Rapport sur l'état des connaissances scientifiques écologiques concernant le décabromodiphényléther (décaBDE) : chapitre 3


3. Preuve de la transformation

La présente section examine la transformation du décaBDE afin de déterminer scil y a lieu d'être préoccupé par sa transformation en produits bioaccumulables dans les organismes (c.-à-d. in vivo par métabolisation) et dans l'environnement (c.-à-d. par des processus abiotiques et de biodégradation). Les données fournies par des études qui quantifient la transformation sont souvent influencées par les limites suivantes :

  • Degré de pureté du composé d'origine inconnu ou non caractérisé et présence (souvent non quantifiée) de PBDE moins bromés dans les matériaux utilisés (p. ex. les études ont généralement utilisé du décaBDE ayant un degré de pureté de = 98 %). Il est possible que des congénères moins bromés de PBDE soient présents sous la forme d'impuretés dans la nourriture utilisée dans le cadre des études in vivo sur la transformation métabolique. Certains congénères moins bromés peuvent avoir un facteur d'accumulation plus élevé que celui du décaBDE. Par conséquent, même si de telles impuretés étaient présentes dans la nourriture (ou dans la substance décaBDE soumise à l'essai) à des concentrations inférieures au seuil de détection, elles pourraient quand même s'accumuler dans l'organisme et atteindre des concentrations mesurables durant l'expérience;
  • Les défis analytiques, qui pourraient influencer l'exactitude des résultats (voir la section 2).
  • Se servir d'études en laboratoire pour tirer des conclusions concernant les processus et les taux de transformation dans l'environnement.

Ces questions sont examinées en détail plus loin dans le présent document.

3.1 Transformation in vivo

3.1.1 Données évaluées dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE

Les points suivants résument les données de débromation du décaBDE qui étaient disponibles en 2004 et antérieurement, et qui ont été prises en considération dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Environnement Canada, 2006b).

Lors d'une étude des effets de bromodiphényléthers administrés dans la nourriture d'alevins de carpes, Stapleton et Baker (2003) et Stapleton et al. (2004) ont constaté que 7 dérivés du décaBDE s'étaient accumulés dans l'ensemble des tissus et dans le foie des poissons durant la période d'exposition. Il s'agissait de pentaBDE, d'hexaBDE, d'heptaBDE et d'octaBDE, mais seuls les BDE154 et BDE155 (c.-à-d. des hexaBDE) ont pu être identifiés avec certitude (renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès d'Environnement Canada, juillet 2009 non cité). On a récemment déterminé que les congénères non identifiés étaient les BDE188, -201, -202 et -197 (Stapleton et al., 2006). Les PBDE fortement bromés, comme l'octaBDE, semblaient également subir une débromation et se transformer en PBDE homologues moins bromés. Stapleton et Baker (2003), qui ont comparé la structure du décaBDE avec celle des produits de dégradation identifiés, suggèrent que cette débromation est peut-être le résultat de l'activité des enzymes déiodinases qui d'habitude agissent sur les hormones thyroïdiennes. Ils ont évalué que le décaBDE (composé d'origine et métabolites) était biodisponible à 0,44 %. Cette valeur pourrait être plus élevée si d'autres métabolites étaient présents (non décelés lors de ces études). Il faut mentionner que l'explication de rechange donnée par Stapleton et Baker (2003) relativement à la transformation du décaBDE, qui avançaient l'hypothèse que la transformation pourrait également être causée par l'activité de la microflore intestinale, a récemment été réfutée par Benedict et al. (2007), qui ont publié une étude confirmant que la flore intestinale de la carpe ne pouvait agir sur la débromation des PBDE.

Dans le cadre de leur étude des effets d'une alimentation modifiée sur des alevins de truite arc-en-ciel, Kierkegaard et al. (1999) ont décelé plusieurs hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE dans le foie et les tissus musculaires des poissons à l'étude bien que certains de ces congénères n'aient pas été mesurés dans l'alimentation. Il n'était pas possible de déterminer si la présence de ces congénères était le résultat du métabolisme du décaBDE ou de l'absorption efficace de traces de congénères initialement présents dans la nourriture.

Des études sur le métabolisme réalisées avec des rats (Norris et al., 1973 et 1974; El Dareer et al., 1987) semblent indiquer que le potentiel de bioaccumulation du décaBDE est faible chez les mammifères. Par exemple, Norris et al. (1973 et 1974) ont administré une suspension de 1,0 mg de décaBDE marqué au carbone 14 et d'huile de maïs à des rats mâles et femelles, et ont constaté qu'environ 90,6 % du décaBDE marqué au carbone 14 administré avait été excrété dans les matières fécales dans les 24 heures et, qu'au bout de 48 heures, toute la dose administrée avait été excrétée. Des études sur l'accumulation dans les tissus, où l'alimentation des rats était composée de décaBDE à raison de 0,1 mg/kg de poids corporel par jour, ont démontré que les teneurs en brome des différents tissus n'étaient pas significativement supérieures à celles observées chez les groupes témoins. La teneur en brome du tissu adipeux de rats exposés au décaBDE était significativement plus élevée à p <0,03, mais pas à p <0,01, lorsque celle-ci était comparée aux concentrations dans le tissu adipeux des groupes témoins (Norris et al., 1973 et 1974). L'étude d'El Dareer et al. (1987) (également citée comme l'étude du programme NTP, 1986) est abordée plus en détail ci-après (par rapport à la façon dont elle est présentée dans Canada, 2006 ou Environnement Canada, 2006b).

Le National Toxicology Program (NTP, 1986) et El Dareer et al. (1987) ont évalué l'adsorption de décaBDE marqué au carbone 14 (degré de pureté de 97,9 à 99,2 %) à l'aide de rats F344/N. Le décaBDE (BDE209) a été administré dans l'alimentation (la consommation totale d'aliments était de 50 000 mg/j; du décaBDE non radiomarqué a été ajouté à l'alimentation les jours 1 à 7 et 9 à 11, tandis que du décaBDE radiomarqué a été ajouté à l'alimentation le jour 8). La dose totale de décaBDE variait entre 3 718 et 3 826 mg/kg/j. Les résultats ont démontré qu'après une période d'exposition de 72 heures, de 91,3 ± 4 % à 101 ± 4 % de la radioactivité pouvait être retracée dans les matières fécales excrétées. Dans une autre étude, les chercheurs ont ajouté du décaBDE radiomarqué et non radiomarqué (~ 22 à 25 mg/kg de poids corporel) à l'alimentation (consommation totale d'aliments de 48 000 mg/j). Les rats étaient nourris avec des aliments additionnés de décaBDE non radiomarqué les jours 1 à 7 et 9, ou 9 et 10, ou 9 à 11, et avec des aliments additionnés de décaBDE radiomarqué le jour 8. Ils ont déterminé qu'entre 82,5 et 86,4 % du décaBDE radiomarqué était récupéré dans les matières fécales et que le taux de récupération totale du décaBDE variait entre 83,2 et 89,3 %. Environ 0,01 % de la dose de décaBDE administrée était excrétée dans l'urine. Ils ont décelé des traces de radioactivité dans la plupart des tissus, mais les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans le foie, les reins, les poumons, la peau et le tissu adipeux. Les auteurs ont par la suite entrepris une étude où des rats qui recevaient une injection intraveineuse de 1,07 mg/kg de décaBDE marqué au carbone 14 étaient ensuite sacrifiés 72 heures après avoir reçu la dose. Les résultats ont révélé que 74 % de la dose se retrouvait dans les matières fécales et dans le contenu intestinal, ce qui laissait supposer que l'excrétion biliaire était importante. Les auteurs ont déterminé que la matière excrétée était surtout constituée de décaBDE non altéré (jusqu'à 40 %) et de 3 métabolites (non identifiés) (jusqu'à 49,8 %). Dans le cadre d'une dernière étude, l'excrétion biliaire de rats ayant reçu par intraveineuse 0,9 mg/kg de décaBDE marqué au carbone 14 était examinée pendant une période de 4 heures. Ils ont constaté que 7,17 % de la dose se retrouvait dans la bile après 4 heures. Ils ont également indiqué avoir observé un métabolite non identifié dans la bile.

Mörck et al. (2003) ont réalisé une étude des effets du décaBDE administré dans l'alimentation de rats dans le but d'examiner les voies de distribution possibles et les métabolites du décaBDE. Cette étude consistait à administrer une dose orale de décaBDE radiomarqué à des rats. Le décaBDE utilisé dans l'étude était synthétisé grâce à un processus en plusieurs étapes qui comprenait la bromation de phénol marqué au carbone 14, lequel était finalement transformé en décaBDE marqué au carbone 14 (degré de pureté > 98 %). Avant d'administrer la substance, le décaBDE radiomarqué était dilué dans une solution de décaBDE non marqué, lequel était synthétisé par le même processus (présentant aussi un degré de pureté > 98 %). Cette étude s'est appuyée sur la radioactivité de résidus non extractibles, de résidus liés aux lipides, de résidus hydrosolubles, de métabolites phénoliques et de métabolites ou composés d'origine neutres pour tirer des conclusions quant à l'absorption et à la transformation métabolique du décaBDE. Au total, 8 rats « conventionnels » et 2 rats dont le canal cholédoque avait été canulé ont reçu par gavage une dose orale de 3 mmol/kg de décaBDE radiomarqué d'une concentration de 15 Ci/mol administrée par l'entremise d'un véhicule de suspension (Lutrol/soya phospholipone) conçu pour maximiser la solubilité et l'absorption du décaBDE. Des échantillons de matière fécale des rats conventionnels et des rats canulés ont été recueillis toutes les 24 heures aux fins d'analyse, tandis que des échantillons de bile des rats canulés ont été recueillis et analysés 4 heures, 12 heures, 24 heures, 48 heures et 72 heures après l'administration de la dose. Des rats conventionnels ont été sacrifiés 3 jours (n = 4) et 7 jours (n = 3) après l'administration de la dose aux fins d'analyse des tissus.

On a observé la présence de décaBDE radioactif dans la matière fécale, la bile et les tissus des rats exposés sous la forme d'une combinaison de résidus non extractibles, de résidus liés aux lipides, de résidus hydrosolubles, de métabolites phénoliques et de composé d'origine ou de métabolites neutres, ce qui est une indication de la présence potentielle de décaBDE sous sa forme d'origine et de métabolites débromés, ainsi que de métabolites conjugués et de métabolites liés aux lipides ou à d'autres tissus. Chez les rats conventionnels, les métabolites phénoliques étaient passés d'environ 8 % à environ 14 % durant les 3 jours suivant l'administration de la dose, tandis que le composé d'origine et les métabolites neutres avaient chuté d'environ 29 % à environ 17 % durant cette même période. La bile était surtout constituée de résidus liés aux lipides (ayant chuté d'environ 60 % à environ 11 % durant les 3 jours suivant l'administration de la dose) et de résidus hydrosolubles (étant passé d'environ 9 % à environ 62 % durant la même période).

Dans le cadre de l'étude, on a constaté qu'environ 90 % de l'unique dose orale avait été excrétée dans les matières fécales. En additionnant la quantité de carbone 14 recueillie dans l'urine et la matière fécale, puis en soustrayant cette somme de 100 %, les auteurs ont été en mesure d'évaluer que 9 % demeurait dans l'organisme (c.-à-d. sous la forme de composé d'origine ou de métabolites). Les concentrations de radioactivité les plus élevées (en fonction du poids frais) ont été observées dans la glande surrénale, les reins, le cœur et le foie après 3 et 7 jours. Sur la base de la masse lipidique, le plasma et le foie présentaient les concentrations les plus élevées alors que celles-ci étaient faibles dans les autres tissus. La forte absorption du décaBDE (par rapport aux études précédentes) était probablement causée par l'utilisation du véhicule de suspension lutrol/soya phospholipone. Dix pour cent de la dose excrétée dans les matières fécales provenaient de la bile. En ce qui concerne la quantité totale de radioactivité excrétée dans les matières fécales, on a conclu qu'environ 65 % de la dose était éliminée sous forme de métabolites. Dans cette étude, les métabolites ont été caractérisés comme non extractibles, solubles dans l'eau, liés aux lipides, phénoliques, neutres ainsi que comme composés d'origine. Par conséquent, il y a des doutes concernant le fait que 65 % de la dose comprenait une proportion de composés d'origine ou de métabolites.

Afin de caractériser les métabolites de décaBDE, les auteurs ont manipulé et analysé encore davantage les fractions de composé d'origine et de métabolites phénoliques et neutres. Les substances ont pu être décelées par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons (INCE). En s'appuyant sur leurs résultats, les auteurs ont déduit, sans toutefois être sûrs, que des métabolites débromés, phénoliques et méthoxylés étaient présents. Le décaBDE non transformé affichait les concentrations les plus élevées dans la fraction composée d'origine/métabolites neutres des matières fécales et des tissus, mais trois métabolites nona-bromés étaient également présents en petites quantités (< 0,5 %). L'analyse de la fraction phénolique des matières fécales et des tissus a révélé la présence de substances hydroxylées et hydroxy-méthoxylées (c.-à-d. de type guaiacol) dans cinq des sept atomes de brome que les chercheurs ont déterminés comme étant des pentaBDE, des hexaBDE et des heptaBDE.

À partir de la caractérisation des métabolites, les auteurs ont avancé l'hypothèse que la transformation métabolique du décaBDE se déroulait potentiellement comme suit : elle supposait une débromation, suivie de l'hydroxylation du noyau benzénique exposé pour former le dérivé 1,2-catéchol, soit directement grâce à un oxyde arénique ou par monohydroxylation suivie d'une seconde oxydation du phénol ainsi obtenu. Le dérivé 1,2-catéchol obtenu était ensuite méthylé, possiblement par l'action de l'enzyme catéchol O-méthyltransférase, pour former les métabolites de guaiacol observés (hydroxy-méthoxylés). On suppose que la débromation initiale éliminerait au moins deux atomes de brome du noyau hydroxy-méthoxylé, mais il semble qu'elle éliminerait aussi des atomes de brome de l'autre noyau.

Les auteurs ont également avancé l'hypothèse que les enzymes du cytochrome P450 pourraient être la cause de la grande quantité de substances liées aux résidus observées dans l'intestin grêle. L'action du cytochrome P450 à la suite de la débromation va de pair avec la formation de phénols et de catéchols ainsi que d'intermédiaires réactifs qui se lient par covalence avec des macromolécules, ce qui expliquerait la grande quantité de résidus liés observés dans l'intestin grêle.

3.1.2 Nouvelles données sur la débromation in vivo

Poissons

Stapleton et al. (2006) ont exposé 45 alevins de truite arc-en-ciel à de la nourriture additionnée de décaBDE (laboratoires Cambridge Isotopes Laboratories, degré de pureté > 98 %) pendant une période de 5 mois. Les substances débromées représentaient environ 73 % de la charge totale de PBDE dans les carcasses. Les principales substances identifiées étaient le BDE208 (nonaBDE), le BDE202 et le BDE201 (octaBDE) ainsi qu'une petite quantité de BDE188 (heptaBDE). Les nonaBDE (principalement le BDE207 et le BDE208) représentaient 26 % de la charge dans le sérum, avec seulement de petites quantités d'octaBDE, et le décaBDE non transformé représentait le reste de la charge (environ 68 %). La charge dans le foie était surtout constituée de décaBDE avec seulement une petite partie de PBDE moins bromés (principalement des nonaBDE). Le BDE202 résultant de la débromation du décaBDE était prédominant et présent en quantités semblables dans les tissus de la truite arc-en-ciel (étudiés ici) et dans ceux de la carpe d'une étude antérieure. Ainsi, ce congénère a été considéré comme un marqueur potentiel pour la transformation étant donné qu'il n'a apparemment pas été mesuré dans des mélanges commerciaux de PentaBDE ou d'OctaBDE. Les chercheurs ont également constaté que les concentrations des congénères heptaBDE et octaBDE avaient augmenté au cours de l'exposition. En se basant sur la charge corporelle totale des heptaBDE, des octaBDE, des nonaBDE et des décaBDE, on a estimé l'absorption du décaBDE à 3,2 % de la dose totale. Compte tenu du fait qu'aucune mesure n'a été effectuée pour d'autres métabolites, les chercheurs suggèrent que la valeur estimée pour l'absorption pourrait être plus élevée.

Stapleton et al. (2006) ont également réalisé une étude in vitro avec des fractions de microsomes du foie de la truite arc-en-ciel en vue de confirmer la capacité métabolique des tissus de la truite arc-en-ciel et la formation de métabolites potentiels. Cette étude a été couplée à une autre étude in vitro impliquant des fractions de microsomes du foie de la carpe afin de confirmer la capacité métabolique de cette espèce démontrée par Stapleton et al. (2004). Au cours de cette étude, les microsomes du foie ont été préparés à partir d'échantillons recueillis chez trois poissons, puis incubés pendant 1 et 24 heures à 25 °C. L'analyse portait sur les congénères de PBDE; cependant, le taux de récupération était faible pour l'incubation de 1 heure (< 60 %) comparativement à l'incubation de 24 heures (>80 %). L'étude comportait aussi un aliment témoin consistant en une fraction microsomique bouillie. On a observé une transformation du décaBDE par les microsomes du foie de la truite arc-en-ciel et de la carpe même après une heure d'incubation. Les microsomes du foie de la carpe ont débromé le décaBDE en hexaBDE, en heptaBDE, en octaBDE et en nonaBDE, et on a également noté une très faible quantité de nonaBDE pendant l'incubation de 1 heure et de 24 heures (ce qui reflète l'expérience in vivo ). Après 24 heures, les microsomes avaient transformé 65 % de la masse du décaBDE (30 % de la substance étaient transformés en hexaBDE). Les microsomes du foie de la truite arc-en-ciel ont transformé jusqu'à 22 % du décaBDE en octaBDE et en nonaBDE pendant l'incubation de 24 heures. L'aliment témoin n'a montré aucune transformation du décaBDE.

Les auteurs ont conclu que leurs résultats corroboraient l'hypothèse selon laquelle les enzymes déiodinases agissaient comme catalyseurs de la débromation du décaBDE. Ils ont cependant également appelé à la prudence en disant qu'il n'était pas possible d'exclure l'activité concomitante ou substitut des enzymes P450. Les travaux de Stapleton montrent que la perte d'atomes de brome a lieu de préférence aux positions de substitution méta et para (renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès d'Environnement Canada, janvier 2008; source non citée).

Tomy et al. (2004) ont étudié l'absorption de douze congénères tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE ainsi que du décaBDE par des alevins de truite grise ayant consommé de la nourriture additionnée de ces substances. Trois congénères PBDE moins bromés (soit des pentaBDE et des hexaBDE non identifiés, et le BDE140) semblaient s'être bioformés dans les tissus des poissons exposés, et les auteurs ont avancé l'hypothèse selon laquelle la débromation du décaBDE constituait une explication puisque ces congénères n'avaient pas été spécialement administrés aux organismes. Cependant, il faut noter que chacun des congénères administrés pendant l'étude avait un degré de pureté supérieur à 96 %, et que, par conséquent, on ne sait pas avec certitude si ces congénères étaient présents dans les matières exposées sous forme d'impuretés. Ils ont suggéré que la structure semblable des bromodiphényléthers et de la thyroxine (T4) voulait peut-être dire que les enzymes déiodinases contribuaient à la débromation des PBDE fortement bromés en PBDE moins bromés. Les auteurs ont conclu que le degré de biotransformation du décaBDE tout particulièrement risquait probablement de varier considérablement d'une espèce à l'autre, entraînant ainsi une grande variabilité potentielle de la bioaccumulation entre les espèces.

La Guardia et al. (2007) ont examiné la débromation in vivo potentielle du décaBDE chez les organismes aquatiques vivant dans le milieu récepteur d'une station d'épuration des eaux usées de Roxboro, en Caroline du Nord, qui, selon les rejets déclarés par l'industrie en vertu de l'inventaire des rejets de substances toxiques (Toxics Release Inventory) de l'USEPA, recevait les eaux usées d'une importante installation de fabrication de matières plastiques. Le profil des congénères de PBDE a été suivi de près à partir de l'effluent de la station d'épuration jusqu'aux sédiments et au biote du milieu récepteur afin d'évaluer si une importante débromation s'était produite. Des échantillons de boues d'épuration, de sédiments et de biote (crapet-soleil, mulet à cornes et écrevisse) ont été recueillis en 2002. Puis, en 2005, des échantillons de boues d'épuration, de sédiments et de biote (seul le crapet-soleil) ont été recueillis. Les échantillons de biote aquatique ont été recueillis à l'aide de nasses à vairon installées 15 m en aval de l'émissaire de la station d'épuration. Tous les échantillons ont été prélevés et purifiés par chromatographie sur gel, puis analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons et en mode d'ionisation électronique aux fins de détection de PBDE.

