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Les dix événements météorologiques les plus marquants au Canada en 2013

Nº1 L'inondation des inondations en Alberta

Figure 1a.Carte du Canada mettant en évidence le sud de l'Alberta. Cliquer pour grande carte.

En Alberta, l'inondation majeure de 2013 s'est étendue sur un quart de la province et jusqu'au cœur de Calgary, la quatrième plus grande ville du Canada. Cette inondation a bloqué l'accès à des dizaines de collectivités de la province et s'est soldée par une évacuation sans précédent, la plus grande au Canada en plus de 60 ans, forçant plus de 100 000 Albertains à quitter leur domicile. Il s'agit également de la catastrophe naturelle la plus coûteuse qu'a connue le Canada, plus coûteuse encore que la tempête de verglas qui a ravagé l'Est canadien en 1998. Les économistes estiment que l'inondation aura entraîné des dommages, des pertes et des coûts de rétablissement s'élevant à plus de six milliards de dollars, ce qui comprend un montant record de deux milliards de dollars en sinistres assurés. L'inondation laisse derrière elle des pertes d'infrastructure incroyables, avec 1 000 km de chemins détruits et des centaines de ponts et de ponceaux submergés. Parmi les sinistres assurés, on compte des milliers de voitures et de maisons qui ont été démolies et endommagées par des refoulements d'égouts et par de petits cours d'eau qui se sont transformés en violents torrents.

Image 1a. Les eaux de crue de l'Alberta plusieurs mètres de haut.

Les inondations sont monnaie courante dans le sud de l'Alberta, notamment en juin; en effet, le mois de juin est habituellement le mois le plus humide de l'année et la période pendant laquelle une fonte de neige des montagnes commence à être observée à l'échelle des Prairies. L'inondation majeure de cette année, qui s'est étendue de Canmore à Calgary (et plus loin encore), a été exacerbée par de nombreux événements hydrométéorologiques antérieurs survenus dans le cours supérieur du bassin versant de la rivière Bow. D’abord, il a commencé à neiger dans le sud de l'Alberta avant l'Action de grâces de 2012, et les chutes de neige ont seulement cessé un mois après Pâques. En mai, l'enneigement dans les montagnes était considérable, la neige atteignant une hauteur de plus d'un mètre à certains endroits. De plus, le sol était saturé et les ruisseaux et rivières étaient gonflés après un printemps humide. Du 23 au 24 mai, les stations météorologiques situées à Calgary et dans certains contreforts ont enregistré des chutes de pluie plus importantes que durant l'inondation survenue un mois plus tard. Le 25 mai, 96 mm de pluie sont tombés à Livingstone. En outre, un bref réchauffement au cours de ce même mois a provoqué le début de la fonte de l'enneigement de près d'un mètre situé à la limite forestière. Quelques semaines auparavant, des images satellitaires avaient indiqué que les niveaux des eaux souterraines du bassin étaient plus élevés que la moyenne, ce qui laissait bien peu d'espace supplémentaire pour accueillir d'autres eaux provenant de la pluie et de la fonte de la neige.

Image 1b. Les secouristes aident à enlever un enfant d'une maison inondée.

Il n'est donc pas surprenant que la « bombe à eau » qui a explosé le 19 juin ait fait des ravages. La tempête était accompagnée d'une dépression en altitude humide, lente et intense qui s'est immobilisée au-dessus du sud de l'Alberta, occasionnant trois jours de pluie torrentielle. La dépression a toutefois pris une tournure particulière lorsqu'elle s'est immobilisée au-dessus des montagnes pendant plusieurs jours par suite d'une crête barométrique massive située au nord; cette crête a empêché le déplacement de la dépression vers l'est et l'a immobilisée au-dessus des montagnes Rocheuses. La zone de basse pression vaste et stationnaire a attiré de l'air chaud et des quantités incroyables d'humidité provenant de l'océan Pacifique, du golfe du Mexique et d'ailleurs, puis des pluies torrentielles se sont abattues sur le bassin versant des Rocheuses, dans le sud-est de la Colombie-Britannique et dans le sud de l'Alberta. Il est intéressant de noter que ce même système de haute pression avait précédemment contribué aux incendies de forêt dévastateurs survenus au Colorado ainsi qu'aux températures maximales record relevées au Yukon et en Alaska. Le 19 juin en fin de journée, le ciel s'est dégagé et des chutes de pluie intenses ont été observées pendant 15 à 18 heures, comme si un tuyau d'arrosage avait été installé directement au-dessus du sud-ouest de l'Alberta. La dépression immobilisée crachait des éclairs et continuait d'inonder les montagnes, faisant fondre la neige accumulée sans toutefois entraîner la fonte du sol partiellement gelé. Le sol déjà saturé des pentes abruptes couvertes d'une mince couche de neige ne pouvait absorber plus d'eau.

