Paraffines chlorées : résumé

Synopsis

Les paraffines chlorées (PC) sont des dérivés chlorés de n-alcanes dont la chaîne carbonée contient de 10 à 38 atomes de carbone et dont la teneur en chlore est variable. Les PC sont subdivisées en paraffines chlorées à chaîne courte (chaîne de 10 à 13 atomes de carbone), ou PCCC, à chaîne moyenne (chaîne de 14 à 17 atomes de carbone), ou PCCM, et à chaîne longue (chaîne de 18 atomes de carbone ou plus), ou PCCL.

Les paraffines chlorées ont été inscrites sur la première Liste des substances d'intérêt prioritaire (LSIP1) en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1988) (LCPE 1988) afin d'évaluer les risques qu'elles pouvaient présenter pour l'environnement et la santé humaine. Il a été conclu, sur la foi des données alors obtenues, que les PCCC étaient « toxiques » car elles constituaient ou pouvaient constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine au sens de l'alinéa 11c) de la LCPE 1988. Mais comme cela était mentionné dans le rapport d'évaluation des substances de la LSIP1 diffusé en 1993, les données pertinentes obtenues avant août 1992 ont été jugées insuffisantes pour conclure que les PCCC, les PCCM ou les PCCL pouvaient avoir, immédiatement ou à long terme, des effets nocifs sur l'environnement, au sens de l'alinéa 11a) de la LCPE de 1988, ou que les PCCM ou les PCCL pouvaient être « toxiques » pour la santé humaine au sens de l'alinéa  11c) de cette même loi.

Des recherches pour combler les lacunes des données nécessaires à l'évaluation des incidences des PC sur l'environnement ont été financées, une enquête auprès de l'industrie portant sur la fabrication, l'importation et l'utilisation des PC au Canada au cours des années 2000 et 2001 a été réalisée au moyen d'un avis publié dans la Gazette du Canada en vertu de l'article 71 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)], et un examen des publications a été fait pour y relever les nouvelles données sur l'exposition aux PC et leurs effets toxiques ayant trait aux humains et aux autres organismes tant au Canada qu'à l'étranger.

Le volume total annuel déclaré des PC utilisées au Canada (production et importation moins exportation) s'élevait à 3 000 tonnes environ en 2000 et 2001. La grande majorité de ce volume était accaparée par les PCCM, les PCCC et les PCCL ne représentant que des fractions mineures. Au Canada, les PC sont surtout utilisées dans les plastiques, comme additifs de lubrifiants et pour le travail des métaux. Il n'y avait qu'une seule installation de fabrication de PC au Canada où n'étaient produites que des PCCM et des PCCL. En 2000, la capacité de production déclarée de cette installation était de 8,5 kilotonnes. Ces substances ne sont pas actuellement produites au Canada.

Il n'y a pas de source naturelle connue de PC. Les principales sources de rejet de PC (PCCC, PCCM et PCCL) dans l'environnement canadien sont sans doute attribuables à la formulation et à la fabrication de produits contenant ces substances et destinés au travail des métaux. Les sources possibles de rejet dans l'eau à partir des activités de fabrication sont les déversements, le lavage des installations et le rinçage et l'élimination des fûts. Les PC présentes dans les fluides de travail ou de coupe des métaux peuvent être rejetées dans le milieu aquatique par l'élimination des fûts et l'entraînement de produits ou à partir des bains usés. Ces rejets sont recueillis par les réseaux d'égouts et se retrouvent dans les effluents des usines de traitement des eaux usées. Une fois dans l'environnement, les PC ont surtout tendance à se déplacer vers les sédiments et le sol.

