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Les effets de l'ouragan Hazel - Le marais Holland

Le marais Holland a été inondé lorsque de 4 à 20 pieds (1,2 -6,1 m) d'eau l'ont envahi après que le lac Simcoe eut débordé. Les parties sud et ouest ont été les plus touchées. En effet, entre 20 et 30 pieds (6,1-9 m) d'eau ont déferlé sur ces secteurs en provenance de la rivière Holland et du ruisseau Schomberg qui les bordaient. L'autoroute 400, qui traverse le marais, était recouverte de 5 à 10 pieds (1,5 à 3 m) d'eau et le hameau d'Ansnorveldt a été inondé. Environ 1 000 personnes ont été sauvées dans le secteur nord du marais, en direction de Bradford, tandis que des centaines d'autres ont dû passer la nuit sur les hauteurs jusqu'à ce qu'on puisse envoyer des embarcations à leur rescousse. L'inondation du marais a causé de lourdes pertes sur le plan économique. En effet, la plupart des légumes cultivés dans le marais, qui avait été récoltés mais laissés sur place, se sont retrouvés submergés.

L'inondation du marais Holland a été différente de l'inondation des vallées étroites de l'agglomération de Toronto. Charlie Davis, un résidant de la région, l'a décrite en ces termes. « C'était différent de la vallée de la rivière Humber, où les eaux ont envahi brusquement les terres. L'eau a envahi le marais très lentement et il faisait si noir qu'on n'y voyait rien. Cependant, à chaque fois qu'on regardait dehors, on constatait que le niveau de l'eau avait encore monté de six pouces ». (TS, 14 octobre 1984)

Le marais Holland est situé dans une vallée en forme de coupe. Voici le récit de John Van Dyke, un résidant du marais Holland :

« Puis est arrivé le 15 octobre. Ce jour-là, des pluies torrentielles se sont abattues sur le marais toute la journée, sans aucun répit, si bien qu'en fin d'après-midi, le sol était totalement saturé. La rivière qui draine le marais a débordé, tout comme les canaux de drainage, et l'eau a envahi une partie des basses terres. Les hautes terres qui entourent le marais ne pouvaient plus absorber toute l'eau de pluie, par conséquent, comme le terrain descend en pente vers le marais, le canal de drainage s'est vite rempli et l'eau a exercé une pression sur les digues.

« C'est en début de soirée que le danger s'est fait sentir. L'eau avait atteint le sommet des digues et passait même par-dessus en certains endroits. Tous les hommes valides ont été appelés pour renforcer les points faibles à l'aide de sacs de sable, mais les eaux ont monté si rapidement qu'ils ont dû abandonner. Tout le monde a été invité à se réfugier sur les hauteurs.

« C'est donc ce qu'ont fait la plupart des résidants qui se sont dirigés vers la ville de Bradford. Les gens ont littéralement envahi cette ville qui est située sur une colline, à environ cinq milles du marais. Si, dans l'histoire de la petite ville de Bradford, on a assisté une seule fois à un élan d'esprit communautaire et de solidarité envers les voisins dans le besoin, ce fut bel et bien en cette nuit du 15 octobre 1954 ». (Kennedy, 1979; p. 98)

Allan Anderson, chroniqueur à la CBC, a décrit la scène à laquelle il a assisté à son arrivée dans le marais Holland : « C'était incroyable! Le marais n'était plus qu'un grand lac. Tout ce qu'on pouvait voir au loin émerger de l'eau était le clocher de l'église chrétienne réformiste Springdale (voir la photo). Quant à la ville de Bradford elle-même, elle ressemblait à une zone de guerre. Les résidants avaient recueilli les sinistrés et la ville était pleine à craquer. L'hôtel de ville avait été transformé en immense dortoir. Les gens y étaient si entassés qu'on aurait pu croire qu'ils devraient dormir debout les uns contre les autres. » (Kennedy, 1979; p. 101)

