Les dix événements météorologiques les plus marquants de 2010 : évènement huit

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8. El Niño annule l'hiver

Carte du Canada montrant que le pays en entier a été touché par El Niño et un hiver plus chaud.

Fonte de neige près d'un ruisseau boueux. © Photos.com 2010.

Pour de nombreux Canadiens, l'hiver 2010 n'a jamais vraiment eu lieu. Bien que des parties de l'Asie, de l'Europe et des États-Unis ont tremblé de froid et dû pelleter lors de capricieuses tempêtes hivernales, le Canada a été épargné par le froid. De la douceur de l'Arctique aux eaux libres de la mer du Labrador en passant par les Rocheuses sans neige et la chaussée dégagée de Montréal, le Canada a connu l'hiver le plus chaud et le plus sec de l'histoire consignée. À l'échelle nationale, la moyenne des températures de la période allant de décembre 2009 à février 2010 était de 4 °C au-dessus de la normale, ce qui en fait la période la plus chaude depuis que les températures ont commencé à être consignées pour la première fois dans tout le pays en 1948. La température moyenne enregistrée pour la majorité du Canada était d'au moins 2 °C supérieure à la normale, sauf dans quelques régions de l'Arctique et du Nord du Québec où elle était de 6 °C supérieure à la normale. Une sécheresse de neige prédominait entre la Colombie-Britannique et le Québec. Par ailleurs, si l'on définit l'hiver par rapport à la neige sur le sol, on peut dire qu'il est arrivé avec un mois de retard pour la majeure partie du pays et a pris fin six semaines trop tôt.

El Niño a été désigné comme étant la cause principale de l'absence de l'hiver. Un changement de direction vers l'ouest de l'alizé et l’arrivée de courants océaniques chauds dans l'est de l'océan Pacifique font partie d'un épisode El Niño. Lorsque l'influence d'El Niño est arrivée à la fin de l'année 2009, elle s'est maintenue. Le rétrécissement de la banquise arctique, qui s'est aminci et a reculé à des niveaux records ces dernières années, constituait une autre préoccupation. D'autres facteurs ayant également contribué à la douceur des températures étaient l'oscillation de l’Atlantique Nord et l'oscillation de l’Arctique qui ont travaillé de concert pour apporter le froid en Europe et dans la plupart des régions des États-Unis, et apporter un hiver doux dans des régions généralement froides comme le Labrador, le Québec et l'Arctique. Ainsi, il ne restait plus aux Canadiens qu'à méditer ensemble sur le fait que les hivers n'étaient plus ce qu'ils avaient été, et les statistiques allaient, bien entendu, dans leur sens. Par rapport aux 60 dernières années, l'anomalie hivernale positive de +2,5 degrés à l'échelle nationale dépasse celle de toute autre saison et s'avère évidente dans toutes les régions du pays.

Du côté positif, le temps doux et sans neige a permis aux gouvernements de faire des économies considérables et a offert un répit à l'environnement en ce qui concerne les tonnes de sable et de sel qui n'ont pas été utilisées. À elle seule, la ville de Montréal a dépensé près de 30 millions de dollars de moins sur le déneigement qu'à l'habitude. Les travaux publics ont également reçu moins de plaintes au sujet des routes cahoteuses, des nids-de-poule et de la neige repoussée par les déneigeuses qui bloque la fin des voies d'accès. Avec un hiver plus court, la productivité a été sans aucun doute plus élevée et accompagnée de moins de problèmes de transport et moins de jours de neige pour les étudiants, les enseignants et les parents inquiets. Toutefois, cette douceur prolongée des températures a également laissé les parkas et les pelles accumuler de la poussière sur les étagères des magasins. Les skieurs, les motoneigistes et les amateurs de luge ont accepté cet état de fait et ont passé du temps à se souvenir des chutes de neige presque record des deux hivers précédents. La douceur sans précédent du temps a forcé l'annulation de carnavals d'hiver, de courses de traîneau à chiens, de concours de pêche sur glace et de tournois de hockey sur étang, et elle a produit de la neige trop détrempée pour la sculpture. De même, le temps exceptionnellement doux pour la saison a été apprécié pour les énormes économies d'énergie qu'il a permises (15 %), mais regretté par les services énergétiques qui ont déclaré une baisse importante de leurs revenus. À Ottawa, la patinoire du canal Rideau n'a pas ouvert avant le 14 janvier et a fermé 41 jours plus tard, soit dix jours de moins qu'habituellement. Heureusement, les conditions météorologiques étaient presque parfaites pour le Bal de neige; pas de pluie, des traces de neige, seulement trois jours au cours desquels le refroidissement éolien est tombé en dessous de -20 °C et la moyenne des températures l'après-midi était de -3 °C.