Évaluation environnementale

Au Canada, des PCCC ont été décelées dans les milieux suivants : atmosphère de l'Arctique, sédiments de lacs en zones nordiques éloignées, effluents d'usines de traitement des eaux usées du sud de l'Ontario, eau de surface, sédiments, plancton, invertébrés et poissons du lac Ontario et mammifères marins de l'Arctique canadien et du fleuve Saint-Laurent. Leur présence a aussi été notée dans le plancton, les invertébrés et les poissons du lac Michigan. Des PCCM ont été décelées dans les effluents d'une usine de fabrication de PC voisine de Cornwall (Ontario) et les sédiments à proximité de cette usine, dans des poissons du lac Ontario et chez des bélugas du fleuve Saint-Laurent. Les concentrations maximales canadiennes de PCCC et de PCCM ont été mesurées dans le biote aquatique et les sédiments du fleuve Saint-Laurent ainsi que dans les sédiments et les poissons du sud-ouest de l'Ontario. Il n'existe pas de données sur les concentrations de PCCL dans l'environnement canadien. Ces substances ont été décelées en milieu marin dans des sédiments, des crabes et des moules à proximité d'une usine de fabrication de PC située en Australie.

La demi-vie dans l'atmosphère de nombreuses PC est estimée à plus de deux jours. Des PCCC ont été décelées dans le biote et les sédiments de lacs de l'Arctique, où il n'y a pas de sources appréciables de ces substances, ce qui porte à croire à un transport atmosphérique à grande distance de ces substances. Des résidus de PCCC et de PCCM ont été trouvés dans des sédiments de lacs canadiens vieux de plus de 25 ans en des concentrations qui indiquent que la demi-vie de ces deux PC dans les sédiments devrait être supérieure à un an. Il n'existe pas de données sur la présence de PCCL dans les sédiments des lacs au Canada, mais leurs propriétés physiques et chimiques, semblables à celles des PCCM, font que les PCCL devraient être persistantes dans les sédiments. Plusieurs études de la biodégradation ont montré que la biodégradation diminuait à mesure qu'augmentait la longueur de la chaîne des carbones. Il est donc conclu que les PCCC, les PCCM et les PCCL sont persistantes au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999).

Les facteurs de bioaccumulation (FBA) de 9 900 à 51 200 (poids humide) déterminés pour des chabots, des éperlans et des truites du lac Ontario indiquent que les PCCC font l'objet d'une importante bioaccumulation dans le biote aquatique du Canada, ce qui est confirmé par les facteurs de bioconcentration (FBC) très élevés obtenus en laboratoire. Il a été constaté, en dépit de l'absence d'études valables des FBC, que les PCCM présentaient un potentiel appréciable de bioaccumulation dans les réseaux trophiques aquatiques. En effet, on a estimé sur le terrain des FBA de 5 450 environ (poids humide) pour les PCCM dans certains poissons du lac Ontario. De plus, les FBA calculés à l'aide du modèle modifié de Gobas sont supérieurs à 5 000 pour tous les congénères des PCCC et des PCCM.

Bien que les facteurs de bioamplification (FBAm) ne soient pas pris en compte par le règlement sur la bioaccumulation, des faits indiquent qu'il y a bioaccumulation lorsque ces facteurs sont sensiblement supérieurs à un. Les PCCC et les PCCM présentaient des facteurs de bioamplification supérieurs à un dans divers réseaux trophiques et ceux des PCCL étaient aussi supérieurs à un. Les FBAm de la PCCL C18H30Cl7 liquide déterminés en laboratoire étaient supérieurs à un chez la truite arc-en-ciel et la demi-vie de cette PC chez la truite était semblable à celle des composés résistants qui sont connus pour faire l'objet d'une accumulation dans les organismes et d'une bioamplification dans les chaînes trophiques. En outre, le coefficient de partage octanol-eau (log Koe) des PCCC, des PCCM et des PCCL est supérieur à cinq. Des concentrations élevées de PCCM ont été mesurées dans le biote aquatique de l'estuaire du Saint-Laurent, des États-Unis et de l'Australie. Toutes les études publiées recensées portant sur le FBC des PCCL indiquaient des valeurs inférieures à 5 000, mais quelques concentrations élevées de PCCL ont été notées chez des organismes benthiques marins en Australie. De plus, le modèle modifié de Gobas prévoit un FBA d'au moins 5 000 pour 44 % des congénères des PCCL C18-20 liquides, ce qui n'est le cas pour aucun des congénères des PCCL C>20. Il est donc conclu, en se fondant sur la méthode du poids de la preuve, que les PCCC, les PCCM et les PCCL C18-20 liquides sont bioaccumulables au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999). Par ailleurs, si l'on se fonde sur le peu d'information disponible (surtout en matière d'estimation du FBA), les PCCL C>20 liquides et solides ne sont pas bioaccumulables au sens de ce règlement.