Au total, 23 congénères de PBDE ont été décelés dans les échantillons de biote. Parmi ceux-ci, le décaBDE n'a été décelé que dans 2 002 échantillons de crapet-soleil (2 880 µg/kg de lipides) et d'écrevisse (21 600 µg/kg de lipides). Les concentrations beaucoup plus élevées observées chez l'écrevisse sont attribuées à l'association de cette espèce avec les sédiments et les auteurs ont avancé l'hypothèse que l'écrevisse servait peut-être de lien entre les sédiments et les organismes pélagiques. Les auteurs ont également émis l'hypothèse que les concentrations de décaBDE non décelées chez le mulet à cornes étaient peut-être le résultat d'une capacité accrue de l'espèce à métaboliser cette substance. Le mulet à cornes est étroitement lié à la carpe qui possède une capacité accrue de débromation du décaBDE selon des études antérieures (Stapleton et al., 2004). Deux congénères octaBDE et trois congénères heptaBDE qui n'avaient pas été décelés dans les boues d'épuration et les sédiments ont été observés dans les tissus du mulet à corne, ce qui suggère la bioformation de ces substances homologues. D'après ces résultats, les auteurs ont conclu que le décaBDE était biodisponible dans le milieu naturel et pouvait subir une débromation métabolique sur le terrain, entraînant une bioformation de PBDE moins bromés.

Lebeuf et al. (2006) ont examiné les effets du décaBDE et du PCB126 sur les concentrations de PBDE et de PBDE méthoxylés dans le foie du poulamon. Le décaBDE utilisé dans le cadre de leur expérience (DE-83R, Great Lakes Chemical Corp.) était composé de plus de 96 % de BDE209, alors que les BDE153, -183 et -203 ont été décelés dans une proportion variant entre 0,00024 et 0,034 % sur la base de la masse. Une caractérisation plus poussée a révélé que jusqu'à 7 PBDE non précisés avaient été décelés qualitativement (soit 4 heptaBDE et 3 octaBDE) en plus des 3 nonaBDE. Les poissons ayant servi durant l'étude ont été capturés dans l'estuaire du Saint-Laurent en 2001 et acclimatés aux conditions de laboratoire pendant environ 6 mois. Les poissons étaient nourris de capelan 2 fois par semaine jusqu'au début d'avril, puis d'éperlan jusqu'à la fin de l'étude. Après la période d'acclimatation, 200 poissons ont été aléatoirement divisés en groupes de 25 poissons et placés dans 8 réservoirs de fibre de verre de 500 l. Au jour 0, les poissons de la moitié des réservoirs ont été anesthésiés dans l'eau. La moitié de ces poissons (c.-à-d. des poissons de 4 réservoirs) ont reçu une injection intrapéritonéale de PCB126 et l'autre moitié, d'huile de maïs. L'injection de PCB126 avait comme objectif d'évaluer les effets de l'induction du cytochrome P4501A (CYP1A) sur la biotransformation des PBDE injectés, contenus dans le mélange commercial DécaBDE administré aux poissons. Après 21 jours, les poissons de 2 des 4 réservoirs de poissons ayant reçu une injection de PCB126 et les poissons de 2 des 4 réservoirs n'ayant reçu qu'une injection d'huile de maïs ont reçu une injection de décaBDE (une dose de 400 ng/g de poisson; les poissons des autres réservoirs n'ont reçu qu'une dose d'huile de maïs).

Les poissons ont été échantillonnés et analysés aux fins de détection du décaBDE et de dérivés potentiels 7 semaines après l'administration du mélange commercial DécaBDE. Du BDE209, du BDE208, du BDE207, du BDE206, du BDE203 et trois octaBDE non identifiés ont été retrouvés dans le foie des poissons. Tous ces congénères étaient essentiellement absents chez les poissons des groupes témoins. Ces congénères ont également été mesurés dans le mélange commercial administré lors de l'expérience et leur présence ne peut donc pas être attribuée exclusivement à la biotransformation. De plus, la présence de ces substances pourrait s'expliquer par la dégradation thermique du mélange commercial DécaBDE durant l'analyse ou par une transformation dans le réservoir à la suite de l'expulsion du décaBDE dans la matière fécale. Malgré une augmentation de l'activité de l'enzyme EROD dans le foie des poulamons ayant reçu une injection de PCB126 et de décaBDE par rapport aux poulamons n'ayant reçu qu'une injection de décaBDE, aucune autre augmentation des concentrations hépatiques de PBDE n'a été observée. Cependant, des concentrations décroissantes de BDE17 et de 6-méthoxy-BDE47 (deux substances mesurées dans les groupes témoins) ont été observées chez les poissons ayant reçu une injection de décaBDE, mais pas chez les poissons des groupes témoins, ce que les chercheurs ont attribué à l'activité d'enzymes métaboliques hépatiques autres que le CYP1A. La diminution des concentrations de BDE17 était encore plus importante chez les poissons ayant reçu une injection de PCB126 par rapport aux poissons n'ayant reçu que du décaBDE. Les concentrations de BDE203 étaient également significativement plus faibles chez ces poissons. Bien que les poissons de l'étude n'aient affiché qu'une capacité de métabolisation du décaBDE restreinte, l'étude démontre l'importance du choix de la méthodologie pour évaluer les sources potentielles des substances décelées chez les organismes après l'administration d'un mélange commercial DécaBDE.

Les résultats de Lebeuf et al. (2006), qui indiquent que le CYP1A semble jouer un rôle limité dans la transformation des PBDE, concordent avec ceux de Valters et al. (2005) qui, basés sur des preuves limitées, démontrent un métabolisme du cytochrome P450 dans le plasma de la carpe commune, étant donné que les PBDE hydroxylés représentent seulement 0,8 % de la fraction des PBDE totaux. Benedict et al. (2007) ont également conclu (au moins dans leur étude impliquant du BDE99) qu'il est improbable que les cytochromes soient responsables de la débromation du BDE99. Après évaluation de la débromation du BDE99 dans les microflores et microsomes de la carpe, ils ont établi qu'un processus endogène se produisant de façon presque similaire dans les microsomes des intestins et du foie serait responsable de la débromation du BDE99 et du BDE47. Ils ont aussi suggéré que ce processus peut être inhibé par la présence de thyronine inversée. Enfin, ils n'ont pas pu définir clairement le mécanisme métabolique, mais ont noté que leurs travaux suggèrent que la débromation peut impliquer des déiodinases thyroïdiennes.

Nyholm et al. (2009) ont utilisé des dards-perches (Danio rerio) comme organisme modèle vertébré pour étudier la formation et l'élimination des métabolites, de même que l'absorption de 11 ignifugeants bromés de structure différente, notamment le BDE28, le BDE183 et le BDE209 (degré de pureté non indiqué). Des solutions contenant un mélange des ignifugeants bromés ont été fabriquées à partir de solutions de réserve dans l'isooctane ou le tétrahydrofurane, puis évaporées presque à sec. Les résidus ont été absorbés dans de l'éthanol. Les mélanges finaux ont été ajoutés à des chironomidés, ce qui a donné des concentrations nominales de 1 et 100 nmol/g de poids sec pour chaque espèce moléculaire. Un aliment témoin a été fabriqué avec de l'éthanol uniquement. On a nourri les dards-perches avec des chironomidés témoins ou traités aux ignifuges bromés pendant une période d'exposition de 42 jours, puis avec des aliments non traités pendant une période d'élimination de 14 jours. Les échantillons ont ensuite été extraits et analysés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse.

Les dards-perches exposés à des doses élevées dans des aliments (100 nmol/g) pendant 42 jours présentaient des concentrations de BDE209 détectables après une période d'élimination de 2 semaines, mais ces concentrations étaient dix fois moins élevées que celles du BDE28 (dont les concentrations étaient considérées comme étant les plus fortes parmi les ignifugeants bromés analysés). L'efficacité d'absorption était la plus faible pour le BDE209 (< 1 %) comparativement aux autres ignifugeants bromés étudiés, et la demi-vie d’élimination était estimée à 6,5 jours. Aucun lien n'a été établi entre les valeurs du log Koe des ignifugeants bromés et les concentrations déterminées chez les poissons. L'étude a permis de déceler plusieurs composés dans les tissus des poissons, qui pourraient être des métabolites des IB administrés. On a notamment identifié, de manière provisoire, plusieurs hexaBDE par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, et il se peut que ces composés soient des produits de débromation du BDE183 ou du BDE209. Cependant, on ne peut écarter la possibilité que ces composés soient des impuretés dans la substance administrée aux organismes. La débromation potentielle du BDE209 n'a pas fait l'objet d'autres analyses dans le cadre de cette étude.

Organismes terrestres

Sandholm et al. (2003) ont réalisé une étude de la biodisponibilité, de l'absorption et de la transformation métabolique du décaBDE chez des rats Sprague-Dawley. Au total, 36 rats mâles pesant entre 200 et 220 g ont chacun reçu une dose unitaire de décaBDE à raison de 2 µmol/kg et la biodisponibilité, l'élimination et la formation de métabolites dans le plasma ont été suivies de près pendant une période de 6 jours. Un sous-ensemble de 18 rats a reçu une dose orale par gavage tandis qu'un second sous-ensemble de 18 rats a reçu une dose par intraveineuse. Le plasma sanguin était surveillé à intervalles réguliers (à 1, 3, 6, 24, 48, 72, 96, 120 et 144 heures) durant la période de surveillance de 6 jours. De plus, des échantillons de plasma prélevés dans le cadre d'une étude distincte de 7 jours pendant laquelle une dose unitaire de décaBDE radiomarqué était injectée (Mörck et al., 2003) ont été analysés afin de déterminer la radioactivité totale associée aux fractions neutres et phénoliques du plasma de rats exposés au décaBDE.

La biodisponibilité orale a été estimée à environ 26 %, bien que la méthode d'échantillonnage ait peut-être déterminé une biodisponibilité artificiellement élevée. La biodisponibilité orale a été définie comme la fraction du composé d'origine administré qui atteint la circulation systémique. Les auteurs ont indiqué que cette concentration était beaucoup plus élevée que celles publiées dans le cadre d'études précédentes sur le décaBDE (p. ex. Norris et al., 1975, NTP, 1986, El Dareer et al., 1987). Selon l'analyse des échantillons de plasma recueillis lors de l'étude du décaBDE radiomarqué de 7 jours, la radioactivité observée dans le plasma aux jours 3 et 7 était 4 fois celle de la fraction neutre, ce qui suggère une transformation métabolique oxydante importante du décaBDE neutre et des métabolites débromés, et une plus grande exposition aux métabolites phénoliques qu'aux métabolites ou composés d'origine neutres. La présence de métabolites phénoliques par rapport aux composés neutres suggérait que l'adsorption du BDE209 aurait été supérieure à 26 %. L'élimination du décaBDE du plasma se faisait en plusieurs étapes et les demi-vies les plus longues étaient de 51 heures (exposition orale) et de 58 heures (exposition par intraveineuse).

On a déterminé que les composés neutres constituant le plasma étaient le décaBDE (> 99,5 %) ainsi que 3 nonaBDE (< 0,5 %). En plus des composés neutres, 13 métabolites phénoliques ont été décelés dans le plasma, les principaux étant un octaBDE hydroxylé, un nonaBDE hydroxylé et un hexaBDE hydroxy-méthoxylé de type guaiacol. En s'appuyant sur la composition observée de composé d'origine et de métabolites, la séquence de transformation métabolique générale suivante a été proposée :

  1. la débromation réductive du décaBDE;
  2. l'oxydation ultérieure en métabolites phénoliques;
  3. la formation de métabolites de type guaiacol grâce à un oxyde arénique et un dihydrodiol, ou par suite de deux étapes d'oxydation séquentielle suivies d'une méthylation.

Les auteurs ont également décrit comment l'octaBDE hydroxylé et le nonaBDE hydroxylé pouvaient avoir une affinité pour la transthyrétine (TTR) qui agit d'habitude comme protéine de transport de la thyroxine dans le plasma. La liaison avec la transthyrétine pourrait expliquer la grande quantité de métabolites phénoliques observée dans le plasma et peut-être faire en sorte que les métabolites aient tendance à persister dans le plasma sous la forme de résidus liés. La liaison entre les métabolites phénoliques et la transthyrétine pourrait perturber le transport de la thyroxine dans le sang et, par conséquent, avoir des effets hormonaux néfastes. Les auteurs ont indiqué que cette activité était semblable à l'activité des métabolites des BPC déclarée.

Hakk et Letcher (2003) ont résumé les résultats obtenus par Orn et Klasson-Wehler (1998), Hakk et al. (2002) et Mörck et Klasson-Wehler (2001) concernant la formation de métabolites fécaux et biliaires chez des rats exposés au décaBDE. Ils ont conclu que le décaBDE avait subi une débromation oxydante et s'était transformé en guaiacols (bromodiphényléthers hydroxy-méthoxylés), en bromodiphényltéthers hydroxylés et en nonaBDE. Hakk et Letcher (2003) ont de plus tiré les conclusions suivantes :

  • La débromation suivie de la formation d'un oxyde arénique, puis d'une hydroxylation ou d'une méthoxylation ultérieure représente une voie métabolique probable entre le décaBDE et les bromodiphényltéthers hydroxylés ou hydroxy-méthoxylés;
  • Les mélanges commerciaux de PBDE sont des inducteurs du métabolisme de phase I et de phase II, ce qui donne à penser que ces voies métaboliques sont également importantes pour les PBDE;
  • Les bromodiphényléthers hydroxylés risquent probablement de faire concurrence à la thyroxine aux fins de liaison avec la transthyrétine;
  • Les métabolites du guaiacol pourraient s'oxyder davantage, se transformer en quinones, qui sont très réactives, puis se lier aux macromolécules cellulaires. Par conséquent, les résidus liés pourraient représenter une importante proportion de la charge corporelle en métabolites.

Huwe et Smith (2007a, 2007b) ont étudié l'accumulation de décaBDE présent dans l'alimentation de rats, sa débromation et son élimination. La charge dans les tissus corporels et les matières fécales d'un congénère nonaBDE (BDE207) et de deux congénères octaBDE (BDE201 et BDE197) était supérieure à ce qui pouvait s'expliquer par la dose totale de chaque congénère associée aux concentrations de fond de l'alimentation des rats. Les auteurs ont donc conclu que les charges élevées résultaient de la débromation réductive du décaBDE. La formation de BDE197 et de BDE207 résulte de la débromation du BDE209, soit la perte d'un atome de brome en position méta, tandis que la perte d'un atome de brome en position para et méta est à l'origine de la formation du BDE201. Les auteurs ont proposé que l'action des enzymes déiodinases peut être impliquée dans la débromation du décaBDE en position méta. Ces enzymes déiodinases participent normalement à la déhalogénation en position méta de l'hormone thyroïdienne, la thyroxine, et sont présents dans de nombreux tissus de l'organisme.

Toutefois, la charge totale de BDE207, de BDE201 et de BDE197 ne représentait que 1 % de la dose totale de décaBDE, ce qui suggère que la débromation n'était pas la voie métabolique principale ou que les substances débromées subissaient rapidement une métabolisation supplémentaire. Dans l'ensemble, 45 % du décaBDE administré ne pouvait s'expliquer par les concentrations observées dans les tissus et les matières fécales des rats; les auteurs ont avancé l'hypothèse que la formation de métabolites liés ou hydroxylés, qui ne faisaient pas partie de leur analyse, expliquait probablement le bilan massique incomplet du décaBDE.

Kierkegaard et al. (2007) ont publié les résultats d'une étude de 3 mois sur les effets de PBDE administrés dans l'alimentation de 2 vaches laitières. Le profil des congénères présents dans les tissus adipeux et les organes était différent du profil dans les produits d'ensilage et les congénères BDE207, -197, -196 et -182 représentaient une proportion beaucoup plus élevée de la charge totale dans les tissus que dans les produits d'ensilage. Le traçage de la dégradation potentielle du décaBDE durant l'extraction et le nettoyage à l'aide de composés radiomarqueurs a permis d'exclure la débromation photolytique comme origine de la présence de ces heptaBDE, octaBDE et nonaBDE durant l'extraction et le nettoyage. Les auteurs n'ont également pas tenu compte du fait qu'une plus importante absorption des congénères présents dans l'alimentation pouvait avoir eu lieu pour expliquer les différences observées entre les concentrations dans l'alimentation et dans les tissus car l'absorption accrue de congénères semblables (c.-à-d. BDE183 par rapport à BDE182) ne semblait pas évidente. Par conséquent, on a conclu que les augmentations observées de BDE207, -197, -196 et -182 étaient probablement dues à une débromation réductive du décaBDE. Les auteurs ont proposé les 2 voies de transformation potentielles suivantes pour le décaBDE :

  1. Une débromation en position ortho pour former du BDE206, suivie d'une débromation en position méta pour former du BDE196, puis d'une débromation en position méta pour former du BDE182;
  2. Une débromation en position méta pour former du BDE207, suivie d'une débromation en position méta pour former du BDE197.

Dans une étude de Riu et al. (2008), on a administré par voie orale à des rats, du décaBDE radiomarqué [C14], pur à 99,8 %, dispersé dans de l'huile d'arachide durant les jours de gestation 16 à 19. L'urine et les matières fécales ont été collectées au cours de ces quatre jours. Les animaux ont été sacrifiés le vingtième jour de gestation (24 heures après la dernière dose de décaBDE radiomarqué C 14); les degrés de radioactivité, les concentrations de décaBDE correspondantes et les profils métaboliques ont été déterminés dans divers organes et tissus. On a mis au point des méthodes d'extraction et d'analyse pour effectuer une séparation radiochromatographique des métabolites du décaBDE formés in vivo.

Plus de 19 % de la dose administrée au jour 4 a été récupérée dans les corps (tissus et carcasses) des rats, ce qui démontre une absorption relativement élevée du décaBDE ainsi qu'une distribution efficace dans les tissus. La dose administrée a principalement été excrétée par voie fécale (à 66,3 %), alors que l'excrétion urinaire était très faible (représentant à peu près 0,11 % de la dose totale). On a retrouvé environ 97 % du décaBDE radiomarqué à l'état intact dans les extraits fécaux. La caractérisation des métabolites dans les matières fécales et les tissus, menée par résonance magnétique nucléaire (RMN) ainsi que par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse, a permis de dépister tous les trois nonaBDE, un octaBDE non identifié et un dérivé octaBDE hydroxylé. L'ensemble des métabolites (excréments, tissus et carcasses) représentait environ 7 % de la quantité totale de radioactivité administrée aux rats. En outre, une quantité très limitée de métabolites supplémentaires a aussi été détectée (alors qu'elle était trop infime pour être identifiée structurellement); cependant, on n'a pu exclure la possibilité selon laquelle ce composé correspondait à un heptaBDE hydroxylé. D'autres métabolites polaires non identifiés ont été décelés dans l'urine avec des composés similaires aux composés trouvés dans les intestins, mais différents de ceux qui étaient présents dans les matières fécales.

Riu et al. (2008) ont déterminé que les taux de résidus de décaBDE étaient les plus élevés dans les glandes surrénales, les ovaires, le foie et les reins; la quantité de ces résidus était bien plus importante dans ces tissus que dans le plasma. Le foie a été déterminé comme étant le tissu cible du décaBDE (11 mg/kg, correspondant à 6,5 % de la dose administrée). Cependant, on a relevé les concentrations résiduelles les plus élevées dans les glandes endocriniennes, les glandes surrénales (33 mg/kg) et les ovaires (16 mg/kg). On a signalé que les décaBDE et les métabolites traversaient la barrière placentaire chez les rats après l'administration orale (environ 0,5 % de la dose totale a été trouvée dans les foetus).

Van den Steen et al.(2007) ont étudié l'accumulation du BDE209 dans les tissus et la débromation de cette substance chez l'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) en utilisant des implants en silastique pour administrer la substance. Les implants étaient insérés sous la peau par une petite incision le long des côtes. Ils contenaient du BDE209 dissous dans de l'isooctane et mélangé à de l'huile d'arachide (degré de pureté non indiqué, renseignements recueillis auprès des Wellington Laboratories, Guelph, Canada). On procédait à l'évaporation de l'isooctane en chauffant le mélange d'huile jusqu'à ce qu'il ait atteint un poids constant. Après la préparation, aucune concentration d'autres congénères de PBDE n'était décelable dans la solution d'huile. Au total, 7 étourneaux adultes mâles ont été nécessaires pour l'étude, soit 4 qui avaient reçu une dose implantée de 46,8 ± 2,2 µg de BDE209 et 3 (le groupe témoin) qui avaient reçu un implant ne contenant que de l'huile d'arachide. Durant la période d'exposition de 76 jours, des échantillons de sang ont été prélevés tous les 3 à 7 jours. Les oiseaux ont ensuite été euthanasiés, et le muscle pectoral et le foie ont été excisés. Des échantillons à blanc constitués d'eau plutôt que de sang ont été inclus dans chaque lot d'échantillons et leur concentration de PBDE a été soustraite des valeurs déterminées pour les échantillons biotiques.

