Cette page Web a été archivée dans le Web

L'information dont il est indiqué qu'elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n'est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n'a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

L'aspect scientifique de l'ouragan Juan - Les bruits de l'ouragan Juan

Préparé par Dennis F. Jones, 14 novembre 2003

Samedi, 27 septembre 2003. Alors que l'ouragan Juan se dirige vers le 40º de latitude nord, je commence à surveiller son évolution en étudiant les images satellitaires, à un intervalle de quelques heures. La trajectoire prévue de cette tempête tropicale traverse la Nouvelle-Écosse. L'occasion unique d'effectuer une expérience acoustique commence à germer dans ma tête. Mon travail de physicien acousticien m'inspire la décision d'enregistrer les bruits produits par les vents intenses de l'ouragan afin de les partager avec tous les Néo-Écossais.

Dimanche, 28 septembre 2003. Bientôt Juan déferlera sur ma ville. Alors que l'ouragan s'approche en provenance du sud, je pointe un microphone vers le nord-ouest, près de la porte-fenêtre coulissante du premier étage de ma maison. Cette orientation me permettra de garder la porte constamment entrouverte pendant le passage de l'ouragan, tout en évitant que la pluie ou le vent pénètrent dans la maison. Bien que le microphone porte une bonnette de mousse, les vents violents pourraient provoquer une saturation qui détériorerait la qualité de l'enregistrement. Je place le microphone sur un coussin souple pour l'isoler des vibrations de la maison causées par les vents.

J'ai choisi un microphone à champ stéréo Audio-Technica® AT825, dont la réponse en fréquence va de 30 à 20 000 Hz et qui a une plage dynamique de 102 dB. Le signal du microphone alimente un magnétophone audionumérique TEAC TASCAM DA P1, dont la réponse en fréquence va de 20 à 20 000 Hz et qui a une plage numérique de 90 dB. Ces caractéristiques permettront d'enregistrer sans distorsions les sons dans toutes les fréquences audibles, que leur volume soit bas ou très élevé. Pour pouvoir continuer à enregistrer dans l'obscurité, même en cas de panne d'électricité, je charge les piles de magnétophone et je place à proximité une montre et une lampe de poche.

Ainsi, j'ai capté des enregistrements pendant la période s'étendant de 21 h 30 HAA, dimanche soir, à 1 h 38 lundi matin. J'ai noté les événements importants et l'heure en parlant directement dans le microphone. Pour ne pas épuiser les piles, j'ai éteint le magnétophone pendant certaines périodes. Dans l'ensemble, j'ai enregistré l'équivalent d'une heure de données de bonne qualité, avec quelques épisodes de saturation dus aux extraordinaires rafales de vent qui frappaient la porte-fenêtre et le microphone.

Un peu avant 21 h 30 HAA. La pluie commence et les vents se lèvent, accompagnés de rafales occasionnelles, déjà suffisamment fortes pour briser des arbres dans mon quartier. Le spectrogramme de 2,5 secondes dans la bande de 2 à 20 kHz analyse le bruit d'une grosse branche arrachée du tronc d'un arbre. Ce bruit qui a duré moins d'une demi-seconde est analogue au son de l'écrasement d'une croustille sèche. Le bruit du vent est amplifié par la présence de plusieurs érables qui ont toujours la plupart de leurs feuilles. Le vent déchire ces feuilles en lambeaux. Un grand nombre tombe sur la galerie ou se colle aux fenêtres. La largeur de la bande horizontale bleue de la série temporelle no 1 indique le volume du bruit créé par le vent, deux heures et demie environ avant l'arrivée de l'ouragan sur la côte. Dans ce genre de graphique, plus la bande est large, plus le vent est bruyant. L'échantillon capté dure une minute. Le pic vers 0,5 minute est causé une intense rafale de vent.