Image 1c. Les secouristes aider les gens à évacuer par bateau.

Calgary a reçu 68 mm en 48 heures, mais la chute de pluie à l'ouest de la ville dans les cours supérieurs élevés des rivières Bow et Elbow a été exceptionnellement lourde et torrentielle; la quantité et l'intensité de cette chute de pluie ressemblaient davantage à celles d'une tempête tropicale. Des taux de chute de pluie de 3 à 5 mm/h sont considérés comme étant élevés; cette tempête a occasionné des taux de 10 à 20 mm/h dans les zones plus élevées, et de nombreuses stations ont indiqué que 50 à 70 % des chutes de pluie de la tempête s'étaient produites au cours des 12 premières heures. En moyenne, les totaux variaient de 75 à 150 mm sur deux jours et demi; Burns Creek (situé à l'ouest de High River, à 1 800 m d'altitude) a enregistré un total phénoménal de 345 mm. À Canmore, plus de 200 mm de pluie sont tombés, soit dix fois l'équivalent d'une chute de pluie estivale normale. L'air chaud et la pluie, qui ont fait fondre jusqu'à 60 cm de neige accumulée, ont également contribué à l'inondation; la fonte de l'enneigement a été d'environ 25 % supérieure à la normale pour cette période de l'année, ce qui s'est soldé par le gonflement instantané des cours d'eau et des petits ruisseaux.

Image 1d. Les eaux de crue  à mi-hauteur des poteaux de téléphone.

Des inondations déchaînées et des coulées de boue ont forcé la fermeture de la Transcanadienne, isolant ainsi Banff et Canmore à l'épicentre de l'inondation des montagnes. Des ruisseaux torrentueux se sont attaqués aux rives et aux arrière-cours, ne laissant derrière eux que des terrasses en ruines et des clôtures tordues. Une entonnaison de gravier et de blocs rocheux, qui s'est déplacée avec les eaux tumultueuses, a littéralement dépouillé des arbres de leur écorce jusqu'à dix mètres au-dessus du sol. À Canmore, des maisons entières faisaient saillie sur les berges de Cougar Creek, qui étaient rongées progressivement par les eaux tourbillonnantes. Des résidents, l'eau jusqu'à la taille, tentaient désespérément de se rendre en lieu sûr. Des équipes d'intervention d'urgence ont fait usage d'hélicoptères, de bateaux, de moissonneuses-batteuses, de chargeurs frontaux et d'épandeurs de fumier pour sauver des résidents en détresse. Plus d'une vingtaine de villes ont décrété l'état d'urgence. Des collectivités entières, y compris celles de High River et de Bragg Creek, ont fait l'objet d'ordres d'évacuation obligatoires. La vitesse à laquelle la rivière s'est déplacée dans High River, une ville de près de 13 000 personnes, était plus rapide que le débit de Niagara Falls; plus de la moitié de la ville a été inondée. De nombreuses collectivités des Premières nations ont été particulièrement touchées par les inondations; six mois plus tard, bien des résidents ne sont toujours pas rentrés dans leurs maisons.

Image 1e. Voie ferrée renversé  causée par les inondations.

Dans le centre-ville de Calgary, 4 000 entreprises ont été touchées et 3 000 immeubles ont été inondés. Au Saddledome, l'eau s'est élevée jusqu'à la 10e rangée. Dans le Stampede Park, les écuries et les étables ont été envahies par plus de deux mètres d'eau. Pour ce qui est du zoo de Calgary, partiellement submergé, des employés ont dû déplacer de nombreux animaux exotiques au ranch du zoo, situé au sud de la ville. Les dégâts ne se limitent pas à l'inondation de dizaines de parcs urbains et de plus de 100 km de sentiers riverains; les débris de l'inondation (eau, boue, arbres déracinés et autres débris) par les rivières Bow et Elbow ont détruit des routes, des chemins de fer et des tronçons de réseaux de transport en commun de même que de nombreuses passerelles pour piétons. Cette inondation est une tragédie qui va bien au-delà des coûts de remplacement des propriétés et des biens. En effet, quatre personnes ont perdu la vie après avoir été emportées par le courant, et l'inondation a changé la vie de milliers d'Albertains et de leurs familles. Le volume et la force incroyables des eaux déchaînées ont changé de manière visible et permanente le paysage et la beauté du sud de l'Alberta; entre autres, le relief naturel du paysage et des chenaux des rivières, dont l'évolution prend normalement des siècles, a été détruit en moins de deux jours.

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