Avant l'insertion des implants, les concentrations de BDE209 dans le sang étaient inférieures au seuil de quantification (c.-à-d. 0,8 et 0,5 µg/l pour le BDE209 et d'autres bromodiphényléthers, respectivement). Les concentrations accumulées de BDE209 ont atteint une valeur maximale dans le sang des étourneaux exposés au jour 10 (16 ± 4,1 µg/l). Après ce sommet, les concentrations dans le sang ont diminué pour se fixer à 3,3 ± 0,4 µg/l à la fin de la période d'exposition de 76 jours, ce qui semble être une indication de l'élimination de la substance. Chez le groupe témoin, les concentrations dans les tissus étaient inférieures à la limite de quantification (5,6 et 2,9 µg/kg de lipides dans les tissus musculaires et dans le foie, respectivement). Chez le groupe exposé, les concentrations étaient deux fois plus importantes dans les tissus musculaires que dans le foie (c.-à-d. 461 et 340 µg/kg de lipides dans les tissus musculaires par rapport à 269 et 337 µg/kg de lipides dans le foie). L'étude de Van den Steen et al. (2007) a permis de constater que différents PBDE étaient présents dans les tissus musculaires et dans le foie des spécimens du groupe témoin et du groupe exposé, et que les différences étaient les plus prononcées dans le cas de nonaBDE (BDE206, -207 et -208) et d'octaBDE (BDE196 et -197). Les concentrations des octaBDE BDE203 et BDE205 étaient semblables chez les 2 groupes. Les auteurs ont conclu que l'étude fournissait une preuve de la transformation du BDE209 en PBDE moins bromés chez les oiseaux chanteurs. Ces résultats sont difficiles à interpréter étant donné que la composition des matières d'essai n'a pas été indiquée; par conséquent, l'accumulation des nonaBDE et des octaBDE à partir des matières d'essai est une théorie qui ne peut être exclue.

Chen et al. (2008) ont mesuré les concentrations de BDE209 dans 114 œufs de faucon pèlerin (Falco peregrinus) dans le cadre d'une étude menée au nord des États-Unis. Ces œufs ont été collectés de 1996 à 2006 (sauf en 1997 et 1998), les concentrations décelées y variant entre 1,4 et 420 ng/g de poids humide. Les auteurs ont également noté que huit congénères de nonaBDE et d'octaBDE étaient souvent détectés en plus du BDE209; ces congénères ayant déjà été signalés chez des espèces sauvages. L'ensemble de ces congénères constituait 16 % à 57 % des concentrations totales de PBDE déterminées dans les œufs issus d'un milieu urbain, et 4,9 % à 53 % de celles-ci dans les œufs issus d'un milieu rural. Les chercheurs ont remarqué que la concentration de BDE201 n'était pas proportionnelle à la présence de ce congénère dans le mélange commercial d'OctaBDE, ce qui suggérait qu'il était formé in vivo à partir de PBDE fortement bromés. Ils ont, par ailleurs, détecté du BDE202 dans 107 des 114 œufs. Enfin, puisque le BDE202 n'est pas connu comme étant un composé des mélanges commerciaux d'OctaBDE ou de DécaBDE, ces chercheurs ont avancé l'hypothèse selon laquelle la présence de ce congénère pourrait être attribuée à la transformation métabolique de PBDE fortement bromés.

3.1.3 Modèles conceptuels de métabolisme in vivo

Cette section résume les voies métaboliques en se basant sur celles qui ont été proposées dans les études passées en revue. L'analyse tient compte du fait que certaines études contiennent des incertitudes (p. ex. des impuretés potentielles dans la substance d'essai administrée aux organismes ou le manque de spécificité chimique dans les analyses de métabolites). Selon la documentation révisée, la quantité de décaBDE qui aurait apparemment été transformée en PBDE moins bromés comme des nonaBDE, des octaBDE et des heptaBDE in vivo semble être globalement faible, notamment de l'ordre d'un faible pourcentage par rapport au décaBDE total administré. Cependant, certaines études ont conclu que des taux métaboliques élevés (pouvant aller de 45 % à 65 % de la dose totale de décaBDE) pourraient être dus à des produits de transformation métabolique comprenant des bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, ou à la formation de résidus liés.

Poissons

D'après les études actuellement disponibles et les renseignements examinés dans ce rapport par Stapleton et al. (2004, 2006), les renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès d'Environnement Canada en janvier et juillet 2009 (source non citée) ainsi que les études de Kierkegaard et al. (1999) et de Tomy et al.(2004) concernant les incertitudes, les voies de transformation métabolique du décaBDE sont les suivantes :

  1. Chez les poissons, la première étape du métabolisme du décaBDE (c.-à-d. BDE209) est sa débromation qui produit tout au moins des formes débromées d'heptaBDE, d'octaBDE et de nonaBDE, mais aussi potentiellement des pentaBDE et des hexaBDE.
  2. Les déiodinases thyroïdiennes, qui, en règle générale, éliminent l'iode de la thyroxine, semblent être impliquées dans cette voie de débromation.
  3. Selon les observations, la débromation provoquerait la perte préférentielle d'un atome de brome en position méta et para.
Mammifères

D'après les notes de discussion et les conclusions de Sandholm et al. (2003), Mörck et al. (2003), Hakk et Letcher (2003), Huwe et Smith (2007a, 2007b), et Kierkegaard et al. (2007), les voies de transformation sont les suivantes :

La débromation réductive du décaBDE en nonaBDE, octaBDE et heptaBDE est probablement la première étape du métabolisme du décaBDE;

  • Comme c'est le cas chez les poissons, la débromation résulte peut-être de l'action des enzymes déiodinases;
  • Les métabolites débromés neutres semblent ensuite subir une hydroxylation et former des phénols ou des catéchols par l'entremise d'un oxyde arénique. Les enzymes du cytochrome P450 participeraient peut-être à la réaction.
  • Les bromodiphényléthers hydroxylés potentiellement formés peuvent faire concurrence à la thyroxine aux fins de liaison avec la transthyrétine, une protéine de transport de la thyroxine présente dans le sérum sanguin.
  • Les catéchols pourraient ensuite être méthylés par l'action de l'enzyme catéchol O-méthyltransférase, et former les guaiacols observés.
  • Les métabolites du guaiacol pourraient s'oxyder davantage, se transformer en quinones, qui sont très réactives, puis se lier aux macromolécules cellulaires.
  • Les intermédiaires réactifs seraient également soumis à une réaction de conjugaison rapide par l'entremise de processus métaboliques de phase II, ce qui entraînerait la formation de métabolites hydrosolubles qui seraient excrétés dans la bile et les matières fécales, tel qu'il a été observé dans l'expérience avec les rats conventionnels et canulés.

3.1.4 Implications pour l'évaluation de la bioaccumulation

Les données actuelles sur la débromation et le métabolisme du décaBDE suggèrent des voies métaboliques qui entraînent la formation de :

  1. PBDE moins bromés (jusqu'aux congénères heptaBDE chez les mammifères et, potentiellement, jusqu'aux congénères pentaBDE chez les poissons);
  2. bromodiphényléthers hydroxylés, éventuellement (indiqué pour les mammifères uniquement);
  3. bromodiphényléthers hydroxy-méthoxylés, éventuellement (indiqué pour les mammifères uniquement);
  4. produits inconnus (formation potentielle chez les mammifères et les poissons).

Afin d'évaluer si ces métabolites avaient le potentiel de se bioaccumuler ou de se bioamplifier dans les réseaux trophiques, des prédictions ont été faites à l'aide du modèle BAF-QSAR et du modèle de bioamplification terrestre de Gobas et al. (2003). On reconnaît, dans certains cas, que les facteurs de bioaccumulation ou de bioamplification de quelques PBDE moins bromés pourraient avoir été calculés sur le terrain ou en laboratoire. Néanmoins, les données de terrain ou de laboratoire sur la bioaccumulation des métabolites de bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy­méthoxylés bioformés sont en général insuffisantes et l'application des modèles à tous les types de métabolites était considérée comme une façon cohérente d'accroître nos connaissances en matière de bioaccumulation et de bioamplification de ces métabolites. Le document de travail à l'appui de l'évaluation préalable des PBDE (Environnement Canada, 2006b) fournit un sommaire des facteurs de bioconcentration et de bioaccumulation des mélanges commerciaux de PentaBDE et d'OctaBDE mesurés en milieu aquatique. Ces études ont démontré que les facteurs de bioconcentration et de bioaccumulation des tétraBDE, des pentaBDE et des hexaBDE étaient supérieurs à 5 000 (ces résultats sont compatibles avec les résultats obtenus dans le cadre de l'exercice de modélisation du présent examen).

Afin de prédire le facteur de bioaccumulation à l'aide du modèle BAF-QSAR, le logarithme Koe de chaque métabolite était, dans la mesure du possible, établi en fonction de mesures connues. En l'absence de mesures connues, le logarithme Koe était estimé à l'aide de la méthode d'ajustement de la valeur expérimentale dans le modèle KOWWIN. La méthode utilise un log Koe de référence obtenu pour une substance structurellement semblable (notamment le décaBDE dans ce cas-ci) et corrige les prédictions pour les métabolites selon leurs différences structurelles avec le décaBDE. Pour chaque métabolite, deux scénarios de prédictions ont été réalisés : le premier n'incluait aucune correction pour tenir compte de la transformation métabolique et le second comportait des corrections adaptées au métabolisme qui s'appuyaient sur les observations en laboratoire de Stapleton et al. (2004) et de Tomy et al. (2004). Quand il n'était pas possible d'estimer la constante du taux métabolique kM de PBDE moins bromés à partir de données de laboratoire, des approximations raisonnables qui tenaient compte des taux de métabolisme de congénères semblables étaient faites. Pour les bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy­méthoxylés, aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM; par conséquent, une valeur de 0,026/jour (c.-à-d. équivalente à la valeur estimée pour le décaBDE), normalisée en fonction du poids corporel des poissons de niveau trophique intermédiaire du modèle, à 15 oC (~ 0,02/jour), a été choisie à titre explicatif. Bien que l'on s'attende à ce que ces métabolites soient davantage métabolisés, on ne connaît pas les taux métaboliques réels. La valeur choisie et les facteurs de bioaccumulation qui en découlent constituent des prédictions hypothétiques raisonnables. L'annexe D donne plus de détails sur les estimations du logarithme Koe et de la constante kM.

La figure 3-1 présente des histogrammes de fréquence des prédictions groupées relatives aux facteurs de bioaccumulation pour tous les métabolites potentiels, au niveau trophique intermédiaire. En l'absence d'une activité métabolique, on prévoit que les facteurs de bioaccumulation de tous les métabolites seront supérieurs à 5 000. Cependant, lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioaccumulation prévus varient entre 295 et environ 6 000 000. Selon la courbe de distribution normale de l'histogramme des facteurs de bioaccumulation corrigé pour tenir compte du métabolisme, on prévoit qu'environ 74 % des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites seront supérieurs à 5 000. Les groupes métabolites illustrés dont le facteur de bioaccumulation dépasse 5 000 sont notamment les pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE hydroxy-méthoxylés, les hexaBDE hydroxylés, et les pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE et octaBDE. Selon les prévisions, les autres groupes métabolites (26 %), qui sont composés d'octaBDE et de nonaBDE hydroxylés, et de nonaBDE, ont un facteur de bioaccumulation inférieur à 5 000. L'importante proportion de facteurs de bioaccumulation élevés, même lorsque la transformation métabolique est prise en considération, suggère que de nombreux métabolites du décaBDE sont potentiellement bioaccumulables.

En ce qui concerne les métabolites hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, le taux métabolique réel n'est pas connu et, par conséquent, les prédictions des facteurs de bioaccumulation sont incertaines. Si la transformation secondaire de ces métabolites était beaucoup plus rapide qu'environ 0,02/jour, les facteurs de bioaccumulation pourraient donc être beaucoup plus faibles. Chez certaines espèces, il est également possible que les enzymes à l'origine du métabolisme de phase II soient moins développées ou présentes en nombre insuffisant, ce qui favorise la persistance de ces métabolites dans les tissus et entraîne des facteurs de bioaccumulation beaucoup plus élevés, qui s'approchent de ceux dont les valeurs ne sont pas corrigées.

En ce qui concerne les métabolites des PBDE moins bromés, on considère que les prédictions des facteurs de bioaccumulation corrigés en fonction du métabolisme ont un degré de certitude plus élevé que les prédictions des formes substituées car les valeurs de la constante du taux métabolique kM choisies pour le modèle s'appuyaient sur des observations en laboratoire dans la plupart des cas (la seule exception est les nonaBDE, pour lesquels le taux métabolique qui avait été déterminé pour le décaBDE a été utilisé). Il faut mentionner que les demi-vies choisies pour alimenter le modèle étaient souvent relativement courtes (le métabolisme est relativement rapide) comparativement aux demi­vies maximales observées dans les études en laboratoire (se reporter à l'annexe D). Les valeurs des facteurs de bioaccumulation prédits sont par conséquent moins conservatrices (c.-à-d. inférieures) que si les demi-vies plus longues observées avaient été choisies. Malgré l'utilisation de demi-vies moins conservatrices, les facteurs de bioaccumulation prédits pour le pentaBDE, l'hexaBDE, l'heptaBDE et l'octaBDE étaient supérieurs à 5 000.

On reconnaît que les métabolites du décaBDE se forment dans les tissus et que l'accumulation dans les tissus après une exposition en phase aqueuse (quantifiée par le facteur de bioaccumulation) n'est peut-être pas très pertinente en ce qui concerne le décaBDE. Ces prédictions des facteurs de bioaccumulation aident néanmoins à donner une idée du potentiel de bioaccumulation des produits chimiques métabolites. Les résultats du modèle soulèvent des préoccupations selon lesquelles de nombreux métabolites qui se forment dans les tissus des poissons à la suite de l'accumulation et du métabolisme du décaBDE sont potentiellement bioaccumulables et peuvent avoir tendance à se bioamplifier dans les réseaux trophiques, augmentant ainsi possiblement l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur et les risques qu'ils courent.

Figure  3-1 : Distributions des fréquences combinées des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites du décaBDE (prédictions pour le niveau trophique intermédiaire)

(a) Aucune correction pour tenir compte du métabolisme

 Aucune correction pour tenir compte du métabolisme

(b) Valeurs corrigées pour tenir compte du métabolisme

Valeurs corrigées pour tenir compte du métabolisme

Les facteurs de bioamplification prédits pour les métabolites du décaBDE chez les loups ont été obtenus au moyen d'une version de calcul électronique du modèle de Gobas et al. (2003). Les valeurs de logarithme Koe ont été choisies en fonction des justifications décrites à l'annexe D, où le logarithme Koa de chaque métabolite est estimé à l'aide du modèle de prévision du coefficient de partage octanol-air KOAWIN et de l'entrée de valeurs corrigées du logarithme Koe. Deux scénarios de prédictions ont été réalisés : le premier ne tenait pas compte de la transformation métabolique, tandis que le second tenait compte du métabolisme et s'appuyait sur les observations en laboratoire de Huwe et Smith (2007a, 2007b). Quand il n'était pas possible d'estimer la constante du taux métabolique kM des PBDE moins bromés à partir de données de laboratoire, des approximations raisonnables qui tenaient compte du taux métabolique de congénères semblables étaient faites. En ce qui a trait aux bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM et, par conséquent, une valeur de 0,004/jour a été choisie à titre explicatif. Cette valeur correspond à la demi-vie la plus longue observée pour le décaBDE, les nonaBDE et les octaBDE et calculée par Huwe et Smith (2007a, 2007b), normalisée au poids corporel du loup dans le modèle de Gobas. Bien que l'on s'attende à ce que les métabolites de bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés soient davantage métabolisés, les taux métaboliques réels ne sont pas connus.

Le calcul des facteurs de bioamplifiation des bromodiphényléthers a été corrigé pour tenir compte de l'efficacité d'assimilation alimentaire selon la relation EA p/r log Koe décrite dans l'étude de Kelly et al.. (2004) qui s'applique aux humains comme homéotherme représentatif. En l'absence d'activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioamplification de tous les métabolites soient très élevés et qu'ils varient entre 4 et 89 environ pour les produits chimiques compris dans l'intervalle du logarithme du Koe et du logarithme du Koa qui ont été estimés pour les métabolites du décaBDE. Cependant, si l'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits sont inférieurs, allant de 5 à 6. Toutes les valeurs du facteur de bioamplification des métabolites étaient supérieures à 1, et ce, principalement en raison d'une efficacité d'assimilation alimentaire relativement élevée présumée pour ces substances.

Chez les mammifères, le taux métabolique réel n'est pas connu pour les métabolites hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, et par conséquent, les prédictions des facteurs de bioamplification sont incertaines. Si la transformation secondaire de ces métabolites s'effectue beaucoup plus rapidement que le taux de 0,012/jour, il est alors possible que le facteur de bioamplification soit plus faible et ne dépasse pas 1. Chez certaines espèces, il est également possible que les enzymes à l'origine du métabolisme de phase II soient moins développées ou présentes en nombre insuffisant, ce qui favorise la persistance de ces métabolites dans les tissus et entraîne des facteurs de bioamplification beaucoup plus élevés, qui s'approchent des valeurs estimées sans tenir compte de la transformation métabolique.

Vu que les métabolites du décaBDE se forment dans les tissus, le facteur de bioamplification, qui quantifie le potentiel de transfert des produits chimiques des tissus de la proie aux tissus du prédateur, est considéré comme un indicateur de bioaccumulation et de bioamplification potentiel sûr. Les facteurs de bioamplification prédits qui sont supérieurs à 1 pour tous les métabolites formés chez les mammifères soulèvent des préoccupations selon lesquelles les métabolites qui se forment dans les tissus des mammifères à la suite de l'accumulation et du métabolisme du décaBDE peuvent se bioamplifier dans les réseaux trophiques, augmentant ainsi possiblement l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur et les risques que ceux-ci courent.

3.2 Débromation dans l'environnement

Dégradation abiotique

Les points suivants résument les données sur la débromation abiotique du décaBDE qui ont été examinées dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Environnement Canada, 2006a; Environnement Canada, 2006b).

