Les dix événements météorologiques les plus marquants au Canada en 2010 : évènement deux

Table des matières

2. Le puissant Igor

Carte du Canada montrant les zones les plus touchées par l’ouragan Igor, soit la Nouvelle Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, toute l’île de Terre-Neuve, l’est du Labrador et la Gaspésie.

Chaussée emportée par les pluies abondantes lors de l'ouragan Igor près de Bonavista Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador, septembre 2010. © Jim Mahoney Environnement Canada, 2010.

Les météorologues avaient prévu une saison des ouragans active dans l'océan Atlantique en 2010. Tel fut le cas, 19 tempêtes nommées, d'Alex à Tomas, s'étant formées dans l'océan Atlantique, la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique. Ce nombre était bien supérieur à la moyenne à long terme de 11, et s'est avéré le troisième total le plus élevé jamais enregistré. Douze ouragans se sont développés par rapport à la normale de 6 tempêtes, 5 d'entre eux ayant été classés comme importants, de catégorie 3 ou plus. Un élément clé de cette saison active est l'émergence de La Niña en juillet, qui a gagné en force au fur et à mesure que l'année s'est poursuivie. La Niña favorise un cisaillement du vent plus faible sur l'océan Atlantique, permettant ainsi aux nuages de se développer et de s'organiser. D'autres facteurs climatiques comprennent des températures de l'eau plus chaudes que la moyenne dans l'Atlantique tropical et les Caraïbes, et la tendance tropicale sur plusieurs décennies qui a généré des conditions atmosphériques et océaniques simultanément favorables depuis 1995.

Le mois de septembre s'est avéré le mois le plus actif; on y a enregistré 8 tempêtes, autant qu'en 2002, année qui détenait le record. Tout a commencé avec l'ouragan Earl, se dirigeant rapidement et directement sur la région des Maritimes du Canada, au début de la fin de semaine de la fête du Travail. Tôt le 4 septembre, la tempête avait touché terre le long de la côte sud de la Nouvelle-Écosse, à l'ouest d'Halifax. Il s'agissait alors d'un ouragan de catégorie 1, avec des vents soutenus de 119 km/h. Earl a vite perdu de la force pour devenir tempête tropicale, mais il est demeuré intense sur son passage vers le nord-est, traversant la province, avant de poursuivre sa trajectoire dans le détroit Northumberland et sur l'est de l'Île-du-Prince-Édouard. La région autour de Halifax a été durement touchée part les vents atteignant 120 km/h et les précipitations dépassant les 50 mm. Dans l'Est du Québec, les fortes pluies atteignant environ 85 mm ont touché la région entre Sept-Îles et Manicouagan, alors que la côte nord de la Gaspésie a reçu entre 40 et 50 mm de pluie en moins de 6 heures. La majorité des précipitations générées par la tempête n'était pas d'origine tropicale, mais provenait d'un système extratropical arrivant de l'ouest. En plus de la pluie, Earl a généré des vagues atteignant 25 m à l'ouest des Talus Scotian. Il a également produit de dangereux contre‑courants le long de la côte. Les forts vents de la tempête ont désancré plusieurs bateaux et ont poussé quelques plus petits bateaux sur les rochers. Un homme a perdu la vie dans la tempête. Earl a également laissé les rues, les plages et les parcs d'Halifax couverts de débris, de branches cassées et de feuilles; plus de 220 000 abonnés des Maritimes étaient sans électricité. Les vents ont secoué les pommiers dans la vallée de l'Annapolis, mais très peu de pommes de cette récolte exceptionnelle ont été endommagées. Les arboriculteurs fruitiers se trouvaient chanceux parce que les forts vents prévus les ont épargnés. Ils ont plutôt eu la pluie dont ils avaient bien besoin.

Le 20 septembre, l'ouragan Igor a frôlé le nord-ouest des petites îles des Bermudes, assaillant ce territoire de vents violents et de pluie, mais l'épargnant d'un contact direct qui aurait pu être dévastateur. Igor était toujours un ouragan le jour suivant, alors qu'il poursuivait sa route juste au large de la péninsule Avalon, mais il était trop tôt pour qu'il devienne une tempête post-tropicale. Au départ, les modèles prévoyaient qu'Igor éviterait le Canada. Toutefois, au fur et à mesure que la tempête avançait vers le nord, elle n'a pas tourné aussi à l'est qu'on l'avait prévu. Des vents de la force d'un ouragan ont traversé l'est de Terre-Neuve avec tant de férocité que 22 municipalités inondées et touchées par les forts vents ont déclaré l'état d'urgence. Plus de 150 communautés ont été isolées lorsque les rivières gonflées ont emporté les seules routes de même que tous les ponts menant aux municipalités.

