, respectivement. En plus de l'intervalle des valeurs potentielles du logarithme Koe décrites pour le modèle BAF-QSAR à l'annexe C, deux estimations du logarithme Koa étaient disponibles : 15,27 (Tittlemier et al., 2002) et 18,423 (prédiction du modèle QSAR, KOAWIN). Toutefois, les prédictions des facteurs de bioamplification ne sont pas significativement différentes pour cet intervalle de valeurs de log Koa ou de log Koe et la variation systémique des valeurs de log Koa et de log Koe avait peu d'incidence sur les données prévues. Quatre scénarios de prédictions ont été réalisés : le premier n'incluait aucune correction pour tenir compte de la transformation métabolique et les trois autres comportaient des corrections adaptées au métabolisme qui s'appuyaient sur les observations en laboratoire de Huwe et Smith (2007a, b). Ils ont déterminé un intervalle de demi-vies potentielles pour le décaBDE chez les rats selon une combinaison d'approximations de premier et de second ordre des données d'élimination pour la carcasse, le foie et le plasma sanguin. En ce qui concerne la carcasse, on a déterminé qu'une demi-vie de premier ordre de 8,6 jours représentait le mieux les données d'élimination. En ce qui a trait au plasma sanguin et au foie, les modèles de second ordre (c.-à-d. comprenant des phases de distribution et d'élimination) étaient mieux adaptés à des valeurs de demi-vies d'élimination (ce qui représente un taux d'élimination des résidus stockés dans l'organisme plus faible) de 75,9 et 20,2 jours, respectivement. Ces demi-vies ont servi à déduire des valeurs de KM qui variaient entre 0,0086 et 0,08 par jour à l'aide d'une méthode semblable à celle utilisée dans le modèle BAF-QSAR. Comme ces taux étaient établis en fonction de l'exposition de rongeurs au décaBDE, ils doivent donc être rajustés en fonction du poids corporel du loup (p. ex. Hu et Layton, 2001). On obtient alors des valeurs de KM qui varient entre 0,004 et 0,03 lorsqu'on suppose un poids de 0,25 kg pour le rat et un poids corporel de 80 kg pour le loup dans le modèle (Hu et Layton, 2001; Arnot et al., 2008b).

Les prédictions des facteurs de bioamplification pour les espèces terrestres sont présentées sommairement au tableau 2-8. Comme l'exposent dans les grandes lignes Kelly et al. (2004), une efficacité d'assimilation alimentaire (EA) d'environ 56 % a été calculée à titre de meilleur estimateur pour les carnivores, à l'aide du modèle d'efficacité d'assimilation alimentaire pour les humains. Le facteur de bioamplification était de 89 sans correction de la valeur du métabolisme, et il variait de 0,5 à 3,5 avec correction, selon l'utilisation ou non de la constante du taux métabolique. Les prévisions corrigées du métabolisme et de l'efficacité d'assimilation alimentaire s'inscrivent dans l'intervalle des valeurs obtenues pour le décaBDE à l'aide de récepteurs aquatiques et terrestres. Les facteurs de bioaccumulation corrigés pour tenir compte du métabolisme offrent probablement la meilleure estimation du potentiel de bioamplification du décaBDE car la plupart des études de laboratoire et des études des effets du décaBDE présent dans les aliments d'animaux en captivité publiées qui ont été examinées ont démontré ou conclu que le décaBDE subissait une transformation métabolique. Par conséquent, les facteurs de bioamplification corrigés témoignent d'une bioamplification faible ou inexistante, principalement à cause de la transformation métabolique du décaBDE.

Il est important de mentionner que les facteurs de bioamplification corrigés pourraient sous-estimer la bioamplification totale du décaBDE car ils sont établis uniquement en fonction du produit chimique d'origine et ne tiennent pas compte des autres métabolites présents dans les tissus. Ainsi, si tous les métabolites étaient inclus dans les calculs des facteurs de bioamplification, il est possible que tous les facteurs prédits seraient plus élevés.