  • Norris et al. (1973, 1974) ont exposé aux rayons du soleil des solides qui renfermaient du décaBDE (98 % de décaBDE et 2 % de nonaBDE) et qui étaient plongés dans l'eau. La concentration de brome dans l'eau a augmenté durant l'expérience ce qui semble être le signe d'une photodégradation. Il n'a cependant pas été possible de déterminer la pertinence de cette étude et d'établir un lien avec le phénomène de photolyse dans l'environnement.
  • Watanabe et Tatsukawa (1987) ont réalisé des expériences de photolyse avec le décaBDE (décaBDE à 97 % et nonaBDE à 3 %) dans une solution d'hexane, de benzène et d'acétone (8:1:1). Après 16 heures d'exposition à la lumière ultraviolette, on a constaté que le décaBDE était débromé principalement en triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE et octaBDE, mais que des furanes bromés composés de 1 à 6 atomes de brome étaient également formés. On a déterminé que des transformations semblables avaient lieu sous l'effet de la lumière du soleil.
  • Söderström et al. (2004) ont entrepris des études de photodégradation où le décaBDE (Dow FR-300 BA; la composition exacte n'était pas fournie, mais la substance contenait des traces d'octaBDE et de nonaBDE) était dissous dans le toluène, puis appliqué en couche mince sur un gel de silice, du sable, le sol ou des sédiments. Le toluène était ensuite évaporé dans l'obscurité. La solution était exposée à la lumière naturelle du soleil et à la lumière ultraviolette générée par trois lampes à vapeur de mercure. On a observé que le mélange commercial de décaBDE appliqué à des matrices solides se transformait par débromation réductive avec des substances comprenant principalement de l'hexaBDE, de l'heptaBDE, de l'octaBDE et du nonaBDE, et certains pentaBDE et tétraBDE (c.-à-d. BDE47, -100, -99 et -119). Seuls des polybromodiphényléthers moins bromés en quantités traces se formaient. C'est dans le toluène et le gel de silice (demi-vie estimée de moins de 15 min), que la photodégradation s'effectuait le plus rapidement, suivie du sable (demi-vie de 12 à 13 h), des sédiments (demi-vie de 30 à 60 h) et du sol (demi-vie de 150 à 200 h). En plus de PBDE moins bromés, des tétrabromodibenzofuranes et des pentabromodibenzofuranes (tétraBDF et pentaBDF) ont été décelés car les produits de la phototransformation du décaBDE étaient adsorbés au sable, aux sédiments et au sol. Selon la quantité relative de produits de débromation observée dans les échantillons, les auteurs ont conclu que les BDE47, -99, -100, -153 et -183, qu'on retrouve fréquemment dans les échantillons prélevés dans l'environnement, provenaient « probablement surtout des émissions des mélanges commerciaux de PentaBDE et possiblement d'autres voies de dégradation du décaBDE ».
  • Jafvert et Hua (2001) ont réalisé de nombreuses études de photodégradation du décaBDE (degré de pureté de 98 %) qui était appliqué à des surfaces de verre et de particules de sable siliceuses hydratées, à des particules de silice revêtues d'acides humiques et à des surfaces de verre en contact avec une solution aqueuse. Les études ont eu lieu dans des conditions de lumière simulée et de lumière naturelle du soleil. La quantité restante de décaBDE après une exposition à la lumière de 60 à 72 heures variait entre 29 et 88 %, selon le type de surface, les conditions de l'essai et la lumière utilisée. Dans certains traitements, on a déduit que des composés non identifiés étaient présents. Une analyse plus poussée des composés non identifiés était en grande partie non concluante, même s'il y avait des preuves de la formation d'hexaBDE, d'heptaBDE, d'octaBDE et de nonaBDE.
  • Hua et al. (2003) ont fait précipiter du décaBDE sur certaines surfaces (verre de silice, particules de silice et particules de silice revêtues d'acides humiques), qu'ils ont hydratées avec de l'eau de qualité réactif, puis ils ont irradié le système à la lumière solaire artificielle ou à la lumière naturelle du soleil. Après 60 à 72 heures d'irradiation, 29 à 56 % du décaBDE initial était toujours présent sur la surface de silice, selon le type de lumière et la longueur d'onde utilisés. L'ajout d'acides humiques a ralenti le taux de dégradation du décaBDE. De petites quantités de nonaBDE et d'octaBDE se sont probablement formées sous la forme de produits de dégradation. Selon le seuil de détection de la méthode d'analyse utilisée (chromatographie en phase liquide à haute résolution, CLHR), aucun BDE47 ni BDE99 ne se serait formé.
  • Palm et al. (2003) ont examiné la photodégradation du décaBDE dispersé dans le toluène, le dichlorométhane ou un mélange de solvants hexane:benzène:acétone (8:1:1), puis ont irradié le système à la lumière artificielle filtrée de lampes au xénon (300 nm). Pour tous les systèmes d'essai utilisés, ils ont calculé une demi-vie du décaBDE d'environ 30 minutes. Ils ont constaté qu'une débromation réductive se produisait et ont pu premièrement observer la formation de 3 isomères de nonaBDE, de 6 isomères d'octaBDE, puis de plusieurs isomères d'heptaBDE et finalement de quantités traces d'hexaBDE. Soixante-quinze pour cent de la dégradation du décaBDE s'est faite par voie de débromation, tandis qu'il n'a pas été possible de déterminer les produits constituant le reste du décaBDE (25 %). Dans le cadre d'une étude de suivi de 2 jours réalisée dans des conditions de lumière naturelle du soleil, les chercheurs ont constaté que le décaBDE avait complètement disparu et que des pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE s'étaient formés. Une tendance semblable pouvait être observée quand le décaBDE était dispersé dans du tétrahydrofurane et qu'il était exposé à de la lumière solaire artificielle durant 84 heures. Cependant, des PBDE formés de moins de 5 atomes de brome par molécule s'étaient également formés.
  • Palm et al. (2003) ont également étudié la transformation photochimique du décaBDE dans une chambre à smog en aérosol où le décaBDE était adsorbé à la silice selon une concentration d'environ 1 % par poids. Les particules en suspension dans l'eau ont été atomisées, séchées puis dispersées en aérosol dans une chambre à smog. On a présumé que les conditions de l'étude maximisaient le potentiel de dégradation du décaBDE. Les conditions ne peuvent peut-être pas reproduire le transport atmosphérique de la substance, mais la taille des particules utilisées (diamètre approximatif de 1 µm dans l'aérosol) peut être considérée comme pertinente d'un point de vue environnemental. Quand l'aérosol était exposé à une lumière solaire simulée (lampes fluorescentes) et à des radicaux hydroxyles, le taux de dégradation du décaBDE était tout juste mesurable - taux <6 x 1013cm3 molécule-1s-1 pour la réaction avec les radicaux hydroxyles. Les produits de la réaction n'ont pas été déterminés.
  • Palm et al. (2004) ont présenté les résultats préliminaires d'expériences de photolyse où le décaBDE était adsorbé à un support de silice pyrogène dans une suspension aqueuse. On a déterminé que le décaBDE qui était exposé à une lumière ultraviolette dans une suspension aqueuse avait une demi-vie de 8,8 heures, ce qui représente une période de dégradation beaucoup plus lente qu'en présence de solvants non aqueux. Les résultats de l'étude ont confirmé que des polybromodibenzofuranes (PBDF) étaient présents sous la forme d'intermédiaires à courte durée de vie. Aucune information n'était offerte quant à la formation d'autres dérivés.
  • Keum et Li (2005) ont étudié la débromation du décaBDE dans une solution aqueuse renfermant des agents réducteurs comme le fer zérovalent, le sulfure de fer et le sulfure de sodium. En présence de fer zérovalent, le décaBDE était rapidement transformé en PBDE moins bromés. Après 4 jours, environ 90 % du composé d'origine avait été transformé en monoBDE, diBDE, triBDE, tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE. Durant la période de réaction initiale (jusqu'à 5 jours), le décaBDE était surtout transformé en hexaBDE et en heptaBDE, mais après 14 jours, les tétraBDE et pentaBDE étaient prédominants. Les résultats démontraient qu'une débromation réductive s'était produite. Dans le cadre des expériences avec le sulfure de fer et le sulfure de sodium, on a également pu observer la transformation du décaBDE en polybromodiphényléthers moins bromés, mais le taux de transformation était plus lent qu'en présence de fer zérovalent. De plus, le profil des dérivés était semblable à celui observé lors de l'expérience avec le fer zérovalent. Le gouvernement du Royaume­Uni (Royaume-Uni, 2005) fait remarquer que les conditions d'expérience de Keum et Li (2005) ne correspondent pas directement aux conditions dans l'environnement et que les concentrations de sulfure mesurées dans l'environnement sont de quelques ordres de grandeur inférieurs à celles de l'étude. Par conséquent, dans l'environnement, d'autres paramètres chimiques pourraient influencer le taux de réaction. Des réactifs semblables à ceux utilisés dans l'étude (p. ex. minéraux ferrifères et ions de sulfure) sont néanmoins présents dans les sédiments et les sols dans des conditions anaérobies, mais on ne sait pas si les conditions observées dans l'environnement sont appropriées pour l'activation de réactions semblables dans des conditions naturelles.

Biodégradation

Les points suivants résument les données sur la biodégradation du décaBDE qui ont été examinées dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006b).

  • Le MITI (1992) a publié des données sur la biodégradation du décaBDE. La mesure de la demande biochimique en oxygène a permis d'indiquer qu'aucune dégradation n'avait été observée après deux semaines d'exposition à un inoculum de boues activées dans des conditions anaérobies.
  • La « Chemical Manufacturers Association Brominated Flame Retardant Industry Panel » (2001) a étudié durant 32 semaines la biodégradation anaérobie de décaBDE marqué au carbone 14 dans un système eau-sédiments. Le décaBDE à l'essai était un mélange d'une substance non marquée (97,4 % de décaBDE, 2,5 % de nonaBDE et 0,04 % d'octaBDE) et de décaBDE marqué au carbone 14 (décaBDE radiomarqué ayant un degré de pureté de 96 %). On a constaté que le décaBDE était généralement stable dans ces conditions d'essai. L'étude a permis de déterminer que moins de 1 % de la radioactivité totale se retrouvait sous la forme de 14CO2 et de 14CH4, ce qui indique essentiellement qu'aucune minéralisation ne s'était produite.
  • Gerecke et al. (2005) ont entrepris des expériences dans des conditions anaérobies en introduisant un inoculum de boues activées dans des bouteilles en verre (100 ml) remplies d'une couche de 1 cm de billes de verre. Un mélange commercial de DécaBDE (degré de pureté de 98 %, 10,0 nmol/échantillon) était ensuite ajouté aux contenants qui étaient incubés à 37 ± 1 °C, dans l'obscurité, pendant une période pouvant aller jusqu'à 238 jours. Le mélange de DécaBDE renfermait des quantités traces de nonaBDE, c'est-à-dire du BDE206 dont la concentration était d'environ 2 % et des BDE207 et BDE208 qui avait chacun une concentration approximative de 0,04 % (concentrations exprimées en unités molaires). Aucun octaBDE n'a été décelé dans l'échantillon (le seuil de détection était de 0,005 nmol/échantillon). Afin de favoriser la dégradation, des amorces (c.-à-d. acide 4-bromobenzoïque, 2,6­dibromobiphényle, tétrabromobisphénol A, hexabromocyclododécane et décabromobiphényle) ont été ajoutées à raison de 9 à 11 nmol par échantillon. Deux autres expériences ont été réalisées avec deux congénères nonaBDE en vue de déterminer le sort des produits de dégradation potentiels du décaBDE. De l'amidon et de la levure (50 g) ont été ajoutés tout juste avant de remplir les bouteilles de 20 ml de boues d'épuration digérées fraîchement recueillies. Les bouteilles ont été bien capsulées, puis incubées à 37 ± 1 °C, dans l'obscurité, pendant une période pouvant aller jusqu'à 238 jours. Une analyse par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse à haute résolution a révélé que le décaBDE avait diminué de 30 % à la fin des expériences de 238 jours avec des amorces (soit de 11,2 à 7,9 nmol/bouteille), ce qui correspond à une constante du taux de dégradation de pseudo-premier ordre de 1 x 10-3 j-1. Sans les amorces, la constante de vitesse était inférieure de 50 %. On a observé que le décaBDE (BDE209) était dégradé en 2 nonaBDE et 6 octaBDE. Cette réaction était le signe d'une débromation réductive. On a également constaté que les 3 congénères nonaBDE de chaque bouteille subissaient une débromation réductive. Le bilan massique entre la perte de décaBDE et la formation de dérivés illustrait une disparition de 3 nmol, alors que seulement 0,5 mol de dérivés ont pu être identifiés. Les chercheurs ont indiqué que ces observations résultaient peut-être de la formation de dérivés non identifiés ou de résidus liés (non extractibles) de décaBDE, ou encore d'imprécisions associées à la méthode d'analyse utilisée. L'étude a démontré que la débromation du décaBDE s'effectuait le plus facilement par la perte d'un atome de brome en position para et méta, comme l'illustre la formation de BDE208 ou de BDE207.

3.2.1 Nouvelles données sur la débromation dans l'environnement

Dégradation abiotique

Bezares-Cruz et al. (2004) ont étudié la photodégradation de décaBDE (degré de pureté de 98 %, obtenu auprès de la Great Lakes Chemical Company) dissous dans l'hexane et exposé à la lumière naturelle du soleil. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) dissous dans l'hexane, à une concentration de 2 à 5 mM, se dégradait rapidement en congénères PBDE moins bromés lorsqu'il était exposé à la lumière du soleil. Jusqu'à 99 % de la réduction de la concentration de décaBDE pouvait être observée dans les 30 premières minutes (exposition à la lumière du soleil d'été). On a estimé la valeur de la constante du taux de dégradation de premier ordre à 1,86´10-3/s quand les échantillons étaient exposés au soleil de juillet (demi-vie = 6,2 minutes) et à 1,11´10-3/s quand les échantillons étaient exposés au soleil d'octobre (demi-vie = 10,4 minutes). Malheureusement, étant donné que l'hexane était utilisé comme solvant dans l'étude, il est difficile d'extrapoler ces résultats à un environnement naturel. Les auteurs ont conclu que dans la nature la photodégradation serait restreinte par l'adsorption du décaBDE aux particules, l'atténuation de la lumière occasionnée par la matière humique et de plus faibles concentrations de produits chimiques libérant de l'hydrogène - qui peuvent également être des substances moins enclines à libérer des atomes d'hydrogène en milieu aquatique. Stapleton (2006a) a également conclu « ne pas s'attendre à ce que la dégradation de décaBDE dissous dans l'eau (ou des solvants organiques) soit pertinente d'un point de vue de l'environnement », conclusion qui est corroborée par le fait que le décaBDE est très peu soluble dans l'eau. Vu que l'étude ne peut s'appliquer à l'environnement naturel, on n'a pas davantage pris en considération ces résultats dans l'évaluation à savoir si le décaBDE subissait une importante débromation et se transformait en congénères polybromodiphényléthers moins bromés dans l'environnement.

Eriksson et al. (2004) ont étudié la photodégradation de décaBDE ajouté à un mélange méthanol-eau 80:20, à une solution de méthanol pur, au tétrahydrofurane et à des mélanges d'eau et d'acides humiques, tous exposés à une lumière ultraviolette artificielle. Le décaBDE utilisé dans l'expérience avait un degré de pureté d'environ 98 %. Lorsqu'il était exposé à une lumière ultraviolette, le décaBDE dissous dans un solvant organique ou dans le mélange solvant-eau se dégradait rapidement, selon une constante du taux de dégradation d'environ 4 ´ 10-4/s dans le mélange méthanol-eau (demi-vie ~ 0,5 h), de 6,5 ´ 10-4/s dans le méthanol (demi-vie ~ 0,3 h) et de 8,3 ´ 10-4/s dans une solution de tétrahydrofurane pur (demi-vie ~ 0,23 h). En raison de l'utilisation de solvants organiques et de conditions artificielles non représentatives d'un environnement naturel, il est difficile d'extrapoler ces résultats au milieu naturel. On a par conséquent considéré que ces résultats n'étaient pas pertinents dans un environnement naturel.

Le mélange eau-acides humiques mis à l'essai par Eriksson et al. (2004) peut s'avérer une simulation de photodégradation en milieu naturel potentiellement plus appropriée étant donné que les acides humiques sont souvent présents dans les systèmes aquatiques et qu'ils pourraient jouer un rôle dans la photodégradation. Pour préparer la solution de l'expérience, 20 ml d'une solution saturée de décaBDE et d'éthanol ont été mélangés à 10 ml d'éthanol contenant 50 mg d'acides humiques. Environ 10 ml d'éthanol ont été évaporés par un courant d'azote et le reste de la solution a été combinée à 2 l d'eau. La solution a ensuite été chauffée à une chaleur maintenue à 80 °C pendant une heure et soumise à un courant d'azote constant. La solution a été refroidie à la température ambiante, puis transférée dans des réacteurs cylindriques aux fins de l'expérience d'irradiation. Le gouvernement du Royaume-Uni (Royaume-Uni, 2007a) a estimé que la concentration finale de substances humiques était d'environ 25 mg/l et conclu que des traces d'éthanol étaient peut-être présentes lors de l'expérience puisqu'il n'était pas clair quelle quantité d'éthanol aurait été perdue en chauffant la solution à 80 °C. L'expérience a été répétée de 2 à 5 fois, mais il n'était pas clair combien de réplicats avaient été effectués pour le traitement eau-acides humiques.

Le taux de dégradation du décaBDE dans une solution d'eau et d'acides humiques était de 3 ´ 10-5/s (demi-vie ~ 6,4 h). Les produits n'étaient pas présentés de façon détaillée dans l'article, mais étaient décrits comme étant presque identiques à l'éventail de PBDE moins bromés (dont 3 nonaBDE, au moins 7 octaBDE, 8 heptaBDE et de petites quantités d'hexaBDE), aux monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF et pentaBDE (des monobromodibenzofuranes aux pentabromodibenzofuranes), et possiblement aux bromodibenzofuranes méthoxylés qui avaient tous été identifiés dans le cadre de l'expérience méthanol-eau. L'une des différences clés avec la solution eau-acides humiques était la formation d'une plus grande quantité de pentaBDE. Vu que l'eau et les acides humiques sont des substances d'origine naturelle, il est possible que des réactions semblables se produisent dans le milieu naturel. Cependant, les taux de dégradation réels et le degré de débromation sont incertains puisqu'une lumière artificielle a été utilisée pour l'expérience et qu'on ne sait pas quelle fraction du décaBDE dans l'environnement pourrait être associée aux acides humiques plutôt qu'aux particules. Les auteurs ont également présenté les résultats de l'expérience qui n'utilisait qu'une solution aqueuse, mais cette expérience s'est avérée très difficile car le décaBDE est très peu hydrosoluble. Par conséquent, les résultats de cette expérience étaient extrêmement incertains.

Dans le cadre de leur étude des effets de l'application de boues d'épuration sur les concentrations des PBDE présents dans le sol et les vers de terre, Sellström et al. (2005) présentent une brève analyse d'une étude sur la débromation photolytique de BDE209 ajouté au sol. Le BDE209 a été ajouté à des échantillons de sol recueillis à Björketorp, lesquels ont été placés dans des éprouvettes de verre, elles-mêmes installées sur un appareil « oscillant », puis exposés à une lumière ultraviolette artificielle pendant 0, 7, 14 et 21 jours. Des échantillons témoins ont également été exposés à la même agitation, mais était protégés de la lumière. En fin de compte, aucune dégradation photolytique n'a pu être observée dans les échantillons de sol. Les auteurs ont conclu que le sol semblait encapsuler et protéger les contaminants de façon qu'ils risquaient moins de se dégrader au soleil.

Hagberg et al. (2006) ont observé la formation de congénères de PBDE provoquée par la décomposition photolytique du décaBDE dans le toluène. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) a été dissous dans une solution de toluène à une concentration de 2 x 106 µg/l, puis irradié aux rayons ultraviolets au moyen d'un tube fluorescent, avec ou sans filtre, de manière à produire un rayonnement ultraviolet A (longueur d'onde de 320 à 400 nm), un rayonnement ultraviolet A et B (de 280 à 400 nm) ou un rayonnement ultraviolet A, B et C (de 250 à 400 nm). La solution (déposée dans des boîtes de Petri) a été exposée aux différents rayons de lumière durant 2, 4, 8 et 16 heures (expositions parallèles) et des échantillons témoins non exposés aux rayonnements ont également été examinés. Tous les échantillons ont été soumis à une technique de nettoyage en série permettant de séparer les PBDF des PBDE, puis les PBDF ont pu être identifiés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution et spectrométrie de masse à haute résolution. La technique d'analyse permettait d'identifier les PBDF formés de 6 atomes de brome ou moins. L'heptaBDF et l'octaBDF ne faisaient pas partie du schéma d'analyse. Après l'irradiation de la solution de décaBDE-toluène aux rayons UVA, UVA et UVB, ou UVA, UVB et UVC, des monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF ont été décelés, la majorité des congénères étant des tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF. Les PBDF formés représentaient 0,31 % (UVA), 0,35 % (UVA et UVB) et 1,2 % (UVA, UVB et UVC) de la quantité initiale de décaBDE en unités molaires. Les auteurs ont suggéré que le décaBDE avait tendance à se transformer davantage (mais à former des dérivés semblables) lorsque les longueurs d'onde des radiations étaient plus courtes. Les auteurs ont également conclu que les monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF observés résultaient probablement d'une débromation progressive des PBDF fortement bromés étant donné qu'aucun monoBDE, diBDE, triBDE, tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE n'a été décelé dans les solutions irradiées. Bien que ces résultats montrent qu'il est possible que le décaBDE se transforme en PBDF, on considère que ces substances ne s'appliquent que faiblement à l'environnement naturel.

Barcellos da Rosa et al. (2003) ont étudié la photolyse de décaBDE dissous dans une solution de toluène. Du décaBDE (BDE209, Sigma-Aldrich, degré de pureté de 98 %) a été dissous dans le toluène, à une concentration de 0,31 mM, puis exposé à la lumière d'une lampe au xénon à haute pression de 500 watts (W). Après avoir été exposés à la lumière, des échantillons de la solution de décaBDE et de toluène ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse et détecteur à ionisation de flamme dans le but d'identifier et de quantifier le décaBDE et les congénères débromés (aussi faiblement bromés que l'hexaBDE). On a constaté que le congénère décaBDE subissait une décomposition exponentielle selon une constante du taux de photolyse de 3 x 10-4/s. On a décelé plusieurs congénères débromés dans la solution de décaBDE et de toluène et on a déduit que la dégradation du décaBDE se produisait selon une débromation séquentielle, soit au nonaBDE, à l'octaBDE puis à l'heptaBDE. Les auteurs ont conclu que même si leurs résultats décrivaient la débromation photolytique et démontraient qu'elle était possible, il était nécessaire d'entreprendre d'autres travaux pour confirmer la pertinence de la photolyse dans le toluène à l'échelle de l'environnement. Dans l'ensemble, on considère que les résultats de cette étude ne peuvent s'appliquer que de façon limitée à l'environnement.

Rahm et al. (2005) ont réalisé une étude pour déterminer la susceptibilité relative d'une variété de composés à l'hydrolyse, y compris le décaBDE, grâce à la substitution nucléophile aromatique. Quand le décaBDE réagissait avec le méthylate de sodium dissous dans le méthanol, la demi-vie de la substance soumise à la réaction d'hydrolyse était estimée à 0,028 heure, ce qui est le signe d'une réaction d'hydrolyse rapide. En ce qui concerne les PBDE moins bromés, la vitesse de réaction diminuait d'un facteur approximatif de 10 pour chaque atome de brome perdu à partir du décaBDE. Les auteurs ont conclu les composés nucléophiles présents dans l'environnement rendraient le décaBDE susceptible à une hydrolyse. Cependant, étant donné que le méthylate de sodium n'est d'habitude par présent en concentrations importantes dans l'environnement et que la réaction catalysée par des surfaces minérales et des enzymes, entre autres, constituerait le principal réactif de l'hydrolyse, l'extrapolation de ces résultats à l'environnement naturel est très hasardeuse.