Des vents de vitesse maximale circulant au centre de la tempête ont augmenté d'environ 120 à 140 km/h alors que la tempête s'approchait de la province. En plus de la force et de l'humidité apportées par Igor, un front d'une altitude importante avait été observé se déplaçant lentement vers l'est sur Terre-Neuve-et-Labrador. Ce système météorologique complexe, composé de bandes de fortes précipitations, présentait une forte circulation et une vaste portée. Une pointe de vent de 172 km/h a été enregistrée à Cape Pine, dans le sud-est de Terre-Neuve-et-Labrador – fait rare en septembre, et la large portée des vents extrême encore plus rare pour cette période de l'année. Des records de précipitations ont été établis à plusieurs endroits. La plus grande quantité de précipitations a été observée à St. Lawrence, sur la péninsule Burin, où 239 mm de pluie sont tombés sur la communauté pendant environ 20 heures, une quantité sans précédent pour cette région. De nombreuses autres stations ont rapporté des précipitations de plus de 150 mm, fracassant des records centenaires.

La population de Terre-Neuve-et-Labrador semblait étonnée de l'ampleur des dommages et de la portée de l'impact de la tempête qui a été, de loin, la pire à frapper la province. En plus de couper l'électricité à plus de 70 000 abonnés, l'eau a tout inondé, surchargeant les ponceaux, remplissant les sous-sols, détruisant les résidences, les quais et les bateaux, et érodant la plateforme des routes. Les pluies diluviennes d'Igor ont également fait gonfler les rivières, entraînant plus de 150 bris de routes et de ponts. Le Bureau d'assurance du Canada affirme que les réclamations assurables concernant Igor se sont élevées à 65 millions de dollars – seulement une fraction des pertes totales – néanmoins la plus importante réclamation d'assurance liée aux conditions météorologiques dans l'histoire récente de Terre-Neuve-et-Labrador. Les frais non assurés dépassaient les 120 millions de dollars.

Les pires pluies entraînées par Igor ont épargné St. John’s, toutefois frappée par des vents violents. D'innombrables collectivités ont été averties de faire bouillir l’eau et ont connu une pénurie de carburant. De fortes pluies ont transformé les routes en rivières et ont arraché des morceaux d'asphalte. La route Transcanadienne a dû être fermée à la circulation durant plusieurs jours en raison d'affouillements, ainsi que les grandes voies d'accès aux péninsules de Bonavista et de Burin où villes et petits villages portuaires ont été le plus durement frappés. Par miracle, cette tempête n'a fait qu'une victime. Les militaires canadiens sont vite intervenus pour contribuer aux travaux de remise en état. La mission comprenait plus de 1 000 soldats et d'ingénieurs militaires, dotés de matériel lourd, ainsi que de navires de la marine et d'hélicoptères Sea King. De plus, des milliers de travailleurs et de bénévoles ont travaillé sans relâche pour redonner rapidement le sentiment que la situation avait repris son cours normal; or, l'infrastructure endommagée, dont les routes, ne sera complètement rétablie que pendant 2011. À bien des égards, Igor constitue un événement marquant. Les collectivités touchées ne seront plus jamais les mêmes; la géographie de Terre-Neuve-et-Labrador a été détruite ou modifiée à jamais. Des familles ont tout perdu. En outre, les habitants en sont transformés pour toujours. Sans avoir été une tempête extrême majeure ayant causé la mort, Igor a été dévastatrice – la pire dans l'histoire d'une province célèbre pour ses tempêtes.

Début novembre, un grand creux barométrique conjugué à un front couvrant toute la partie est de l'Amérique du Nord entraîna des charges d'humidité et des pluies tropicales importantes au nord de l’ouragan Tomas. Six jours de pluie sur le sud du Nouveau-Brunswick et l'ouest de la Nouvelle-Écosse ont causé la pire inondation des cent dernières années, des dizaines d'affouillements sur les routes et des effondrements de ponts comme le pont de 20 mètres qui enjambe la rivière Tusket River en Nouvelle-Écosse. Cette inondation a été la pire en plus de cent ans dans certaines régions. Les pluies constantes ont submergé maisons et chalets, transformé les terres agricoles en lacs et emporté les routes. Les dommages matériels protégés par une assurance ont avoisiné les 100 millions de dollars et les coûts de rétablissement de l'infrastructure, le double. Cette lente tempête a balayé les Maritimes, privant de courant des milliers d'habitants et perturbant tous les déplacements. Les quantités de pluie totales ont atteint un niveau incroyable, même si elles ont duré six jours, dont celles-ci : Yarmouth, 215 mm, Aéroport international de Halifax, 172 mm, parc national Kejimkujik, 222 mm, Mechanic Settlement (près du parc national de la baie de Fundy), 339 mm, Saint John, 167 mm et Charlottetown, 107 mm.

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