Pour la majeure partie du pays, les inondations printanières ne représentaient pas une menace. En outre, du côté de l'environnement, les oiseaux migrateurs sont revenus des semaines plus tôt que d'habitude en raison des conditions météorologiques printanières favorables, bien que cela a parfois créé un décalage avec la nourriture disponible. Par ailleurs, l'absence de glace dans le golfe du Saint-Laurent a donné lieu à un taux de mortalité extrêmement élevé chez les bébés phoques, incapables de survivre à leur première année.

Certains des superlatifs les plus impressionnants pour décrire le temps :

  • Il s'agissait de l'hiver avec le moins de chutes de neige n'ayant jamais été enregistrées à Toronto (46,2 cm) et à l'aéroport international Pearson (52,4 cm), depuis le début des observations de chutes de neige en 1843 et en 1937 respectivement. Aucune chute de neige n'a eu lieu à ces deux endroits en novembre ou en mars (jamais la neige n'avait été absente au cours de ces deux mois auparavant), et la première chute de neige importante du centre-ville n’a pas eu lieu avant le 22 février, lorsque 9,8 cm de neige sont tombés.
  • Même si Ottawa est la capitale la plus enneigée du monde, la ville a eu moins de neige que Washington (District de Columbia), et moins de 60 % par rapport à sa chute annuelle de neige habituelle.
  • Calgary a enregistré sa chute de neige la plus basse du mois de mars en 118 ans.
  • Les 11,4 cm de neige qu'a connus Vancouver avant le 31 octobre ont écrasé les précédents records de chute de neige précoce; un signe de grandes choses à venir qui ne se sont finalement pas concrétisées, car seulement 2,4 cm de neige sont tombés le reste de l'hiver.
  • En mars, Montréal a enregistré une faible chute de neige de 3,6 cm qui a presque battu le record de 2,6 cm établi l'an dernier. En janvier, la ville a enregistré un record de 21 jours avec moins de 1 cm de neige par jour.
  • Au Québec, province la plus froide du Canada, la Ville de Québec, Roberval, Bagotville, Mont-Joli, Gaspé, La Grande et Kuujjuaq ont connu leur hiver le plus doux jamais enregistré. Pour Sept-Îles, l'une des villes les plus enneigées du Canada, il s'agissait non seulement du tout premier Noël sans neige, mais les enregistrements de neige étaient aussi les plus bas jamais enregistrés depuis 1944 pour tout l'hiver. L'absence de neige sur le territoire de la Basse-Côte-Nord du Québec, entre Natashquan et Blanc-Sablon, était sans précédent, immobilisant ainsi les motoneiges et créant de longs épisodes d'isolement. Au début du mois de février, la glace peu sûre a engendré l'arrêt de la pêche sur la rivière Saguenay. Malheureusement, la couche de glace plus fine qu'à l'habitude a entrainé davantage de décès de conducteurs de motoneige sur les lacs et les rivières de Québec.
  • À Fredericton, la température moyenne de novembre à mars était de 3,4 °C plus chaude que la normale, ce qui en fait l'hiver le plus chaud jamais enregistré. De plus, le total des précipitations s'est élevé à la moitié de la normale.

L'une des répercussions majeures de la douceur record de l'hiver était la brièveté de la saison des routes de glace. Le temps doux et de rares chutes de neige à travers le Manitoba ont forcé la fermeture de plus de la moitié des routes de glace après moins d’un mois, ce qui a bloqué le transport de denrées hivernales essentielles pour un grand nombre de personnes du Nord. Bon nombre de collectivités des Premières nations isolées n'ont pas été en mesure d'obtenir la totalité de leur essence, de leurs matériaux de construction et d'autres matériaux, ce qui les a obligées à déclarer l'état d'urgence. Par ailleurs, les routes de glace boueuses ont bloqué des douzaines de conducteurs en milieu sauvage. À Churchill, la température minimale n'est tombée en dessous de -30 °C que pendant 20 jours, par rapport à la normale qui est de 55 jours. Malheureusement, cette année n'était pas une anomalie. Au cours de la dernière décennie, on comptait en moyenne 47 journées froides par année, contrairement aux décennies de 1940 à 1999 au cours desquelles l'on a enregistré de 55 à 60 journées froides. À Yellowknife, le nombre de jours où les températures étaient idéales pour construire des routes de glace (-30 °C ou moins) ne s'élevait qu'à 29 pour l'ensemble de l'hiver, comparativement aux 55 jours de la normale. Il y a vingt ans, on pouvait s'attendre à ce que les routes d'hiver restent ouvertes pendant près de deux mois, mais au cours de certaines de ces dernières années, les routes d'hiver ne sont restées ouvertes que la moitié de ce temps.

Aussi étonnante que l'absence d'hiver ait pu être pour le Canada, deuxième pays le plus froid et le plus enneigé au monde, nos citoyens semblaient se réjouir de cette inhabituelle douceur. En effet, les résidents du « Grand Nord » ont été heureux d'apprendre par la presse que les retraités qui passent l'hiver au sud avaient très froid en Floride, et que le 12 février, les 50 États au sud de la frontière étaient tous sous la neige.

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