Geller et al. (2006) ont publié les résultats d'une expérience de photolyse du décaBDE. Le décaBDE (congénère BDE209; degré de pureté de 98 %) a été dissous dans 3 ml de tétrahydrofurane jusqu'à saturation (10 g/l, contenant aussi d'autres particules de décaBDE en phase solide), puis irradié en utilisant 4 lampes pendant une période pouvant aller jusqu'à 48 heures. Après l'irradiation, des échantillons ont été analysés par chromatographie en phase liquide à haute résolution et par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse par ionisation par impact électronique. Les produits de dégradation ont pu être identifiés grâce aux temps de rétention. Des heptaBDE, octaBDE et nonaBDE ainsi que des triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF comptaient parmi les produits découlant de la photolyse. Une comparaison chromatographique des dibenzofuranes bromés aux positions 2, 3, 7 et 8 indiquait que ces substances n'étaient pas d'importants produits de dégradation. Ces résultats présentent les lacunes semblables à celles de résultats obtenus dans le cadre d'études utilisant des solvants organiques et ne sont pas considérés pertinents sur le plan de l'environnement naturel.

Kuivikko et al. (2007) ont étudié la photodégradation de décaBDE dissous dans l'isooctane et combiné les résultats à un modèle afin de prédire la demi-vie de photodégradation de 2 systèmes marins - la mer Baltique et l'océan Atlantique. Du décaBDE (BDE209; degré de pureté > 98,3 %) a été dissous dans l'isooctane (250 ng/ml). La solution a été placée dans des flacons d'autoéchantillonneur par chromatographie en phase gazeuse au quartz et les flacons ont été exposés à la lumière naturelle, à Helsinki, en Finlande, dans un bassin peu profond, durant 60 minutes, le 5 octobre. La concentration du décaBDE d'origine a été analysée 4 à 5 fois durant la période d'irradiation et chaque fois 3 échantillons, 1 échantillon témoin non exposé à la lumière et 1 échantillon à blanc étaient analysés. La quantité de décaBDE a été analysée par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse. La concentration de décaBDE a diminué selon une cinétique de premier ordre et la demi-vie du décaBDE était d'environ 0,03 jour.

Kuivikko et al. (2007) ont indiqué avoir mesuré un rendement quantique de 0,28 ± 0,04 pour le décaBDE. Le rendement quantique a été utilisé dans les simulations par modèle pour prédire la demi-vie par photodégradation dans la mer Baltique (à la surface et dans une couche de mélange de 10 m) et dans l'océan Atlantique (seulement dans une couche de mélange de 40 m). Dans les simulations par modèle, on présumait que des concentrations pertinentes pouvaient être observées dans l'environnement (de 3 à 4 pg/l et de 30 à 40 pg/l) en phase aqueuse et dans des conditions de rayonnement solaire d'été typique à la mer Baltique. On tenait également compte de l'atténuation lumineuse causée par les particules en suspension et la matière dissoute. Kuivikko et al. (2007) ont prédit des demi-vies de 1,8 jour (mer Baltique) et de 0,4 jour (océan Atlantique) dans la zone de mélange, qui étaient les mêmes pour les 2 concentrations de décaBDE.

Bien que le modèle semble simuler des conditions naturelles, il est important de prendre en considération que, dans la colonne d'eau, le décaBDE serait surtout adsorbé aux particules en suspension plutôt que dissous dans l'eau. Par conséquent, même si on prédit que la dégradation du décaBDE sous sa forme dissoute sera relativement rapide, cette dégradation ne représente qu'une très faible quantité du décaBDE total présent dans la colonne d'eau. Par conséquent, on n'est pas certain que les demi-vies prédites brosseraient un portrait représentatif de la persistance et de la dégradation du décaBDE dans la colonne d'eau.

Ahn et al. (2006a) ont étudié la débromation photochimique du décaBDE adsorbé aux principaux constituants d'aérosols de sol, de sédiments et de minéraux, y compris des minéraux argileux et des oxydes métalliques amorphes qui sont reconnus pour leur capacité à transférer des électrons. Le décaBDE utilisé dans l'étude avait un degré de pureté de 98 %. Parmi les matrices d'essai utilisées, mentionnons la montmorillonite, la kaolinite, des sédiments naturels riches en carbone organique (composés de 16,4 % de carbone organique), l'hydroxyde d'aluminium, l'oxyde de fer et le dioxyde de manganèse. Chacune des matrices d'essai auxquelles avait été ajouté du décaBDE (250 mg) était combinée à 500 ml d'eau et les mélanges étaient ensuite irradiés à la lumière artificielle ou à la lumière naturelle du soleil. Pour l'irradiation à la lumière artificielle, des lampes de 24 W, offrant une puissance de sortie maximale de 350 nm, ont été utilisées durant une période de 14 jours. L'exposition à la lumière naturelle a été effectuée de juillet à novembre 2004, à West Lafayette, en Indiana, pendant une période pouvant aller jusqu'à 101 jours (une autre période d'exposition en novembre et en décembre n'a pas entraîné une dégradation supplémentaire du décaBDE). Les échantillons de décaBDE ont été quantifiés par chromatographie en phase liquide à haute résolution et les produits débromés, par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons.

Les échantillons témoins exposés et non exposés à la lumière ne semblaient pas s'être dégradés quoique l'étude ait signalé de faibles concentrations de pointe de nonaBDE et d'octaBDE dans les échantillons témoins non exposés à la lumière, qui étaient probablement des impuretés présentes dans le mélange de décaBDE. En ce qui concerne les échantillons exposés à la lumière artificielle, en présence de montmorillonite, de kaolinite, de sédiments naturels et d'hydroxyde d'aluminium, les demi-vies du décaBDE étaient, respectivement, de 36, 44, 150 et 178 jours. Pour les échantillons exposés à la lumière naturelle, en présence de montmorillonite, de kaolinite et de sédiments, les demi­vies du décaBDE étaient, respectivement, de 261, 408 et 990 jours. En présence d'hydroxyde d'aluminium, la dégradation du décaBDE était négligeable (prendre note que ces demi-vies correspondent à des journées d'exposition continue au soleil plutôt qu'à des journées réelles d'exposition, c'est-à-dire une exposition à la lumière et à l'obscurité). La dégradation du décaBDE était négligeable en présence d'oxydes de fer et de dioxyde de manganèse, que les échantillons aient été exposés à l'un ou l'autre des schémas de lumière. Il est important de mentionner que toutes ces demi-vies sont plus longues que le temps d'exposition à la lumière, ce qui fait penser que ces estimations sont possiblement hasardeuses. Les demi-vies observées pour les échantillons exposés à la lumière naturelle suggèrent que la photodégradation du décaBDE se produit lentement en milieu naturel.

La dégradation la plus rapide a été observée en présence de montmorillonite et de kaolinite. On s'est donc concentré sur ces matrices pour identifier les produits de débromation. Dans les échantillons exposés à la kaolinite ou à la montmorillonite et aux rayons du soleil, on a entre autres identifié des nonaBDE (c.-à-d. BDE208, -207, -206) et des octaBDE (BDE197 et -196) ainsi que des quantités traces de triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE dans les échantillons exposés plus longuement à la lumière du soleil. Des fractions plus importantes de triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE ont également été observées dans les échantillons exposés à la lumière artificielle. Plusieurs dérivés de l'octaBDE non identifiés ont également été observés sur les chromatogrammes. La formation des congénères identifiés était compatible avec une débromation progressive, c'est-à-dire la formation initiale de nonaBDE, puis d'octaBDE et ensuite d'heptaBDE.

Ahn et al. (2006b) ont étudié la débromation assistée d'un oxyde métallique du décaBDE en utilisant de la birnessite (minéraux d'oxyde de manganèse d'origine naturelle) dans des systèmes réactifs de tétrahydrofurane et d'eau, et d'eau et de catéchol. Le décaBDE utilisé dans les expériences avait un degré de pureté de 98 %. La birnessite modifiée était préparée en combinant, dans des éprouvettes de 15 ml, 0,1 ml d'une solution de réserve contenant 1 mg/ml de décaBDE dissous dans le tétrahydrofurane avec 50 mg de birnessite, puis en faisant sécher à l'air la préparation pendant une journée pour éliminer le tétrahydrofurane. La première série d'expériences visait à examiner la dégradation de décaBDE adsorbé à la birnessite dans des systèmes de tétrahydrofurane et d'eau. Pour ces expériences, la birnessite additionnée de décaBDE était mélangée à 5 ml d'une solution de tétrahydrofurane et d'eau selon un ratio variant entre 0:10 et 10:0. Des expériences de suivi examinaient i) la réactivité du décaBDE dissous dans une solution de tétrahydrofurane et d'eau selon un ratio de 7:3 en faisant varier la concentration de birnessite traitée de 0 à 50 mg/ml et ii) le rôle du tétrahydrofurane en tant que donneur d'hydrogène pour la débromation du décaBDE, lequel était déterminé en mesurant la production d'acide succinique dans le système. Tous les traitements ont été effectués en triplicats et agités dans l'obscurité pendant une période de 24 heures, puis des sous­échantillons ont été recueillis à différents moments aux fins d'analyse. Une série distincte d'expériences visait à étudier la dégradation de décaBDE adsorbé à la birnessite dans des systèmes d'eau en présence de catéchol, un donneur d'hydrogène d'origine naturelle. Le catéchol était combiné (0,003, 0,045 et 46,135 mmol) à 5 ml d'eau et mélangé avec 50 mg de birnessite additionnée de décaBDE. Tous les traitements expérimentaux ont été agités dans l'obscurité pendant 23 jours et des sous-échantillons ont été recueillis à différents moments pour suivre de près la dégradation du décaBDE. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) a été extrait du tétrahydrofurane et analysé par chromatographie en phase liquide à haute résolution, tandis que les produits potentiels ont été quantifiés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons et identifiés en faisant correspondre les temps de rétention de pointe avec des temps de rétention connus de PBDE moins bromés.

Une dégradation rapide du décaBDE a été observée lors des expériences qui utilisaient des systèmes réactifs de tétrahydrofurane et d'eau combinés, où > 75 % de la transformation du décaBDE se produisait durant la période de 24 heures avec certains ratios de tétrahydrofurane et d'eau. Cependant, les expériences de suivi ont démontré que le tétrahydrofurane réagissait avec la birnessite pour former de l'acide succinique et, ce faisant, agissait comme donneur d'hydrogène pour débromer le décaBDE adsorbé à la birnessite. Ainsi, les taux de dégradation relativement rapides observés semblent dépendre de la présence de tétrahydrofurane. Étant donné que le tétrahydrofurane n'est pas présent à l'état naturel dans l'environnement, le taux de dégradation du décaBDE n'est pas considéré comme étant réaliste pour des conditions observées en milieu naturel. Les taux de réaction rapides des expériences en présence de tétrahydrofurane et d'eau n'ont pas permis l'identification des produits débromés. Les congénères moins bromés formés et observés après 24 heures comptaient des tétraBDE, des pentaBDE, des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE. La réaction semblait se produire progressivement, le décaBDE étant tout d'abord rapidement transformé en nonaBDE, suivi par d'autres réactions progressives de débromation entraînant la formation de PBDE moins bromés.

La deuxième série d'expériences, pour lesquelles des systèmes réactifs d'eau et de catéchol étaient utilisés, visait à étudier la dégradation potentielle du décaBDE en présence de catéchol, une substance d'origine naturelle. Dans le cadre des expériences où une quantité de 0,003 à 0,045 mmol de catéchol était utilisée, aucune dégradation significative n'a été observée au cours de la période de 23 jours. Une dégradation lente a cependant été observée quand 46 mmol de catéchol était utilisées, la masse du décaBDE présent dans les réacteurs diminuant alors et passant d'environ 0,1 mmol à 0,085 mmol durant l'expérience de 23 jours. Bien que les produits n'aient pas été quantifiés pour les systèmes d'eau et de catéchol, il est possible qu'ils suivent une tendance semblable à celle observée pour les systèmes de tétrahydrofurane et d'eau. La vitesse de réaction était lente dans des conditions naturelles simulées, mais il est possible que le décaBDE finirait au fil du temps par subir une débromation en présence de minéraux et de donneurs d'hydrogène d'origine naturelle, comme le catéchol.

Stapleton et Dodder (2006) ont publié les résultats d'une étude de débromation photolytique du décaBDE présent dans la poussière domestique. La poussière utilisée pour l'étude était un matériau de référence étalon du National Institute of Standards and Technology préparé à partir du contenu des sacs d'aspirateurs de maisons, de motels et d'hôtels des États-Unis. On sait que la poussière contient des PBDE (notamment du décaBDE) et les concentrations homologuées de 15 congénères étaient disponibles. Des études de photolyse ont été réalisées avec le matériau de référence étalon sous sa forme existante ainsi qu'avec le matériau de référence étalon exempt de PBDE (les PBDE ont été éliminés par extraction Soxhlet). Dans le deuxième cas, une quantité connue de décaBDE était ajoutée de façon à produire une concentration de 2 180 µg/kg de poids sec. L'analyse de la poussière qui était « non contaminée » avant l'ajout de décaBDE a confirmé que le décaBDE n'avait pas été décelé (< 0,2 mg/kg). Des échantillons (0,5 g) de chaque type de poussière ont été placés dans des cuvettes UV, puis exposés à la lumière naturelle du soleil à l'extérieur, quand les prévisions n'annonçaient pas de précipitation, à Gaithersburg, dans le Maryland, entre 9 h et 17 h, pendant un total de 200 heures. Trois réplicats ont été utilisés pour chaque expérience ainsi que 3 échantillons témoins pour chaque type de poussière, lesquels étaient couverts d'un papier aluminium.

On a constaté que la concentration de décaBDE diminuait dans chaque type de poussière et que le taux de dégradation de premier ordre était de 2,3 x 10-3/h dans les échantillons additionnés de décaBDE et de 1,7 x 10-3/h dans les échantillons de poussière naturelle, ce qui correspond, respectivement, à des demi-vies de 301 et de 408 heures lorsque les échantillons sont exposés à la lumière du soleil. Les auteurs ont avancé l'hypothèse que la demi-vie plus longue observée pour les échantillons de poussière naturelle s'expliquait peut-être par des facteurs liés à la matrice qui contribuaient à atténuer la quantité de lumière atteignant les molécules de décaBDE ou par le fait que les sorbants présents dans la poussière naturelle aient été éliminés lors du processus d'extraction, exposant ainsi davantage le décaBDE (ajoutés à ces échantillons) à la photodégradation. Les auteurs ont également proposé l'explication que le décaBDE solide, qui a une surface de contact restreinte aux fins d'irradiation, pourrait être présent dans la poussière naturelle domestique. Les échantillons additionnés de décaBDE ont également été analysés aux fins de détection de produits de dégradation moins bromés. À la fin de la période d'exposition, environ 38 % de la concentration initiale de décaBDE avait été éliminée ou dégradée. Une partie du décaBDE éliminé (c.-à-d. environ 13 %) s'expliquait essentiellement par la débromation en 3 congénères nonaBDE, mais également par de plus faibles quantités de congénères octaBDE et heptaBDE. Le reste de la concentration initiale de décaBDE (25 %) ne pouvait être comptabilisé et a été perdu en suivant des voies de dégradation inconnues ou en se transformant en d'autres produits. L'étude de Stapleton et Dodder (2006) semblait indiquer que la présence de BDE201 et de BDE202 pouvait être une indication de la débromation du BDE209. Dans le mélange commercial d'OctaBDE, la concentration de BDE201 est très faible (c.-à-d. d'une valeur inférieure au seuil de détection à 0,8 %) et le BDE203 ne peut être décelé.

Cette étude démontre de manière plutôt concluante que le décaBDE présent dans la poussière peut se photodégrader dans des conditions naturelles, c'est-à-dire en milieu naturel, et que des PBDE moins bromés peuvent se former. Les auteurs ont mentionné que les fenêtres et l'ombrage pouvaient restreindre les niveaux d'exposition de la poussière domestique à la lumière du soleil, mais que la poussière des voitures était soumise à des niveaux d'exposition beaucoup plus élevés, augmentant ainsi potentiellement la débromation du décaBDE présent dans la poussière des voitures.

Le gouvernement du Royaume-Uni (Royaume-Uni, 2007a) décrit les résultats d'une autre étude réalisée par Stapleton (2006b) sur la débromation de décaBDE présent dans la poussière domestique. La méthodologie utilisée était semblable à celle utilisée par Stapleton et Dodder (2006) sauf que l'exposition se déroulait entre 9 h et 16 h, pour un total pouvant aller jusqu'à 90 heures. Les expositions à la lumière du soleil ont eu lieu en juillet et en août 2004 et la température moyenne était de 27,4 °C. Durant la période d'exposition totale de 90 heures, la concentration de décaBDE dans la poussière domestique a diminué et est passée de 2 180 µg/kg de poids sec à 1 570 µg/kg de poids sec, ce qui indique qu'environ 28 % du décaBDE s'est dégradé. Les concentrations de décaBDE dans les échantillons témoins non exposés à la lumière du soleil n'étaient pas statistiquement différentes au début et à la fin de l'étude. On a estimé que la demi-vie du décaBDE était de 216 heures (exposition continue à la lumière du soleil ou 27 jours d'exposition en supposant une période de 8 heures de soleil par jour). Les produits de dégradation décelés sous la forme de PBDE moins bromés comprenaient 3 nonaBDE, 6 octaBDE et 1 heptaBDE. Selon le bilan massique du décaBDE et des congénères de bromodiphényléthers moins bromés, environ 17 % du décaBDE initial ne pouvait être expliqué, ce qui fait penser que des produits de substitution (non identifiés) se seraient formés ou que des PBDE moins bromés se seraient volatilisés.

Gerecke (2006) a déterminé le rendement quantique de décaBDE en présence de kaolinite, puis il a mesuré la pénétration de la lumière dans ce minéral afin de calculer le taux de photodégradation du décaBDE. Le décaBDE utilisé dans l'étude avait un degré de pureté de 98 %. La pénétration de la lumière dans la kaolinite a été estimée à l'aide de la théorie de Kubelka-Munk qui est fondée sur la mesure de l'absorption de la lumière (k) et sur sa diffusion (s). Dix différentes couches minces de kaolinite ont été préparées sur du verre de silice en vue d'estimer l'absorption et la diffusion de la lumière. Du décaBDE en solution dans un mélange d'isooctane et de toluène (95/5, v/v) a été ajouté à la kaolinite. Bien que la méthode utilisée pour ajouter le décaBDE n'ait pas été détaillée, on présume que le solvant était par la suite évaporé de façon à obtenir une couche solide de kaolinite additionnée de décaBDE sur du verre de silice étant donné que les expositions à la lumière étaient effectuées soit avec de la kaolinite séchée, soit avec de la kaolinite mouillée. Les couches de kaolinite additionnées de décaBDE étaient irradiées à la lumière du soleil de midi, lors de journées d'été sans nuage, à Dubendorf, en Suisse. L'expérience était réalisée dans un bain d'eau afin de maintenir une température constante. De plus, l'étude comprenait des échantillons témoins non exposés à la lumière et des précautions avaient été prises pour éviter une exposition à la lumière en dehors des heures précisées. Les concentrations de décaBDE et de produits potentiels ont été analysées par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse.

La lumière du soleil ne pénétrait que très faiblement dans les couches de kaolinite d'une épaisseur inférieure à 50 mm et les auteurs ont conclu que seul le décaBDE adsorbé aux particules à la surface du sol pouvait potentiellement subir une photolyse. Lors des expériences avec la kaolinite additionnée de décaBDE, des demi-vies de 76 et de 73 minutes ont été déterminées dans des conditions sèches et mouillées, respectivement. La dégradation observée n'était cependant pas exponentielle, et ce, probablement en raison de la grande différence entre le taux de dégradation du côté supérieur et celui du côté inférieur de la couche de kaolinite. Dans des conditions sèches, les produits de dégradation identifiés étaient des PBDE moins bromés, tandis que dans des conditions mouillées, les produits n'ont pas été identifiés, ce qui donne à penser qu'il ne s'agissait pas de PBDE moins bromés. Ces résultats démontrent que même si la photodégradation de décaBDE adsorbé à des minéraux solides est possible dans l'environnement, le taux de dégradation et la quantité dégradée dépendent grandement de la pénétration de la lumière dans le sol et dans les couches minérales.

Nose et al. (2007) ont étudié les voies de dégradation du décaBDE standard (degré de pureté non mentionné, mais obtenu auprès de Wako Pure Chemical Industries, Ltd.) lors d'un traitement hydrothermique. Ils ont eu recours à un microautoclave en acier inoxydable rempli de 40 ml d'eau distillée pour effectuer leur évaluation. Initialement, le décaBDE était dissous dans le toluène, puis ajouté dans la cuve de l'autoclave, qui était ensuite fermé hermétiquement. La température était contrôlée à 300 ºC et la pression à 8 MPa pour la première période de chauffage de 25 minutes. L'expérience a été répétée à différents intervalles (0, 10, 30, 60, 120, 240 et 360 min), qui étaient définis comme les temps de traitement. Le temps de réaction était défini comme la somme du temps de chauffage et des temps de traitement. La cuve était ensuite refroidie à 100 ºC à l'aide d'un ventilateur, puis plongée dans de l'eau glacée durant 20 minutes.