Tableau  2-8 : Prédictions du BMF du décaBDE chez les loups obtenues à l'aide du modèle de bioamplification terrestre de Gobas et collaborateurs (2003)

KM (normalisée en fonction
du poids corporel du loup) (jours)
Log Koe
utilisé
Log Koa
utilisé
BMF
de Gobas
Demi-vie
(jours)
0,004
(selon une demi-vie du décaBDE
dans le plasma de 79,5 jours)Note de bas de page a.3
8,7 15,2 3,5 173
0,03
(selon une demi-vie du décaBDE
dans la carcasse de 8,6 jours)Note de bas de page a.3
8,7 15,2 0,5 23
0 (aucune métabolisation) 8,7 15,2 89 4 119

 

2.3 Analyse de la valeur de la preuve

2.3.1 Résumé des données probantes

La présente section fournit un résumé des données probantes sur la bioaccumulation et la bioamplification du décaBDE qui sont disponibles à l'heure actuelle. Elle a pour objectif de faire une synthèse de l'état actuel des connaissances scientifiques qui visent à déterminer si le décaBDE montre une bioaccumulation ou une bioamplification potentielle dans les réseaux trophiques. Aucune preuve non équivoque à l'appui de la conclusion selon laquelle le décaBDE est bioaccumulable, qu'il satisfait aux critères de bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation ou qu'il est bioamplifié dans la chaîne alimentaire n'était disponible. Des considérations supplémentaires et des interprétations quant à la capacité de bioaccumulation ou de bioamplification du décaBDE sont également présentées de façon sommaire dans une troisième section.

1. Données probantes incertainesNote de bas de page 5 quant au fort potentiel de bioaccumulation et de bioamplification du décaBDE dans l'environnement