Pendant les deux heures qui suivent, j'enregistre plusieurs autres sons, notamment : les vents les plus forts que je n'ai jamais ressentis, la pluie qui martèle le solin métallique de la galerie, le bris d'autres arbres et la vibration à basse fréquence (entre 40 et 200 Hz) des câbles électriques. Je capte aussi un bruit à bande étroite autour de 200 Hz et un autre à 6 kHz avec des harmoniques à 12 et 18 kHz. Elles proviennent peut-être des ondes d'Helmholtz causées par le passage du vent au-dessus des ouvertures de cavités pleines d'air situées près de la maison. 23 h 20. Le quartier se retrouve sans électricité. On aperçoit toutefois les lueurs distantes de l'éclairage urbain, loin au nord-ouest. 23 h 36. Je vois un éclair. Je n'entends toutefois pas le tonnerre et le magnétophone ne l'enregistre pas non plus. 23 h 53. Ma maison oscille de façon notable. 0 h 10. Alors que l'ouragan Juan touche terre, l'éclairage visible au nord-ouest s'éteint.

La série 2 montre le bruit du vent au moment où l'ouragan touche terre. On peut voir que l'amplitude du bruit est très supérieure à celle du graphique de la série 1. Puisque presque tout Dartmouth était " dans " ou proche du mur est de l'œil de l'ouragan, la série 2 est probablement l'enregistrement des vents les plus intenses de la tempête. Les rafales durent plus longtemps et, souvent, elles sont très rapprochées, comme le montre les quatre grands pics détectés pendant la première demi-minute de la série 2.

1 h15. Le bruit et les oscillations de la maison sont tels que ma famille se réfugie au rez-de-chaussée pour mieux dormir. 1 h 35. J'observe un éclair brillant au nord-ouest juste au dessus des maisons longeant l'autre côté de ma rue. Aucun son n'est entendu ou enregistré.

J'ai discuté de cet éclair avec M. Manning Smith, superviseur de la régulation du réseau de la société d'électricité de la Nouvelle-Écosse. Il m'a indiqué que deux lignes de transmissions actives auraient causé l'éclair : le conduit d'alimentation de 25 kV 113H 443 issu de la sous-station de Dartmouth East et la ligne de transport de 69 kV L5011 qui relie la sous station de Farrell Street (99H) à la sous station de l'Imperial Oil (58H).

À mesure que l'ouragan traverse la province en direction du bassin Minas, les vents faiblissent. On peut voir sur la série 3, le bruit du vent environ une heure et demie après que l'ouragan ait touché terre. Il y a encore des rafales et le vent est encore plus bruyant que dans la série 1, probablement parce que, pendant une heure, l'œil de l'ouragan a continué sa route vers Dartmouth. Le pic près de 0,6 minutes de cette série temporelle provient des commentaires que j'ai enregistrés avec le magnétophone audio-numérique.

Comme pour plusieurs expériences scientifiques, la collecte des données est souvent plus facile que leur interprétation. Au cours des mois prochains, j'étudierai les données pour établir plus précisément les sources des différents sons que j'ai enregistrés.

Spectrogramme - Sons à bande large causés par le bris d'une branche d'arbre.
Spectrogramme - Sons à bande large causés par le bris d'une branche d'arbre

Série 1 - Le bruit de l'ouragan Juan, deux heures et demie avant qu'il touche terre : forts vents accompagnés de rafales assez violentes pour briser des arbres.
Série 1 - Le bruit de l'ouragan Juan, deux heures et demie avant qu'il touche terre : forts vents accompagnés de rafales assez violentes pour briser des arbres

Série 2 - Le bruit de l'ouragan alors qu'il touche terre : des vents forts accompagnés de longues rafales.
Série 2 - Le bruit de l'ouragan alors qu'il touche terre : des vents forts accompagnés de longues rafales

Série 3 - Le bruit de l'ouragan, une heure et demie après avoir touché terre : forts vents accompagnés de rafales assez violentes pour briser des arbres.
Série 3 - Le bruit de l'ouragan, une heure et demie après avoir touché terre : forts vents accompagnés de rafales assez violentes pour briser des arbres

<<Retour à L'aspect scientifique de l'ouragan Juan

Date de modification :