Les auteurs de l'étude ont remarqué une certaine décomposition (~ 45 %) après environ 12 minutes à 200 °C et une dégradation presque complète (c.-à-d. > 99 %) après 10 minutes à 300 °C. Il a été possible de déterminer que le nonaBDE subissait effectivement une débromation. Néanmoins, la débromation en position méta et para, qui entraînait la formation de BDE208 et de BDE207, se produisait plus rapidement que la débromation en position ortho, qui entraînait la formation de BDE206. L'expérience a également été effectuée avec d'autres PBDE moins bromés et les résultats obtenus étaient semblables. Les auteurs ont donc conclu que la réactivité des atomes de brome en position para et méta était relativement élevée, tandis que celle des atomes de brome en position ortho était extrêmement faible lors de traitements hydrothermiques. Ils ont également pu confirmer la formation de PBDD et de PBDF durant l'étude. Bien qu'elle ne puisse s'appliquer que de manière limitée à l'environnement naturel, l'étude semble confirmer les conclusions d'autres études sur la débromation préférentielle en position méta et para (p. ex. Stapleton et al., 2006; Gerecke et al., 2005; Huwe et Smith, 2007a, 2007b). Comme le mentionne l'évaluation préalable canadienne des PBDE (Canada, 2006 et Environnement Canada, 2006), tous les PBDE (y compris le DécaBDE) peuvent se transformer en bromodibenzofuranes et en dibenzoparadioxines dans certaines conditions de combustion/pyrolyse et de photolyse. Ces produits de transformation sont des analogues bromés des polychlorodibenzofuranes et des dibenzoparadioxines de la voie 1 énoncés dans la Politique de gestion des substances toxiques (PGST). La destruction complète du DécaBDE et de tout produit de dégradation potentiel semble se produire lorsque les substances sont exposées à des températures de 800 °C et plus pendant 2 secondes (Communautés européennes, 2002).

Li et al. (2007) ont examiné la débromation du décaBDE (DE-83R, degré de pureté > 97 %, obtenu auprès de la Great Lakes Chemical Company) par l'action de nanoparticules de fer zérovalent liées à la résine. Dans le cadre de l'étude, on a utilisé environ 50 éprouvettes remplies d'une solution d'acétone et de décaBDE qui était mélangée à un volume égal d'eau distillée de manière à obtenir une solution de 8 ml. Ensuite, 2 g de résine renfermant du fer zérovalent étaient ajoutés. Les éprouvettes étaient ensuite bouchées et agitées pendant une période variant entre 1 heure et 10 jours dans un bain d'eau (25 ± 0,5 °C). Des analyses ont été effectuées par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons, et par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution et spectrométrie de masse à haute résolution. Les résultats ont démontré que le BDE209 subissait rapidement une débromation après environ 8 heures. Les auteurs ont déterminé que la réaction se produisait selon une transformation cinétique de premier ordre et ils ont pu calculer que la constante de vitesse était de 0,28 ± 0,04/h et la demi­vie, de 2,5 heures. Le BDE209 disparaissait et se transformait de manière séquentielle en nonaBDE, octaBDE, heptaBDE, hexaBDE, pentaBDE, tétraBDE et triBDE. Les 3 nonaBDE étaient présents en quantités significatives après 1 heure. Leur concentration avait augmenté de façon constante pendant 8 h, puis avait diminué sous le seuil de détection après 24 heures. Après 2 jours, les heptaBDE étaient dominants et, par la suite, ce sont les hexaBDE qui étaient les plus abondants. Après 10 jours, les pentaBDE étaient présents en quantités significatives.

Les auteurs ont mentionné avoir éprouvé des difficultés à identifier les produits de réaction principalement en raison de l'insuffisance de normes appropriées s'appliquant aux PBDE au moment de réaliser leur expérience, car de nombreuses concentrations de pointe ne correspondaient à aucune des concentrations de pointe disponibles pour 43 produits chimiques. Ils ont cerné des problèmes de coélution. Néanmoins, les 3 nonaBDE ont été identifiés avec certitude et 2 des 5 concentrations de pointe des octaBDE ont pu être déterminées (c.-à-d. BDE197 et BDE196). Les heptaBDE, hexaBDE, pentaBDE et tétraBDE qui ont été identifiés avec certitude comprenaient les BDE183, -153, -154, -99 et -47 (tous ces congénères ont un atome de brome aux 2 positions para). Dans l'ensemble, il est difficile de confirmer de manière concluante la préférence de position des voies de débromation puisque les concentrations de pointe n'ont pu être déterminées. Li et al. (2007) ont réalisé une étude identique avec le PCB209 qui était soumis à une réaction de déchloration beaucoup moins rapide que la réaction de débromation du BDE209. Après 10 jours, seulement 21 % du PCB209 avait été éliminé et seule la formation de nonaBDE et d'octaBDE pouvait être observée. Après 10 jours, seulement 21 % du PCB209 avait été éliminé et seule la formation de nonaBDE et d'octaBDE pouvait être observée.Dans l'ensemble, l'utilisation de nanoparticules de fer zérovalent signifie que cette étude n'est pas nécessairement pertinente pour l'environnement.

Kajiwara et al. (2008) ont examiné la photolyse du DécaBDE dans des plastiques placés à la lumière naturelle du soleil. On a ajouté des polystyrènes choc à du toluène contenant 100 µg/mL de DécaBDE et le mélange a ensuite été agité jusqu'à être complètement dissolu; le toluène s'est évaporé dans l'obscurité. On a ensuite pulvérisé, dans une chambre d'azote liquide, un caisson de téléviseur broyé ainsi que les échantillons solidifiés des polystyrènes choc combinés à des mélanges techniques. Les matières résultantes (poudreuses) ont été examinées avec un tamis vibrant en acier inoxydable. La poudre finement tamisée (106 à 300 µm) a été utilisée dans une expérience d'irradiation (échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE, et caisson de téléviseur). Des aliquotes du plastique réduit en poudre ont été transférées dans des tubes de quarts scellés par des bouchons en Teflon. Un sous-ensemble d'échantillons (contenant des polystyrènes choc et du DécaBDE) hydratés avec 0,5 mL d'eau filtrée à l'hexane a été aussi préparé afin d'examiner l'effet de l'eau sur la photolyse des PBDE. On a gardé les tubes au laboratoire dans l'obscurité et à la température ambiante jusqu'à ce que l'expérience d'irradiation à la lumière du soleil ait été effectuée.

Les échantillons contenant les polystyrènes choc et du DécaBDE ont montré une disparition graduelle du BDE209 lorsqu'ils étaient exposés à la lumière du soleil. En revanche, on n'a noté aucune dégradation dans les échantillons témoins non exposés à la lumière. Après une semaine d'exposition à la lumière du soleil, la concentration de BDE209 a baissé d'environ 50 % par rapport au niveau initial, ce qui indique une photodégradation rapide dans le liant plastique. Les échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE ont également révélé une dégradation plus rapide du BDE209 que les échantillons non hydratés. Les auteurs ont suggéré que cette dégradation accélérée pourrait être due au fait que l'eau a agi comme donneur d'hydrogène, ce qui a favorisé la débromation.

Kajiwara et al. (2008) indiquent que les études précédentes étaient axées sur la photodégradation des PBDE dissous dans des solvants ou absorbés aux particules, et que leur étude est la première à analyser la photolyse du BDE209 combiné à une matrice polymérique. En supposant une réaction du premier ordre, ils précisent une demi-vie calculée de 51 jours pour la transformation du BDE209 dans des polystyrènes choc. En outre, les auteurs soulignent que cette demi-vie pour les plastiques est plus longue que celle qui a été mesurée dans le sable, les sédiments et le sol, mais qu'elle est égale aux demi-vies mesurées dans la poussière domestique.

Au cours de l'étude, les échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE ont montré une augmentation exponentielle des congénères hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE après une semaine d'exposition, et les auteurs ont jugé que la débromation du BDE209 a, dans une certaine mesure, entraîné la formation de congénères PBDE moins bromés. Après cette première semaine, les concentrations des congénères hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE sont restées constantes ou ont légèrement diminué, malgré la baisse constante du BDE209. Aucun congénère BDE47, -99 ou -100 n'a été décelé et la débromation progressive des PBDE n'a pas pu être clairement observée. À la fin de la période d'exposition, la concentration totale des PBDE était inférieure à 20 % par rapport au niveau initial, et la proportion de BDE209 parmi les PBDE totaux avait baissé de 90 % à 40 %. Kajiwara et al. (2008) ont signalé la formation photolytique de triBDF, de tétraBDF, de pentaBDF, d'hexaBDF, d'heptaBDF et d'octaBDF dans leurs échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE. On a noté une augmentation (de plus de 40 fois) de la concentration totale des PBDF au septième jour d'exposition, alors que la concentration du BDE209 avait diminué.

En ce qui concerne les échantillons de caisson de téléviseur, l'étude n'a révélé aucune disparition du BDE209 ou formation de congénères de polybromodiphényléthers moins bromés tout au long des 224 jours d'irradiation à la lumière du soleil, contrairement aux échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE. On a suggéré deux explications possibles pour ces différences de profil de dégradation : 1) la dissemblance des concentrations initiales de BDE209 (les échantillons à base de polystyrènes choc et de DécaBDE et les échantillons de caisson de téléviseur contenant 0,1 et 10 % de BDE209, respectivement) a influencé les taux de dégradation, 2) les effets des autres additifs plastiques dans les échantillons de caisson de téléviseur, comme des pigments, des absorbeurs de rayons ultraviolets et des stabilisateurs, ont agit sur la profondeur de pénétration de la lumière dans chaque échantillon de plastique.

Raff et Hites (2007) ont examiné l'importance de la photolyse dans l'élimination des PBDE de l'atmosphère, en comparant les fréquences de photolyse de congénères de PBDE aux valeurs de la constante du taux de suppression de premier ordre pour les réactions d'oxydants ainsi que les dépôts humides et secs. L'étude a comparé les procédés d'élimination atmosphérique influant sur le devenir des PBDE (p. ex. axés sur le BDE47, -99 et -209) en utilisant un modèle de la boîte simulant l'atmosphère au-dessus du lac Supérieur. Les résultats indiquaient que la photolyse entraîne la plus grande perte (soit 90 % des pertes totales) de BDE47 et de BDE99 dans ce type d'atmosphère. Cependant, pour le BDE209, plus de 90 % de l'élimination est causée par des épisodes de précipitations. Les auteurs ont suggéré qu'il s'agit là de la raison pour laquelle le profil des congénères de PBDE trouvés dans des sédiments du lac Siskiwit (situé sur une île isolée du lac Supérieur) et des Grands Lacs semble être enrichi en BDE209 comparativement aux autres congénères. Ces résultats concordent avec les profils de congénères obtenus à partir d'échantillons de particules aériennes prélevés dans l'Arctique et qui ont révélé un appauvrissement important du BDE209 par rapport aux congénères tétraBDF et pentaBDF. La conclusion principale de cette étude est que les processus de dépôt contrôlent la perte de BDE209 dans l'atmosphère et qu'ils sont responsables de l'enrichissement en BDE209 observé dans les échantillons de sédiments des Grands Lacs.

Biodégradation

Gerecke et al. (2006) ont publié les résultats d'expériences de suivi qu'ils ont réalisées ultérieurement à leur étude de 2005. La biodégradation anaérobie du mélange commercial de DécaBDE (degré de pureté de 98 %) présent dans des boues d'épuration digérées a été étudiée à l'aide du même système d'essai employé par Gerecke et al. (2005), mais avec seulement des amorces simples, le 2,6-dibromophénol ou l'acide 4-bromobenzoïque. Chacune des amorces a provoqué la débromation du décaBDE par la perte d'un atome de brome en position para et sa transformation en BDE208, mais la réaction était lente (demi-vie de plus de 700 jours). En l'absence d'une amorce, la demi-vie était plus longue et pouvait aller jusqu'à 1 400 jours. Les auteurs ont également suivi de près l'activité de décaBDE présent dans une station d'épuration des eaux usées afin de déterminer si la biodégradation se produisait à l'intérieur d'un digesteur anaérobie pleine échelle. Des échantillons ponctuels de boues d'épuration ont été prélevés dans l'influent, dans le réacteur et dans l'exutoire d'une station d'épuration des eaux usées de Dubendorf, en Suisse. Les chercheurs ont constaté que la concentration de décaBDE dans les échantillons de l'exutoire était inférieure à la concentration mesurée dans les échantillons de l'influent, ce qui suggère une transformation de la substance à l'intérieur du digesteur pleine échelle. Cependant, en raison du temps de séjour relativement court à l'intérieur du réacteur (28 jours) et du petit nombre de réplicats (c.-à-d. un seul ensemble d'échantillons ponctuels), les auteurs ont fait une mise en garde et ont indiqué que ces résultats devaient être considérés comme étant préliminaires et pas nécessairement déterminants.

He et al. (2006) ont étudié la biodégradation du décaBDE (degré de pureté > 98 %) par des cultures de bactéries anaérobies. Les cultures de bactéries anaérobies renfermaient la souche 195 de Dehalococcoides ethenogenes, la Sulfurospirillum multivorans et la souche BAV1 de Dehalococcoides (qui ont toutes démontré une capacité de déchloration des composés organochlorés) ainsi qu'une culture enrichie de bactéries autotrophes contenant la souche 195 de D. ethenogenes et un enrichissement de bactéries de l'espèce Dehalococcoides. Toutes les cultures ont été multipliées dans ~ 500 mM de trichloroéthane à l'exception de la souche BAV1 de l'espèce Dehalococcoides qui a été multipliée dans le chloroéthène.

Les expériences ont été réalisées dans des bouteilles à sérum de 160 ml contenant un milieu de culture et une source de carbone appropriée à chaque organisme. Pour D. ethenogenes, une culture de bactéries autotrophes était utilisée sans aucune source de carbone. Les bouteilles d'essai étaient fermées hermétiquement avant l'inoculation pour s'assurer d'avoir des conditions anaérobies et elles étaient ensuite passées à l'autoclave durant 25 minutes à 121 °C. Afin de déclencher chaque expérience, 5 ml d'une solution de réserve contenant du décaBDE dissous dans le trichloroéthane (TCE, ~ 1 mM décaBDE) étaient ajoutés aux bouteilles d'essai de manière à obtenir une concentration finale de 1 mM de trichloroéthane et de 0,1 mM de décaBDE. Les bouteilles étaient ensuite inoculées avec l'une des cultures actives décrites précédemment à raison de 5 % ou 10 % v/v. Les échantillons témoins étaient incubés dans l'obscurité à 30 °C pendant une période pouvant aller jusqu'à 12 mois et des échantillons de 1 ml de culture étaient recueillis chaque semaine aux fins d'analyse du décaBDE et des produits de dégradation. Chaque expérience comptait 2 réplicats par traitement et était répétée au moins une fois pour confirmer les résultats. Des échantillons témoins abiotiques étaient également compris dans le concept expérimental. Des congénères des PBDE ont été décelés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons.

Dans le cadre de l'expérience avec S. multivorans, on a pu observer une déchloration rapide du trichloroéthane, mais aucune dégradation du décaBDE durant les premières semaines d'incubation. Après 2 autres mois d'incubation sans que le trichloroéthane ne soit remplacé, le décaBDE se dégradait mais à des niveaux non décelables, tandis qu'il devenait possible de déceler des concentrations d'octaBDE et d'heptaBDE dans les 2 réplicats. Aucune dégradation évidente ne pouvait être observée dans les échantillons témoins abiotiques, ce qui indique qu'une dégradation abiotique avait provoqué l'élimination du décaBDE. Ces résultats suggèrent que certaines bactéries peuvent débromer le décaBDE dans des conditions appropriées. Aucune dégradation du décaBDE n'a pu être observée dans les expériences avec les autres cultures.

Parsons et al. (2004) ont étudié la possibilité que le décaBDE subisse une débromation réductive dans une suspension de sédiments en conditions anaérobies. L'expérience a été réalisée à l'aide de sédiments recueillis à Hansweert, dans l'Escaut occidental, qui sont reconnus pour leurs concentrations élevées de décaBDE. Des suspensions ont été préparées à l'aide d'un total de 20 g de sédiments et de 20 ml d'un milieu anaérobie; elles ont ensuite été additionnées de décaBDE (14 mg/g de sédiments), puis incubées dans des conditions anaérobies, à la température ambiante, dans l'obscurité (aucune précision n'a été fournie sur le système d'essai anaérobie). Des suspensions témoins stérilisées ont également été préparées (aucune précision n'était fournie sur la procédure de stérilisation). Des échantillons expérimentaux et témoins extraits d'une solution d'hexane et d'acétone, à des intervalles variés et durant une période d'essai approximative de 205 jours (donnée lue sur un graphique), ont été soumis à un processus de nettoyage et analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse à basse résolution.

Les concentrations de décaBDE des échantillons additionnés de décaBDE ont diminué significativement durant les deux premiers mois d'incubation et la diminution coïncidait avec de nouveaux pics chromatographiques qu'on a identifié provisoirement comme étant des nonaBDE en raison du temps de rétention et de la masse spectrométrique. Les concentrations de nonaBDE étaient en général trop faibles pour être quantifiées et les auteurs ont avancé l'hypothèse que les nonaBDE subissaient une débromation plus poussée et se transformaient en congénères PBDE moins bromés. Ces résultats sont très incertains en ce qui a trait à la débromation anaérobie de décaBDE additionné aux sédiments puisqu'une diminution semblable du décaBDE a été observée chez les échantillons témoins stériles. Les auteurs ont suggéré que cette diminution était provoquée par une stérilisation incomplète des échantillons témoins, comme le confirmait la production de méthane lorsque de l'acide lactique, pyruvique et acétique étaient ajoutés aux préparations témoins. Cependant, il est également possible que la photodégradation du décaBDE ait été produite durant la manipulation, l'extraction ou l'analyse des échantillons. Par conséquent, bien que Parsons et al. (2004) aient observé une diminution du décaBDE présent dans des suspensions de sédiments anaérobies, cette diminution ne peut être clairement attribuée à une dégradation anaérobie.

Parsons et al. (2007) ont présenté les résultats d'une autre étude sur la débromation réductive du décaBDE dans des microcosmes de sédiments en conditions anaérobies. L'expérience a été réalisée à l'aide de sédiments recueillis à Hansweert, dans l'Escaut occidental, qui sont reconnus pour leurs concentrations élevées de décaBDE. Des suspensions ont été préparées à l'aide d'un total de 10 g de sédiments et de 50 ml d'un milieu anaérobie (contenant de l'acétate, du lactate et du pyruvate). On a ensuite ajouté du décaBDE ou des congénères nonaBDE aux suspensions, qui étaient ensuite incubées à la température ambiante, dans l'obscurité. Des échantillons expérimentaux et témoins extraits d'une solution d'hexane et d'acétone, à des intervalles variés et durant une période d'essai approximative de 260 jours (donnée lue sur un graphique), ont été soumis à un processus de nettoyage et analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse selon un mode de détection d'ions déterminés.

Aucune diminution du décaBDE n'a été observée dans les microcosmes actifs et témoins bien que du nonaBDE ait été décelé dans les échantillons additionnés de décaBDE à des concentrations beaucoup plus élevées que les concentrations de fond connues des sédiments à l'étude.

Knoth et al. (2007) ont réalisé une étude de surveillance des PBDE, dont le décaBDE, présents dans les boues d'épuration de 11 stations d'épuration des eaux usées d'Allemagne. Au total, 39 échantillons de boues d'épuration ont été prélevés à différents stades de traitement - boues primaires, boues secondaires excédentaires et boues digérées (déshydratées) - de mars 2002 à juin 2003. Les échantillons étaient ensuite soumis à un processus de stérilisation et de lyophilisation, puis des isotopes stables de référence étaient ajoutés. On procédait ensuite à une extraction Soxhlet dans le toluène, à un nettoyage en quatre colonnes de l'extraction toluène et à une réduction des échantillons pour obtenir 100 ml. Les échantillons ainsi extraits et nettoyés étaient par la suite analysés par chromatographie en phase gazeuse et détection d'ions déterminés (ionisation électronique) en vue de quantifier le décaBDE et les congénères PBDE moins bromés.

Le décaBDE était prédominant dans les profils de congénères des différentes stations d'épuration et des différents stades de traitement, et sa concentration variait entre 97,1 et 2 217 ng/g de poids sec. Durant le traitement, la débromation du décaBDE en PBDE moins bromés était soit non existante, soit trop lente pour être décelée durant la période de rétention totale des boues (de 11 à 13 jours) dans les stations d'épuration des eaux usées d'Allemagne.