  • Les résultats de Tomy et al. (2009) qui établissent des facteurs de bioamplification de 12,7 et de 4,8 pour les relations alimentaires morue polaire:copépode arctique et morue polaire:amphipode pélagique, indiquent que la bioamplification se produit peut-être à ces niveaux trophiques inférieurs, dans des réseaux trophiques marins à l'ouest de l'Arctique. Cependant, les facteurs de bioamplification pour d'autres relations alimentaires dans la même chaîne alimentaire étaient inférieurs à 1, notamment pour les relations alimentaires à des niveaux trophiques supérieurs. Il en était de même pour le facteur d'amplification dans le réseau trophique. L'étude présentait également des incertitudes étant donné que des organismes ont été échantillonnés à différents moments et emplacements.
  • DeBruyn et al. (2009) ont calculé les FABS sédiments du décaBDE pour 17 sites au large des côtes de la Colombie-Britannique. Les FABS sédiments n'ont pu être calculés à 10 sites, car les concentrations dans les tissus de moules étaient inférieures aux limites de quantification. Pour les autres sites, tous les FABS sédiments calculés étaient faibles (p. ex. = 1,48), sauf à un site de référence où ils donnaient un résultat de 3,53, ce qui indique que, à cet emplacement, le décaBDE s'est peut-être bioamplifié dans les moules.
  •  L'étude de toxicité de Riva et al. (2007), basée sur l'interprétation du gouvernement du Royaume-Uni (2008), a indiqué une accumulation du décaBDE dans les moules zébrées pouvant aller jusqu'à 1 000 l/kg (lipides) ou dépasser cette valeur. Cependant, l'étude a été menée comme une étude de génotoxicité et manquait, de ce fait, de nombreuses caractéristiques pertinentes pour une évaluation de la bioconcentration (p. ex. les concentrations mesurées dans l'eau et les concentrations exactes dans les organismes). Par ailleurs, il se peut que les concentrations d'exposition aient dépassé la limite de solubilité dans l'eau du décaBDE.
  • Une étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation de vaches réalisée par Kierkegaard et al.(2007) démontre que tous les facteurs de bioamplification associés aux produits d'ensilage donnés aux vaches étaient inférieurs à 1. Cependant, les métabolites du décaBDE et la substance d'origine n'ont pas tous été comptabilisés. Les résultats de cette étude étaient très incertains en raison de la grande variabilité des concentrations de décaBDE dans l'alimentation à base de produits d'ensilage.
  • Les résultats de l'étude sur le réseau trophique pélagique du lac Winnipeg menée par Law et al. (2006) ont permis d'estimer le facteur d'amplification dans le réseau trophique du lac Winnipeg à 3,6 et d'observer de nombreux facteurs de bioamplification supérieurs à 1. Ces observations étaient uniquement fondées sur le décaBDE d'origine. Si le décaBDE ainsi que les métabolites avaient été considérés, il est possible que les facteurs d'amplification et de bioamplification dans le réseau trophique seraient plus élevés. Or, l'étude présentait un certain nombre de limites, ce qui rend les résultats incertains.
  • Une étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation d'alevins de truites arc-en-ciel menée par Stapleton et al. (2006) a permis de calculer des facteurs de bioamplification propres aux différents tissus, pouvant atteindre 1,74 pour le décaBDE et les métabolites neutres. D'autres métabolites qui n'avaient pas été mesurés étaient peut-être aussi présents. Néanmoins, les facteurs de bioamplification déterminés en fonction des données sur le sérum et la carcasse ne dépassaient pas 1.
  • Deux études par Burreau et al. (2004, 2006), qui évaluaient les niveaux de bioamplification dans deux réseaux trophiques de la mer Baltique, ont démontré que le décaBDE ne semblait pas être bioamplifié. Parce qu'aucune concentration de décaBDE n'a été décelée dans le saumon de l'océan Atlantique, une analyse semblable n'a pu être effectuée pour ce réseau trophique. De plus, les concentrations relativement élevées de décaBDE dans les essais à blanc et les faibles concentrations dans les échantillons de biote rendent l'analyse globale de la bioamplification incertaine.
  • Une étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation de phoques en captivité réalisée par Thomas et al. (2005) présentent des facteurs de bioamplification pour le sérum sanguin supérieurs à 1, mais bien en deçà de 1 pour le petit lard. Il est peu probable que les concentrations dans le petit lard aient atteint l'état d'équilibre. L'état d'équilibre des facteurs de bioamplification pour le petit lard pourrait être plus élevé. Pourtant, l'étude faisait état d'une efficacité d'assimilation alimentaire exceptionnellement élevée de 89 %, ce qui serait inattendu pour le décaBDE.
  • Bien qu'on ait occasionnellement observé de fortes concentrations de décaBDE chez des oiseaux de proie (particulièrement en Chine et en Europe), le renard roux, le requin, des mammifères marins et quelques espèces d'oiseaux de mer, ces concentrations élevées sont influencées par la possibilité que les espèces échantillonnées vivent dans des habitats diversifiés contaminés au décaBDE, à proximité de zones industrialisées d'Europe et de Chine. Par conséquent, si l'exposition dans l'environnement était très élevée, les concentrations dans les tissus des organismes pourraient être très élevées même avec des facteurs de bioaccumulation et de bioamplification très faibles.
  • Des concentrations relativement élevées de décaBDE ont été observées chez le faucon pèlerin du Groenland.
  • Les prédictions des facteurs de bioamplification, normalisées en fonction du métabolisme, du poids et de la température d'espèces aquatiques, qu'on a obtenues à l'aide du modèle BAF-QSAR, varient entre environ 4 000 et 162 000, ce qui reflète l'incertitude associée aux estimations du taux métabolique chez les poissons. On a calculé que le facteur de bioaccumulation moyen corrigé pour tenir compte du métabolisme était d'environ 30 000. Si le modèle BAF-QSAR prenait également en compte la charge corporelle en métabolites, les estimations du facteur de bioaccumulation seraient alors possiblement supérieures à l'intervalle des estimations prévu pour le composé d'origine.
  • En utilisant le modèle du loup de Gobas et al.(2003), on obtient des facteurs de bioamplification terrestres corrigés qui peuvent varier légèrement en dessous de 1, selon le taux de métabolisme présumé dans le modèle. L'efficacité d'assimilation alimentaire relativement élevée (56 %) contribue à un facteur de bioamplification supérieur à 1 lorsque la constante du taux de métabolisme inférieur est utilisée. Il faut souligner qu'il est difficile de comparer un facteur de bioamplification modélisé avec un des facteurs de bioamplification mesurés disponibles car aucun d'entre eux n'est déclaré pour le réseau trophique terrestre du loup ou d'autres carnivores. Toute comparaison est alors incertaine en raison des nombreuses différentes espèces qui affichent un taux métabolique, une efficacité d'assimilation et un poids corporel différents.