Les données sur la toxicité indiquent que les PCCC, les PCCM et les PCCL C18-20 peuvent être nocives pour certaines espèces aquatiques (par exemple, Daphnia magna) à de faibles concentrations (p. ex., CSEO < 100 µg/L).

Les PCCC, les PCCM et les PCCL C18-20 sont jugées à la fois fortement persistantes et bioaccumulables. Il est aussi démontré que ces paraffines chlorées sont rejetées dans l'environnement canadien et qu'elles peuvent être nocives, à des concentrations relativement faibles, pour des organismes aquatiques vulnérables. Les substances persistantes demeurent longtemps dans l'environnement, ce qui accroît l'ampleur et la durée de l'exposition. Le rejet de petites quantités de substances bioaccumulables peut donner lieu à des concentrations internes élevées chez les organismes exposés. Les substances fortement bioaccumulables et persistantes sont particulièrement préoccupantes, car elles peuvent faire l'objet d'une bioamplification dans les réseaux trophiques, ce qui se traduit par des expositions internes très élevées, surtout chez les prédateurs des niveaux trophiques supérieurs.

Évaluation des effets sur la santé humaine

Dans le cas des PCCC, les données essentielles à l'estimation de l'exposition de la population générale au Canada et à l'évaluation du poids de la preuve appliqué au mode d'induction de certaines tumeurs ont été recensées pour la période allant de la diffusion de l'évaluation des substances de la LSIP1 à février 2001. La plus grande partie de cette information avait cependant déjà été présentée dans des comptes rendus de sommaires incomplets ou dans des résumés. Selon ces données, plusieurs des tumeurs observées au cours d'essais de cancérogénicité chez des rats et des souris exposés à des PCCC sont induites par des modes d'action qui ne s'appliquent pas aux humains (tumeurs du rein chez le rat mâle) ou qui ont sans doute un effet moindre chez les humains (chez le rat, les tumeurs liées à la prolifération des peroxisomes et les tumeurs de la thyroïde découlant d'une perturbation thyroïde-hypophyse). Il n'existe pas de documentation complète des études disponibles ni d'examen des recherches supplémentaires sur le caractère réversible des lésions précurseurs en l'absence d'une exposition continue. Les données présentées sur le mode d'induction des tumeurs et le poids de la preuve indiquant que les PCCC n'agissent pas sur l'ADN constituent cependant une base suffisante pour la détermination d'une dose journalière tolérable (DJT) pour les effets autres que le cancer à titre de valeur de protection contre la cancérogénicité pour ce qui est des tumeurs observées. Les limites supérieures de la dose journalière estimée de PCCC s'approchent ou dépassent la DJT de ces composés qui, sur la base des renseignements disponibles, protège sans doute aussi d'une possible cancérogénicité.

En ce qui a trait aux PCCM et aux PCCL, les données essentielles à l'estimation de l'exposition de la population générale au Canada et à l'évaluation des effets ont été recensées pour la période allant de la diffusion de l'évaluation des substances de la LSIP1 à décembre 2000. Selon ces données semi-quantitatives, les limites supérieures estimées de la dose journalière de ces substances sont du même ordre de grandeur que la DJT de ces substances, ou y sont supérieures.

Conclusion

Sur la foi des renseignements disponibles, il est conclu que les PC dont la chaîne compte jusqu'à vingt atomes de carbone pénètrent ou peuvent pénétrer dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique et que toutes les paraffines chlorées peuvent constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine. Les PC dont la chaîne compte jusqu'à vingt atomes de carbone sont persistantes et bioaccumulables au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation.

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