La Guardia et al. (2007) ont examiné le potentiel de débromation in vivo et dans l'environnement du décaBDE dans une station d'épuration des eaux usées et son milieu récepteur. Ils ont réalisé une étude de surveillance des concentrations de décaBDE et de PBDE moins bromés dans les boues, les sédiments et les poissons du milieu récepteur d'une station d'épuration située à Roxboro, en Caroline du Nord (l'étude est décrite plus en détail à la section 2.2). Le profil des congénères de PBDE a été suivi de près à partir de la station d'épuration jusqu'aux sédiments et au biote du milieu récepteur afin d'évaluer si une importante débromation s'était produite. En ce qui concerne les échantillons de boues, 17 congénères PBDE ont été identifiés en 2002, tandis qu'en 2005, 18 congénères PBDE étaient identifiés. Le principal congénère présent dans les boues était le BDE209, qui représentait 60 % (58 800 µg/kg de poids sec) de la charge totale de PBDE en 2002 et 87 % (37 400 µg/kg de poids sec) de la charge totale de PBDE en 2005. Les profils de congénères des boues étaient semblables aux mélanges commerciaux (PentaBDE et DécaBDE), ce qui fait penser que la réaction de débromation était peu importante dans les boues des stations d'épuration. Les BDE209, -206, -99 et -47 comptaient parmi les principaux congénères de PBDE observés dans les sédiments du milieu récepteur et, dans chacun des échantillons de sédiments, le BDE209 constituait > 89 % de la charge totale de bromodiphényléthers. Les concentrations les plus élevées de décaBDE ont été observées entre 1 et 6 km en aval de l'émissaire de la station d'épuration et elles affichaient des valeurs maximales variant entre 3 240 mg/kg et 2 450 mg/kg de carbone organique. La présence de congénères PBDE moins bromés a été attribuée au mélange commercial de PentaBDE, ce qui laisse supposer que la débromation de décaBDE présent dans les sédiments de surface est peu importante.

Tokarz et al. (2008) ont réalisé des expériences concurrentes sur les PBDE (c.-à-d. BDE209, -99 et -47) au moyen de microcosmes de sédiments anaérobies et d'un système biomimétique additionné d'un cosolvant. Les microcosmes de sédiments étaient composés de sédiments naturels qui n'affichaient aucune concentration décelable de PBDE et qui avaient été recueillis au Celery Bog Park, à West Lafayette, en Indiana. Les PBDE avaient été dissous dans une solution de toluène, puis ajoutés aux sédiments et le solvant avait ensuite été évaporé. Ce mélange était ensuite combiné à des sédiments humides afin d'obtenir une concentration approximative de 5,0 µg/g pour le BDE99 et le BDE47 et de 3 µg/g pour le BDE29. Du méthanol et du dextrose étaient ensuite ajoutés aux microcosmes pour s'assurer d'avoir des conditions anaérobies et pour avoir des donneurs d'électrons. Des systèmes de contrôle autoclave étaient mis en œuvre. Dans le cadre de l'expérience biomimétique, on utilisait des fioles de verre avec bouchons en Teflon contenant 0,03 mM de BDE209, de BDE99 ou de BDE47, mélangé à 5,0 mM de citrate de titane et 0,2 mM de vitamine B12, dans une solution tampon de 0,33 M de TRIZMA contenant du tétrahydrofurane. Des échantillons témoins sans citrate de titane étaient utilisés. Les produits de la débromation ont été identifiés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons et par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse.

Tokarz et al. (2008) notent que les cobalamines, comme la vitamine B12, (coenzyme) ont la capacité de médier la déshalogénation réductive de composés haloorganiques. Les cobalamines issues de cellules en désintégration ont été isolées des échantillons environnementaux. En outre, les auteurs indiquent que la vitamine B12 est omniprésente dans l'environnement, notamment dans les microorganismes anaérobies.

Le système biomimétique a démontré que la vitesse de la réaction de débromation réductive diminuait proportionnellement avec le nombre décroissant d'atomes de brome (p. ex. demi-vie de 18 secondes pour le BDE209 et de près de 60 jours pour le BDE47). Selon des observations échelonnées sur 3,5 ans, le BDE209 présent dans des microcosmes de sédiments naturels avait une demi-vie variant entre 6 et 50 ans, soit une demi-vie moyenne de 14 ans. Après 8 mois, les concentrations de BDE47 avaient diminué d'environ 30 % sans que les concentrations des produits de débromation issus par filiation n'aient augmenté de manière constante et simultanément. Bien qu'une débromation complète en diphényléther n'ait pas été exclue, elle semblait peu probable étant donné qu'aucun produit intermédiaire n'avait été identifié. Les chercheurs ont avancé l'hypothèse que des dérivés hydroxylés et méthoxylés du tétraBDE auraient pu se former. Ils ont synthétisé les données de leurs 2 systèmes et proposé les voies de débromation principales suivantes pour les sédiments et les systèmes biomimétiques : BDE209 > nonaBDE (BDE206, -207, -208) > octaBDE (BDE196, -197) > heptaBDE (BDE191, -184, 2 heptaBDE inconnus) > hexaBDE (BDE138, -128, -154, -153) > pentaBDE (BDE119, -99) > tétraBDE (BDE66, -47, -49) > triBDE (BDE28, -17). Plus précisément, au bout de 3,5 ans, leur analyse de la dégradation du BDE209 dans les sédiments a permis d'identifier les BDE208, -197, -196, -191, -128, -184, -138 et -128 ainsi que 3 octaBDE et 2 heptaBDE non identifiés.

Les résultats de Tokarz et al. (2008), qui démontraient une persistance prolongée du décaBDE dans les microsomes de sédiments, sont corroborés par une étude sur le terrain d'Eljarrat et al. (2008) ainsi que par une étude de Sellström et al. (2005). Eljarrat et al.(2008) ont examiné le sort de PBDE présents dans les boues d'épuration de stations d'épuration des eaux usées de 5 municipalités d'Espagne à la suite d'un épandage agricole en 2005. Les concentrations de PBDE variaient entre 197 et 1 185 ng/g de poids sec, le BDE209 étant le congénère prédominant avec des concentrations variant entre 80,6 et 1 083 ng/g de poids sec. Les concentrations de BDE209 dans le sol de 7 sites agricoles variaient entre 14,6 et 1 082 ng/g de poids sec. De fortes concentrations (c.-à-d. 71,7 ng/g de poids sec) ont même été mesurées à un site où aucun épandage de boues n'avait été fait depuis 4 ans, ce qui illustre la persistance du BDE209 dans le sol. Sellström et al. (2005) ont recueilli des échantillons de PBDE dans des sites qui avaient été antérieurement amendés avec des boues d'épuration. Ils ont prélevé des échantillons du sol à trois stations de recherche (avec des parcelles de référence et des parcelles amendées avec des boues d'épuration) et à deux fermes (avec des sols de référence et des sols amendés ou inondés), en Suède. Ainsi, ils ont déterminé que les concentrations de décaBDE dans le sol variaient de 0,015 à 22 000 ng/g de poids sec. Les concentrations les plus élevées ont été observées dans les échantillons prélevés à la ferme, soit un site qui n'avait reçu aucun amendement pendant 20 ans.

Kohler et al. (2008) ont examiné les concentrations d'octaBDE, de nonaBDE et de décaBDE dans des sédiments ainsi que leurs tendances temporelles en utilisant une carotte de sédiments prélevée du Greifensee, un petit lac à proximité de Zurich, en Suisse. Dans leur étude, ils notent que les PBDE sont d'abord apparus dans des couches de sédiments au milieu des années 1970. Les auteurs ont détecté, à l'aide de matériaux de référence, les trois nonaBDE et au moins sept octaBDE (BDE202, -201, -197/204, -198/203, -196/200, -205 et -194) dans les sédiments de surface du lac. On a remarqué que les concentrations de nonaBDE et de décaBDE augmentaient rapidement au fil du temps, alors que les concentrations d'octaBDE augmentaient plus lentement. Les tendances de l'octaBDE et du nonaBDE dans les sédiments n'ont pas changé avec le temps; par conséquent, on n'a indiqué aucune transformation des PBDE dans les sédiments sur une période de 30 ans. Toutefois, les auteurs ont remarqué des proportions relativement différentes d'octaBDE et de nonaBDE dans les sédiments, comparativement aux mélanges commerciaux de PBDE. Ils ont notamment décelé du BDE202 qui n'est apparemment signalé dans aucun mélange de PBDE et ont avancé l'hypothèse selon laquelle la présence de ce congénère pourrait être attribuable à la transformation du décaBDE. Par ailleurs, les auteurs ont souligné que les tendances de l'octaBDE différaient de celles des mélanges commerciaux de PBDE, mais qu'elles étaient similaires aux tendances des produits de la photodégradation du décaBDE dans la poussière domestique ainsi qu'a leurs profils. Par conséquent, ils ont suggéré que des processus de transformation biotiques et abiotiques sont impliqués dans l'intervalle séparant le rejet de produits techniques dans l'environnement et la formation de leurs résidus finaux dans les sédiments; ces processus étant ainsi responsables des modifications des tendances des congénères observées dans les sédiments du lac suisse.

Zhou et al. (2007) ont évalué la capacité de moisissures ligninolytiques à dégrader le BDE209 dans un milieu de culture liquide et les effets du Tween 80 et du ß­cyclodextrin sur la dégradation du BDE209 par les moisissures ligninolytiques. Il a été démontré que les moisissures ligninolytiques entraînaient l'oxydation et la minéralisation rapides de nombreux composés aromatiques, notamment les BPC. Afin d'accroître la biodisponibilité des bromodiphényléthers, des agents solubilisants comme le surfactant Tween 80 ou la cyclodextrine ont été ajoutés aux systèmes d'essai. Les auteurs mentionnent que cette technologie est la plus appropriée pour les applications de biorestauration. Dans l'ensemble, la pertinence de cette étude concernant les conditions environnementales est inconnue.

Zhou et al. (2007) ont utilisé 1 mL de décaBDE (degré de pureté de 98 %) en solution dans le dichlorométhane qu'ils ont versé dans des fioles d'une capacité de 250 ml. Le solvant était ensuite évaporé, ce qui créait une masse totale de BDE209 de 16 µg recouvrant le fond des fioles. Une partie aliquote (100 ml) d'un milieu aqueux (mélange d'eau distillée, d'extrait de malt, de glucose, de peptone et d'extrait de levure) a été ajoutée à chaque fiole. Des moisissures ligninolytiques ont été inoculées à la culture liquide et le système d'essai a été agité pendant 10 jours dans l'obscurité. Des systèmes d'essai identiques ont également été préparés, mais des concentrations variant entre 0 et 900 mg/l de Tween 80 et de cyclodextrine étaient ajoutées. Des analyses ont été effectuées par chromatographie en phase liquide à haute résolution à l'aide d'un détecteur ultraviolet. Dans les systèmes d'essai auxquels seules des moisissures ligninolytiques avaient été ajoutées, la quantité de BDE209 avait diminué de 42,2 % sur une période de 10 jours. Aucune dégradation significative n'a été observée au fil du temps dans les échantillons témoins stériles. On a constaté qu'une concentration appropriée de Tween 80 favorisait la dégradation du BDE209 (dégradation maximale de 96,5 % après 10 jours). Il a également été démontré que la cyclodextrine favorisait la dégradation du BDE209 (dégradation maximale de 78,4 % après 10 jours). Aucun dérivé n'a été identifié dans cette étude.

Orihel et al. (2009) ont présenté une étude en cours qui peut fournir des renseignements clés sur la transformation environnementale et la bioaccumulation aquatique du décaBDE. Leur étude sur le terrain portant sur des mésocosmes compare les concentrations de BDE209, dans les sédiments et le périphyton, issues de traitements à dosage faible (0,039 g de DécaBDE), moyen (0,28 g de DécaBDE) et élevé (2,3 g de DécaBDE), à un mésocosme témoin. D'après les résultats préliminaires, les auteurs suggèrent que la répartition du DécaBDE s'est produite étant donné que l'on a observé des produits de PBDE moins bromés dans les sédiments de surface dans le mois suivant l'addition du DécaBDE à l'eau des mésocosmes. Par ailleurs, on a noté des pentaBDE, des hexaBDE et des heptaBDE dans les traitements à dosage moyen et élevé, mais pas dans le traitement à dosage faible ni dans le mésocosme témoin. On n'a remarqué du décaBDE que dans le périphyton, dans les traitements à dosage moyen et élevé. En outre, la présence de nonaBDE a été détectée dans le périphyton (dans le traitement à dosage élevé) après un mois, mais pas après quatre mois. Aucun hexaBDE, heptaBDE ou octaBDE n'a été décelé dans le périphyton après un mois, cependant, ils étaient détectables après quatre mois dans les mésocosmes impliqués dans le traitement à dosage élevé. Les résultats de cette étude seront peaufinés dans les années à venir.

3.2.2 Modèle conceptuel de transformation dans l'environnement

La probabilité, la vitesse et les produits de débromation potentiels du décaBDE dépendront du milieu dans lequel il est présent et de la vitesse des différents processus de dégradation (p. ex. photodégradation, dégradation abiotique, biodégradation). Afin d'illustrer les propriétés de partitionnement du décaBDE dans différents scénarios de débromation possibles, une modélisation de fugacité de niveau III a été réalisée à l'aide du modèle CHEMCAN (Webster et al., 2004) et des paramètres qui s'appliquent à la région des « plaines à forêts mixtes de l'Ontario » ont été définis. Voici les principaux paramètres d'entrée du modèle :

  • log Koe = 8,7 (Wania et Dugani,2003; se reporter à l'annexe C)
  • log Koa = 12 (c.-à-d. la valeur maximale permise dans le modèle, qui indique que le décaBDE est essentiellement non volatil; les valeurs estimées pour le décaBDE sont supérieures à 15)
  • taux de dégradation = négligeable dans l'air, l'eau, le sol et les sédimentsNote de bas de page 7

En raison de ses propriétés chimiques, on s'attend à ce que le décaBDE soit surtout adsorbé aux fractions organiques. Le tableau 3-1 présente les fractions sommaires prédites dans chaque milieu qui seront rejetées dans l'air, l'eau ou le sol. D'après le tableau 3-1, les observations suivantes semblent évidentes.

  1. On s'attend à ce qu'une importante fraction (> 96 %) du décaBDE présent dans l'environnement soit associée soit aux particules du sol, soit aux sédiments (selon que la substance est rejetée dans le sol ou dans le milieu aquatique) et que le décaBDE soit presque entièrement associé à un substrat au sein de ces milieux environnementaux.
  2. Même si < 3,4 % du décaBDE dans l'environnement devrait être associé aux phases d'air libre et d'eau libre, on s'attend à ce que > 95 % de la masse de décaBDE présente dans l'air libre ou dans l'eau libre soit adsorbée soit aux aérosols, soit aux sédiments en suspension.
  3. Indépendamment du scénario de rejets, on prévoit que moins de 0,1 % du décaBDE présent dans l'environnement sera dissous dans l'eau ou dans une phase gazeuse.

Par conséquent, les études qui examinent la débromation du décaBDE présent dans les sols et les sédiments ou adsorbé à des particules ou du biote dans l'air ou dans l'eau définissent probablement le mieux la signification potentielle du processus de transformation dans l'environnement. En ce qui a trait aux études sur la débromation du décaBDE en solution ou en phase gazeuse, la transformation a une signification moins pertinente et est probablement faible car on prédit que la fraction dissoute ou gazeuse du décaBDE dans l'environnement sera infime. Selon Stapleton (2006a) :

On s'attend à ce que le BDE209 présent dans l'environnement soit principalement lié à des particules solides dans la colonne d'eau et dans l'atmosphère. Par conséquent, la dégradation du BDE209 dissous dans l'eau (ou dans des solvants organiques) ne devrait pas être pertinente d'un point de vue de l'environnement. [Traduction]

Un autre aspect à prendre en considération lorsqu'on évalue l'information disponible en matière de débromation dans l'environnement est dans quelle mesure les conditions expérimentales représentent les conditions auxquelles on s'attendrait en milieu naturel. Par exemple, il est difficile d'extrapoler les résultats d'expériences qui utilisent des solvants organiques pour disperser ou dissoudre le décaBDE à des conditions du milieu normales, puisque les solvants organiques artificiels utilisés au cours d'études en laboratoire ne sont pas chose courante dans l'environnement et que la solubilité du décaBDE dans l'eau est beaucoup plus faible que celle des solvants organiques. En outre, les solvants organiques sont des donneurs d'hydrogène beaucoup plus puissants que l'eau ou toute autre substance d'origine naturelle, ce qui entraîne des taux de transformation du décaBDE plus rapides ainsi que des schémas de transformation potentiellement non représentatifs. Ainsi, en raison de la présence potentielle de diverses molécules donneuses dans l'environnement, il est peu probable que le remplacement des atomes de brome par l'hydrogène soit l'unique voie de transformation. Il n'est alors plus certain que les études de dégradation qui utilisent des solvants organiques soient représentatives de la dégradation prévue de décaBDE dans l'environnement. On doit également surveiller d'autres conditions expérimentales pour garantir une pertinence avec celles qui peuvent être observées dans l'environnement. Par exemple, les expériences qui utilisent la lumière naturelle ou simulée du soleil représentent probablement mieux les conditions naturelles que les expériences qui utilisent une lumière artificielle. De même, il est peu plausible que l'on trouve des matériaux tels que des nanoparticules de fer zérovalent, des cultures microbiennes spécialisées et des cultures de champignons en grande abondance dans l'environnement.

En général, les études en laboratoire examinant la transformation du décaBDE étaient fréquemment menées dans des conditions favorables à la débromation du décaBDE et pas nécessairement représentatives des conditions typiques dans l'environnement. Ainsi, bien que l'on s'attende à une certaine transformation du décaBDE dans l'environnement, les données qui démontrent que le décaBDE peut s'accumuler dans l'environnement (p. ex. consulter Canada, 2006, et Environnement Canada, 2006b) supposent également que cette substance est persistante.

Tableau  3-1 : Prédictions du modèle CHEMCAN relatives au décaBDE dans la région des « plaines à forêts mixtes de l'Ontario ».

  1 kg/année
rejeté dans
l'eauNote de bas de page a
1 kg/année
rejeté dans
le solNote de bas de page a
1 kg/année
rejeté dans
l'airNote de bas de page a
Masse dans l'air libre (kg) 1,27E-07 2,17E-07 2,23E-03
Fraction de la masse totale dans l'air libre 1,46E-06 % 7,64E-08 % 3,70E-03 %
Fraction dans l'air libre sous une forme gazeuse 0,21 % 0,21 % 0,21 %
Fraction dans l'air libre adsorbée aux aérosols 99,79 % 99,79 % 99,80 %
Masse dans l'eau libre (kg) 0,31 0,31 9,49E-02
Fraction de la masse totale dans l'eau libre 3,38 % 0,11 % 0,16 %
Fraction dans l'eau libre dissoute dans l'eau 0,12 % 0,01 % 0,12 %
Fraction dans l'air libre adsorbée aux particules en suspension 95,25 % 95,35 % 95,25 %
Fraction dans l'eau libre accumulée dans les tissus des poissons 4,63 % 4,63 % 4,64 %
Masse dans le sol en vrac (kg) 3,32E-03 274,36 57,59
Fraction de la masse totale dans le sol en vrac 0,00 % 96,80 % 95,35 %
Fraction dans les poches d'air du sol en vrac 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans le sol en vrac dissoute dans l'eau du sol 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans le sol en vrac adsorbée aux particules du sol 100,00 % 100,00 % 100,00 %
Masse dans les sédiments en vrac (kg) 8,78E+00 8,78 2,71
Fraction de la masse totale dans les sédiments en vrac 96,60 % 3,10 % 4,49 %
Fraction dans les sédiments en vrac dissoute dans l'eau interstitielle 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans les sédiments en vrac adsorbée aux particules de sédiments 100,00 % 100,00 % 100,00 %

La figure 3-1 intègre dans un modèle conceptuel l'information disponible sur les voies potentielles de débromation du décaBDE dans l'environnement, tandis que le tableau 3-2 donne une liste des produits potentiellement formés après chaque processus de débromation. Un sommaire tabulé des données sur la débromation dans l'environnement est présenté à l'annexe E.

Les études qui s'intéressent au décaBDE adsorbé aux particules ou aux substrats et qui sont réalisées en l'absence de solvants organiques et en présence de lumière naturelle du soleil peuvent donner une idée réaliste de la transformation du décaBDE dans l'environnement. La figure 3-2a résume les voies de dégradation du décaBDE adsorbé aux particules ou aux substrats. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) adsorbé à la poussière ou à d'autres minéraux secs et à des particules semble se transformer rapidement; sa demi-vie varie entre 76 minutes (décaBDE adsorbé à une mince couche de kaolinite; Gerecke, 2006) et 408 heures (décaBDE adsorbé à la poussière domestique; Stapleton et Dodder, 2006). La transformation semble se produire selon une débromation réductive progressive et former des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE. Quelques études ont également proposé des voies de réaction de substitution qui entraînent la formation de tétraBDE et de pentaBDE ainsi que des produits non identifiés.

En général, le décaBDE (c.-à-d. BDE209) adsorbé à des particules dans des systèmes aqueux semble se photodégrader plus lentement; sa demi-vie varie entre 73 minutes (décaBDE adsorbé à une mince couche de kaolinite en présence d'eau; Gerecke et al., 2006) et 990 jours (décaBDE adsorbé à des molécules de carbone organique dans les sédiments et exposé à la lumière du soleil; Ahn et al., 2006a). De plus, certaines études ont également permis de démontrer une dégradation importante du décaBDE (jusqu'à 71 %) sur une période de 60 à 72 heures. Les produits identifiés comprenaient des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE, ainsi que certains PBDE moins bromés. Le potentiel de transformation photolytique du décaBDE adsorbé semble varier en fonction de la capacité de la lumière solaire à pénétrer l'eau et l'agent sorbant. Gerecke et al. (2006) ont constaté que la lumière pénétrait la kaolinite à une profondeur de seulement 50 mm, ce qui suggère que la photodégradation du décaBDE est principalement limitée à la quantité de la substance présente sur les surfaces exposées. La lumière solaire qui pénètre les eaux de surface et atteint les sédiments benthiques et en suspension est elle aussi atténuée dans une certaine mesure. Par conséquent, il est possible de conclure que bien que la photodégradation du décaBDE puisse se produire à des vitesses considérables lorsqu'il est adsorbé aux substrats, seule une très petite fraction du décaBDE total présent dans l'environnement (p. ex. portion adsorbée aux particules ou aux surfaces solides), soit la fraction qui est en contact avec la lumière du soleil, serait susceptible de se photodégrader. Par ailleurs, bien qu'elle soit une fonction des caractéristiques de la matrice (p. ex. capacité de protection) et du niveau d'exposition à la lumière du soleil, la photodégradation sera restreinte.