2. Données probantes qui n'appuient pasNote de bas de page 6 la conclusion du fort potentiel de bioaccumulation et de bioamplification du décaBDE dans l'environnement.

  • L'étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation de rats réalisée par Huwe et Smith (2007a, 2007b) qui a permis de calculer un facteur de bioamplification de 0,05 et l'étude de Huwe et al. (2008) qui présente un facteur de bioamplification dérivé inférieur à 1. La comptabilisation complète du composé d'origine et des métabolites du décaBDE aurait probablement fait augmenter les estimations du facteur de bioamplification.
  • Des FABS sédiments calculés par La Guardia et al.(2007), Xiang et al. (2007) et Eljarrat et al.(2007) qui étaient bien en deçà des seuils indiquant une bioamplification au-delà des conditions d'équilibre.
  • Une étude de SØrmo et al. (2006) sur un réseau trophique marin de Svalbard, en Norvège, qui n'a permis de déceler que de très faibles concentrations et de ne calculer qu'un très faible facteur de bioamplification (0,03) pour la relation prédateur-proie morue polaire-amphipode. Il n'a pas été possible de calculer d'autres facteurs de bioamplification en raison du grand nombre d'échantillons pour lesquels aucune concentration de décaBDE n'avait pu être décelée, ce qui, en général, semble dénoter un faible potentiel de bioamplification dans ce réseau trophique.
  • Une étude réalisée par Sellström et al. (2005) sur l'accumulation du décaBDE dans les vers de terre qui a permis de démontrer que les FABS sol étaient bien inférieurs à l'intervalle de seuils (> 1,7 à 3), ce qui indique qu'une bioamplification pourrait se produire au-delà des conditions d'équilibre.
  • Des concentrations de décaBDE relativement faibles et souvent non décelées dans un large éventail de prédateurs de niveau trophique intermédiaire à supérieur, y compris certains poissons de mer, des mammifères prédateurs (grizzly, ours polaire et lynx), des mammifères marins, des oiseaux aquatiques ou de mer, et des oiseaux de proie (de nombreuses études, souvent semblables à celles-là, pour lesquelles des concentrations relativement élevées ont également été observées).
  • Une assimilation minimale du décaBDE observée chez un oligochète aquatique, Lumbriculus variegatus, exposé à des biosolides et à des sédiments artificiels additionnés de décaBDE (Ciparis et Hale, 2005).
  • Une étude de Christensen et al. (2005) sur le grizzly qui laissait entendre que la bioamplification n'avait pas lieu.
  • Une étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation d'alevins de truites grises menée par Tomy et al. (2004) qui a permis de déterminer un facteur de bioamplification de 0,3 au moyen d'une méthode cinétique ne tenant compte que du décaBDE d'origine. Si des métabolites du décaBDE avaient été inclus dans l'estimation du facteur de bioamplification, il aurait possiblement été plus élevé.