En plus d'être sujet à une photodégradation, le décaBDE adsorbé aux solides peut être soumis aux processus de biodégradation observés dans les sédiments aquatiques, les sols ou les stations d'épuration des eaux usées. La figure 3-2b présente sommairement les voies de biodégradation du décaBDE. Les résultats des études de biodégradation sont quelque peu divergents. Les premières études (MITI, 1992, Schaefer et Flaggs, 2001, et CMABFRIP, 2001) étaient centrées sur la minéralisation du décaBDE et elles ne démontraient qu'une dégradation infime du décaBDE, le cas échéant. Cependant, ces études ne déterminaient pas particulièrement la production de dérivés potentiels. Tokarz et al. (2008) ont indiqué que le décaBDE présent dans les microcosmes de sédiments naturels avait une demi-vie variant entre 6 et 50 ans, avec une moyenne 14 ans. Dans le cadre d'études en laboratoire qui utilisent des boues activées, Gerecke et al. (2005, 2006) ont déterminé que la demi-vie du décaBDE variait de 693 à 1 400 jours, selon qu'une amorce était utilisée ou non, et ils ont pu identifier des octaBDE et des nonaBDE comme produits de débromation. Lors d'une étude distincte, He et al. (2006) ont constaté, au bout de 2 mois, que le décaBDE se transformait complètement en heptaBDE et en octaBDE lorsqu'il était exposé à une culture anaérobie en particulier (Sulfurospirillum multivorans), mais qu'il ne subissait qu'une dégradation négligeable en présence d'autres cultures anaérobies. Les études de surveillance qui portent sur les boues des stations d'épuration des eaux usées (Knoth et al., 2007; La Guardia et al., 2007) fournissent peu de preuves de la débromation du décaBDE dans les stations d'épuration, possiblement parce que le temps de séjour dans ces stations est trop court pour qu'une importante débromation puisse être observée. De plus, les études sur les microcosmes de sédiments réalisées par Parsons et al. (2004, 2007) ne fournissent aucune preuve d'une débromation significative quoique Parsons et al. (2007) aient identifié de petites quantités de nonaBDE. Par conséquent, bien que les conditions expérimentales des études sur les boues activées soient pertinentes d'un point de vue de l'environnement, il est possible que les vitesses de dégradation soient trop lentes ou que les cultures utilisées soient trop spécifiques pour que la débromation observée soit significative dans l'environnement. Dans l'ensemble, il semblerait que le décaBDE adsorbé aux solides serait davantage sujet à une photodégradation qu'à une biodégradation.

Figure 3-2 : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement

(A) Photodégradation du décaBDE adsorbé à des particules (poussière, sol, aérosol et sédiments) dans des systèmes secs et aqueux

  • La photodégradation de décaBDE adsorbé aux poussières, aux aérosols, aux sédiments en suspension et à d'autres solides se produit plus rapidement que la biodégradation de la substance, mais plus lentement que la photodégradation de décaBDE en solution, probablement en raison de la pénétration restreinte de la lumière dans les surfaces solides.
  • > 95 % du décaBDE dans l'air libre et dans l'eau libre sera adsorbé soit aux aérosols, soit aux sédiments en suspension.
  • Toutefois, on s'attend à ce que < 3,4 % du décaBDE présent dans l'environnement soit associé aux milieux aqueux ou gazeux, ce qui réduit ainsi l'importance de la photodégradation du décaBDE adsorbé aux solides dans ces milieux environnementaux.
  • Le décaBDE adsorbé aux poussières et à d'autres surfaces à l'intérieur, à l'extérieur et dans les voitures pourrait être considérablement exposé à la lumière et être sujet à une photodégradation potentiellement importante.
  • Le décaBDE à la surface du sol pourrait également être exposé à la lumière et sujet à une photodégradation.
  • La photodégradation de décaBDE adsorbé aux substrats représente peut-être la voie de dégradation dans l'environnement la plus importante.
Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement.


(B) Biodégradation

  • La biodégradation se produit lentement dans les expériences avec des boues activées et elle est peut-être restreinte dans les sédiments et les sols, qui affichent des conditions de biodégradation qui ne sont pas idéales.
  • Néanmoins, on s'attend à ce qu'une grande partie (> 96 %) du décaBDE présent dans l'environnement soit associée soit aux sols, soit aux sédiments, selon le milieu dans lequel il est rejeté.
  • Dans le sol et les sédiments, la biodégradation constituera la voie de transformation principale étant donné que la pénétration de la lumière y sera limitée, ce qui diminue la photodégradation.
  • Vu les faibles taux de biodégradation, l'importance de l'ensemble de ces voies de transformation dans l'environnement est incertaine.
Biodégradation


(C) Photodégradation du décaBDE en solution (solvants naturels et organiques)

  • Le décaBDE en solution est rapidement soumis à une photodégradation lorsqu'il est irradié à la lumière du soleil ou à une lumière artificielle.
  • Cependant, on prévoit que moins de 0,1 % du décaBDE présent dans l'environnement sera dissous dans une solution.
  • Par conséquent, même si la réaction est rapide, la photodégradation du décaBDE en solution ne devrait pas entraîner une importante débromation totale du décaBDE dans l'environnement.
Photodégradation du décaBDE en solution


(D) Dégradation abiotique (autre que la photodégradation)

  • Le décaBDE peut subir une dégradation abiotique en présence d'agents réducteurs ou en présence de donneurs d'hydrogène naturels comme le catéchol lorsqu'il est adsorbé à des minéraux (même si la dégradation observée en présence de catéchol est lente).
  • L'hydrolyse a également été démontrée, mais on ne sait pas si cette réaction pourrait se produire dans des conditions environnementales normales.
  • Puisque relativement peu d'études ont été réalisées sur la dégradation abiotique, l'importance des processus abiotiques est très incertaine.
  • Il est possible que la dégradation abiotique, bien qu'elle soit lente, soit un processus important dans les sols et les sédiments, où la lumière ne pénètre pas et où la biodégradation se fait lentement.
Dégradation abiotique

Tableau 3-2 : Sommaire des dérivés du décaBDE observés dans le cadre d'études en rapport avec un cadre environnemental

Groupe
de congé-
nères
formé
Groupes
ciblés
aux fins
d'une
quasi-
élimi-
nation
en vertu
de la
LCPE
(1999)
Processus de transformation du décaBDE
Photodégradation
du décaBDE
adsorbé aux
solides
dans des systèmes
secs et aqueux
(renvois
entre
parenthèses)
Photodé-
gradation
du
décaBDE
dissous
dans des
solvants
naturels
(renvois
entre
paren-
thèses)
Photodé-
gradation
du décaBDE
dissous dans
des solvants
organiques
artificielsNote de bas de page b
(renvois
entre
parenthèses)
Biodégradation
(renvois
entre
parenthèses)
Dégradation
abiotique
(renvois
entre
parenthèses)
nonaBDE   X (Söderstrom et al. (2004), Jafvert et Hua (2001)Note de bas de page c, Hua et al. (2003), Ahn et al. (2006a), Stapleton et Dodder (2006), Stapleton (2006b), Kajiwara et al (2008)) X (Geller et al. (2006)) X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Palm et al. (2003), Bezares-Cruz et al. (2004), Eriksson et al. (2004), Geller et al. (2006), Barcellos da Rosa et al. (2003)) X (Gereckeet al. (2005), He et al. (2006), Gerecke et al. (2006), Kajiwara et al (2008)Note de bas de page detNote de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b, Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
octaBDE   X (Söderstrom et al. 2004, Jafvert et Hua (2001)Note de bas de page c, Hua et al. (2003), Ahn et al. (2006a), Stapleton et Dodder (2006), Stapleton (2006b), Kajiwara et al (2008)) X (Geller et al. (2006)) X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Palm et al. (2003), Bezares-Cruz et al. (2004), Eriksson et al. (2004), Geller et al. (2006), Barcellos da Rosa et al. (2003)) X (Gereckeet al. (2005), He et al. (2006), Kajiwara et al (2008)Note de bas de page detNote de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b, Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
heptaBDE   X (Söderstrom et al. (2004), Jafvert et Hua (2001)Note de bas de page c, Ahn et al. (2006a), Stapleton et Dodder (2006), Stapleton (2006b), Kajiwara et al (2008)) X (Geller et al. (2006)) X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Palm et al. (2003), Bezares-Cruz et al. (2004), Eriksson et al. (2004), Geller et al. (2006), Barcellos da Rosa et al. (2003)) X (He et al. (2006), Kajiwara et al (2008)Note de bas de page detNote de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b)
hexaBDE X X (Söderstrom et al. (2004), Jafvert et Hua (2001)Note de bas de page c, Ahn et al. (2006a), Kajiwara et al (2008)) X (Geller et al. (2006)) X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Palm et al. (2003)Note de bas de page a.1, Bezares-Cruz et al. (2004), Eriksson et al. (2004)Note de bas de page a.1) X (Kajiwara et al (2008)Note de bas de page detNote de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b, Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
pentaBDE X X (Ahn et al. (2006a)Note de bas de page a.1)   X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Bezares-Cruz et al. (2004)) X (Kajiwara et al (2008)Note de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b, Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
tétraBDE X X (Ahn et al. (2006a)Note de bas de page a.1)   X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Bezares-Cruz et al. (2004)) X (Kajiwara et al (2008)Note de bas de page e) X (Keum et Li (2005), Ahn et al. (2006b)Note de bas de page b, Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
triBDE   X (Ahn et al. (2006a)Note de bas de page a.1)   X (Watanabe et Tatsukawa (1987), Bezares-Cruz et al. (2004)) X (Kajiwara et al (2008)Note de bas de page e) X (Tokarz et al. (2008)Note de bas de page b)
pentaBDF   X (Kajiwara et al (2008))        
heptaBDF   X (Kajiwara et al (2008))        
hexaBDF   X (Kajiwara et al (2008))   X (Hagberg et al. (2006))    
triBDF    (Söderstrom et al. (2004), Kajiwara et al (2008))   X (Geller et al. (2006), Hagberg et al. (2006))    
tétraBDF   X (Söderstrom et al. (2004), Kajiwara et al (2008))   X (Geller et al. (2006), Hagberg et al. (2006))    
triBDF    (Kajiwara et al (2008))   X (Geller et al. (2006), Hagberg et al. (2006))    
diBDF       X (Hagberg et al. (2006)Note de bas de page a.1)    
monoBDF       X (Hagberg et al. (2006)Note de bas de page a.1)    
Produits chimiques non identifiés   X ( Stapleton et Dodder (2006), Stapleton (2006b), Gerecke (2006), Kajiwara et al (2008))   X (Palm et al. (2003))    

BDE - bromodiphényléthers; BDF - bromodibenzofuranes
Les résultats de Gerecke (2006) ne sont pas inclus car bien que les produits de dégradation aient été décrits comme des PBDE moins bromés, il n'y avait aucune indication à savoir quels PBDE avaient été formés.
Les résultats de Parsons et al. (2004) ne sont pas inclus car la dégradation en nonaBDE et en PBDE moins bromés a été observée tant dans les groupes expérimentaux que dans les groupes témoins.

 

Bien que les expériences de photodégradation du décaBDE dissous dans l'eau représentent des conditions du milieu pertinentes, l'importance de toute débromation observée est incertaine puisque seule une très faible fraction du décaBDE serait présente dans la phase dissoute. La figure 3-2c illustre un modèle conceptuel des voies de photodébromation du décaBDE dissous dans des systèmes d'eau et de solvant. Deux des études connexes sont notables parce que les résultats sont possiblement pertinents à l'environnement naturel. Eriksson et al. (2004) ont observé que le décaBDE en solution dans des mélanges d'eau et d'acides humiques subissait une transformation relativement rapide (demi-vie = 6,4 heures) en hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE. Étant donné qu'une lumière artificielle a été utilisée, on ne sait pas avec certitude si la vitesse de transformation serait aussi rapide avec la lumière naturelle du soleil. Kuivikko et al. (2006, 2007) ont observé que la demi-vie de photodégradation du décaBDE en solution dans l'isooctane était de 0,3 jour, mais ils ont mis au point une modélisation et ont estimé que la demi-vie du décaBDE présent dans les eaux de surface de la mer Baltique et de l'océan Atlantique variait entre 0,2 et 1,8 jour.

Des études en laboratoire sur la transformation du décaBDE appuient la conclusion selon laquelle la transformation en bromodiphényléthers et bromodibenzofuranes moins bromés devrait se produire dans l'environnement. Il y a cependant une différence entre les résultats de ces études et ceux d'études de surveillance, car il n'existe aucune donnée réaliste à l'appui d'une transformation importante du décaBDE dans l'environnement. Si ces études de laboratoire décrivaient exactement la transformation dans l'environnement, on s'attendrait à trouver des similarités entre la tendance observée dans l'environnement et celle associée aux dérivés du décaBDE dans les études en laboratoire. On s'attendrait à observer une quantité considérable de dérivés du décaBDE dans les différents milieux naturels comme les sédiments. L'évaluation préalable canadienne des PBDE (Canada, 2006) a montré que, dans le contexte des études de surveillance, ce sont les congénères des mélanges commerciaux de PentaBDE et d'OctaBDE qui sont prédominants. Selon l'étude du Royaume-Uni (2007a), les données de surveillance disponibles n'offrent que des preuves circonstancielles limitées de la corrélation entre les concentrations de décaBDE et de PBDE moins bromés dans certains milieux naturels (p. ex. en faisant référence aux conclusions de Voorspels et al., 2006a, 2007b). On mentionne également dans l'étude du Royaume-Uni (2007a) que, selon l'étude de Gerecke et al. (2005), la biodégradation semble faire perdre de manière préférentielle à la molécule de bromodiphényléther des atomes de brome en position para, mais que ces PBDE ne sont pas couramment observés dans l'environnement.

En plus de la photodégradation et de la biodégradation, les expériences en laboratoire montrent que le décaBDE est sujet à une débromation abiotique lorsqu'il n'est pas exposé à la lumière. La figure 3-2d illustre de façon sommaire les voies de transformation de ces autres processus de dégradation abiotiques. Keum et Li (2005) ont observé que jusqu'à 90 % du décaBDE dissous dans de l'eau déinonisée se transformait au bout de 40 jours en présence d'agents réducteurs comme le fer zérovalent, le sulfure de fer et le sulfure de sodium. Li et al. (2007) ont démontré que le décaBDE disparaissait complètement après 8 heures dans un système d'eau et d'acétone contenant du fer zérovalent nanométrique, tandis que Rahm et al. (2005) ont constaté que le décaBDE dissous dans du méthanol avait une demi-vie de 0,028 heure et qu'il réagissait avec le méthylate de sodium. Tout comme pour les études de photodégradation qui utilisent des solvants organiques, on ne sait pas avec certitude dans quelle mesure ces études sont représentatives des conditions naturelles et si de tels processus peuvent se produire dans des conditions naturelles.

3.2.3 Implications pour l'évaluation de la bioaccumulation

Les résultats de laboratoire existants relatifs à la transformation et à la débromation du décaBDE par l'entremise de processus environnementaux telles la photodégradation, la dégradation abiotique et la biodégradation sont le signe qu'il existe des voies de transformation potentielles qui entraînent la formation de :

  1. PBDE moins bromés;
  2. bromodibenzofuranes;
  3. produits de dégradation non identifiés.

Par contre, les études de laboratoire indiquent également que tant les PBDE moins bromés que les PBDF moins bromés seraient eux-mêmes sujet à une dégradation plus poussée et on ne connaît pas l'importance réelle que revêt la formation de ces produits. Palm et al. (2003) et Eriksson et al. (2004) ont démontré que la diminution du taux de transformation des PBDE est proportionnelle à la diminution du nombre d'atomes ou de molécules de brome. À mesure que la débromation diminue, les diphényléthers ont tendance à moins chevaucher les spectres d'absorption de longueurs d'onde > 290 nm, qui correspondent à la gamme des longueurs d'onde du spectre solaire au sol, et on s'attend alors à ce que ces substances soient moins susceptibles à une dégradation que le décaBDE. Étant donné qu'on a démontré que les PBDE moins bromés se phototransformaient plus lentement que le décaBDE, on pourrait avancer l'hypothèse que le seul ajout de décaBDE dans un système entraînerait une accumulation continue de PBDE moins bromés, jusqu'à ce que le système atteigne l'état d'équilibre. Une certaine photodégradation pourrait néanmoins se poursuivre et produire jusqu'à des biphényléthers. L'ampleur de l'accumulation serait difficile à prédire puisque la formation et la dégradation ultérieure des PBDE dépendent du taux relatif de formation et de dégradation de ces substances dans l'environnement, qu'on ne connaît pas. De plus, l'ampleur de l'accumulation dépendrait des taux de charge du décaBDE dans l'environnement, qui sont également difficile à prédire (Royaume-Uni, 2004).

Afin d'évaluer le potentiel de bioaccumulation et de bioamplification de ces dérivés du décaBDE dans la chaîne alimentaire, on aura recours aux modèles de prédiction des facteurs de bioaccumulation et de bioamplification de la section 3.1 (voir annexe D pour les valeurs utilisées comme intrants du modèle). Dans le cadre de l'analyse, on présume que les transformations du décaBDE observées dans les études en laboratoire, lesquelles ont été abordées dans ce rapport, se produisent également en milieu naturel, bien que l'on reconnaisse que ce sujet est incertain. Tel qu'il a été mentionné précédemment, en l'absence d'une activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioaccumulation des hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE soient supérieurs à 5 000. Lorsque l'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits pour les hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE dépassent toujours 5 000, mais dans des ordres de grandeur inférieurs.

On a également tenté d'estimer les facteurs de bioaccumulation des bromodibenzofuranes. En ce qui concerne ces dérivés, vu qu'aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM, une valeur égale à celle estimée pour le décaBDE a été choisie à titre explicatif. Bien que l'on s'attende à ce que les PBDE soient davantage métabolisés, on ne connaît pas les taux métaboliques réels. Même si la valeur choisie et les facteurs de bioamplification qui en découlent représentent des prédictions hypothétiques raisonnables, il est important de reconnaître que ces prédictions sont incertaines. Les estimations du logarithme Koe et de la constante kM sont plus amplement décrites à l'annexe D. En l'absence d'une activité métabolique, on prévoit que les facteurs de bioaccumulation des pentaBDE et des hexaBDF seront supérieurs à 5 000 pour les poissons de niveau trophique intermédiaire, alors que les prédictions des facteurs de bioamplification pour les triBDE et les tétraBDF seront inférieures à 5 000. Lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), l'état des bromodibenzofuranes relativement au facteur de bioaccumulation de 5 000 reste le même, mais des valeurs sont quelque peu inférieures globalement.

En l'absence d'une activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioamplification des hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE soient très élevés, variant de 130 à 150 environ. Cependant, lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits pour ces congénères varient entre 5 et 6. Les facteurs de bioamplification corrigés étaient supérieurs à 1 pour tous les métabolites, principalement en raison d'une efficacité d'assimilation alimentaire relativement élevée calculée pour ces substances. En ce qui concerne les bromodibenzofuranes, on a noté un facteur de bioamplification similaire allant de 120 à 150 pour les pentaBDF et les hexaBDF, alors que les facteurs de bioamplification prédits pour les triBDF et les tétraBDF étaient de 8 et de 45, respectivement. Lorsqu'elles étaient corrigées, les valeurs du facteur de bioamplification variaient de 4 à 6 (une valeur de kM semblable a été utilisée pour tous les bromodibenzofuranes).

L'analyse modélisée de la formation potentielle de dérivés du décaBDE dans l'environnement prédisait que les facteurs de bioaccumulation seraient essentiellement supérieurs à 5 000 et que les facteurs de bioamplification de certains dérivés seraient supérieurs à 1 pour presque tous les métabolites en raison de l'efficacité d'assimilation alimentaire relativement élevée et des valeurs optimales du log Koe et du log Koa pour la bioaccumulation par diffusion passive. Ces prédictions soulèvent des préoccupations à savoir si les dérivés formés dans l'environnement obtenus à la suite d'une photodégradation, d'une biodégradation et possiblement d'une dégradation abiotique du décaBDE pourraient être bioaccumulés et bioamplifiés dans la chaîne alimentaire, contribuant ainsi à l'accroissement de l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur à ces substances et donc aux risques qu'ils courent.

Détails de la page

Date de modification :