3. Considérations supplémentaires et données probantes

  • Une étude menée par le MITI (1992) qui s'est conclue par un facteur de bioconcentration < 3 000. Il faut souligner que cette valeur du facteur de bioconcentration a été établie en fonction de l'estimation de l'hydrosolubilité du décaBDE et du seuil de détection dans les tissus, et qu'elle est donc très incertaine.
  • Une faible efficacité d'absorption des produits chimiques (p. ex. au moins 0,44 %) et la preuve de la transformation métabolique chez la carpe (Stapleton et al., 2004) ont pu être observées
  • De même, une faible efficacité d'absorption des produits chimiques (p. ex. d'au moins 0,02 à 3,2 %) et la preuve de la transformation métabolique chez la truite arc-en-ciel (Stapleton et al., 2006, Kierkegaard et al. 1999) ont pu être observées.
  • Des études sur le métabolisme réalisées avec des rats (Norris et al. 1973, 1974; El Dareer et al., 1987) semblent indiquer que le décaBDE a un faible potentiel de rétention (généralement inférieur à 5 %) et de bioaccumulation chez les mammifères et qu'il est excrété rapidement.
  • Les valeurs très faibles de l'efficacité d'assimilation chimique chez les poissons indiquent que l'efficacité d'assimilation peut être inférieure chez les mammifères carnivores comparativement à celle prédite par le modèle EA pour les humains. Néanmoins, l'EA prédite est basée sur une relation impliquant de nombreuses substances organiques halogénées et est donc appropriée pour la modélisation du décaBDE. Les poissons présentent une EA bien inférieure à celle des mammifères à un log Koe de 8,7 (estimation prudente : 56 % c. ~0 %), en se basant sur les relations résumées dans Kelly et al., 2004). Par conséquent, l'assimilation élevée d'hydrocarbures aromatiques halogénés par les mammifères pourrait contribuer à des valeurs plus élevées du facteur de bioamplification chez ces derniers. Il est toutefois difficile de confirmer cette hypothèse étant donné le peu de preuves issues d'études sur les réseaux trophiques terrestres. Les valeurs du facteur de bioamplification pourraient être compensées par un taux élevé de métabolisme intestinal pour les produits de biotransformation hydroxylés et moins bromés, ce qui limiterait l'EA par rapport aux prédictions du modèle.

2.3.2 Conclusion relative à la bioaccumulation

Les données existantes sur la bioaccumulation du décaBDE n'appuient pas la définition de « bioaccumulable » proposée dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation actuel pris en application de la LCPE (1999). Bien que la plupart des données disponibles montrent que le décaBDE a un potentiel limité de bioaccumulation et de bioamplification dans l'environnement, certains éléments de preuve indiquent un facteur de bioaccumulation plus élevé qu'on l'avait jugé antérieurement pour le décaBDE, et certaines données suggèrent une bioaccumulation éventuelle. La modélisation effectuée pour appuyer cette évaluation montre, cependant, une certaine incertitude liée au métabolisme chez les poissons, étant donné l'intervalle de facteurs de bioaccumulation aquatiques inférieurs au critère de 5 000 à bien au-delà de 5 000. Le facteur de bioaccumulation chez les carnivores terrestres présente également des valeurs inférieures et supérieures à 1, selon le taux de métabolisme présumé. Bien qu'elles soient moins pertinentes que les facteurs de bioaccumulation ou de bioamplification, les mesures expérimentales du facteur de bioconcentration sont inférieures au critère de 5 000. Il a été démontré que les concentrations de la substance sont croissantes chez certaines espèces sauvages, et des données suggèrent que le décaBDE a atteint des concentrations jugées élevées dans certains organismes. On considère également que le décaBDE (c.-à-d. BDE209) contribue au potentiel de bioaccumulation de l'ensemble des PBDE en raison de sa métabolisation en congénères moins bromés (ce sujet sera abordé plus loin dans le rapport).

 

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