Église dans le marais Holland
Église dans le marais Holland

L'eau avait envahi la plupart des propriétés, détruisant ou endommageant sérieusement les maisons et leur contenu. Voici la description des dégâts qu'à constatés John Van Dyke dans le marais : « De nombreuses maisons étaient détruites ou gravement endommagées. Le mobilier était irrécupérable. C'était particulièrement le cas du côté de Springdale, à l'ouest de l'autoroute 400, où le niveau de l'eau a atteint jusqu'à quinze pieds au-dessus de l'autoroute. Deux ou trois maisons, soulevées de leurs fondations, ont été emportées par les eaux sur une distance d'un mille, avant de s'arrêter, retenues par une route. Une famille entière se trouvait encore dans l'une d'elles. » (Kennedy, 1979; p. 102)

La famille DePeuter a passé la nuit prisonnière de sa maison qui flottait dans le marais, remplie d'eau jusqu'au fenêtres du rez-de-chaussée. Les parents, leurs 13 enfants et le chat de la famille se sont donc réfugiés au premier étage où ils sont demeurés toute la nuit pendant que la maison poursuivait sa course de deux milles à travers le marais. Trois des enfants ont eu le mal de mer car la maison « faisait le bouchon ». La maison est restée alimentée en électricité pendant les 15 premières minutes.

La maison DePeuter après l’inondation
La maison DePeuter après l’inondation

Voici la description qu'a faite Henry DePeuter de la nuit que lui et sa famille ont passée à dériver sur le marais :

« Le plus étonnant, c'est que les lumières sont restées allumées, car nous nous dirigions vers les lignes électriques et les fils prenaient du mou.

« La maison est partie, comme un bateau, véritable Arche de Noé. Entre 23 heures 30 et 6 heures 30 le lendemain matin, nous avons dérivé au gré des flots dans le marais, heurtant d'autres maisons, des serres, des granges, des poteaux électriques bref, tout ce qui se trouvait sur notre chemin. Dans le secteur de la rivière Holland, le courant était plus fort. Notre maison a fini par être emportée par ce courant et a commencé à tourner comme une toupie, de plus en plus vite, et à basculer d'un côté, puis de l'autre. Tous les quinze, nous courions d'un côté de la maison à l'autre lorsqu'elle penchait, tentant de la redresser. Bastian, un de mes jeunes frères, a souffert d'un très fort mal de mer.

« Jusque là nous n'avions pas eu le temps de nous inquiéter. Puis, un des plus jeunes a demandé si nous allions tous mourir. Ma mère lui a répondu qu'il n'y avait qu'une personne qui connaissait la réponse à sa question, le Seigneur. Alors, nous nous sommes tous agenouillés et avons récité le Notre Père . Puis, la maison est sortie du courant pour venir buter contre une route de service près de l'autoroute 400, où un champ entier de carottes qui flottait à la surface a contribué à nous retenir. Nous nous retrouvions à deux milles et demi de notre point de départ, après avoir parcouru de nombreux trajets dans toutes les directions qui nous avaient maintes fois ramenés tout près de notre lieu d'origine.

« À ce moment-là, des voitures circulaient encore sur l'autoroute 400. Nous nous sommes mis à crier et à faire des signes pour attirer l'attention des automobilistes. J'ai même tiré un coup de feu avec un calibre 22 mais, en raison du bruit du vent et de l'eau qui ruisselait, personne ne l'a entendu. Nous avons alors agité des draps et des automobilistes nous ont vus. Peu après, un véhicule amphibie du camp militaire de Borden est arrivé. Un homme en est sorti, s'est attaché une corde autour de la taille, puis a plongé pour rejoindre notre maison à la nage. Nous étions à environ 250 pieds de lui et les eaux étaient plutôt agitées et froides, mais il y est arrivé. Un autre homme est alors venu en canot en s'agrippant à la corde. Son canot penchait d'un bord à l'autre, mais il nous a dit qu'avec le poids de deux personnes supplémentaires, il se stabiliserait. Après sept traversées, nous nous sommes tous retrouvés dans le véhicule qui nous a emmenés à Bradford, où nous avons été accueillis dans l'hôtel de ville.

« Nous n'avons jamais su le nom de l'homme qui a nagé vers la maison avec une corde pour venir à notre rescousse, jusqu'au jour où mon frère s'est trouvé à Barrie, dans le magasin de peinture de Jack Oates. Là, il s'est mis à parler du temps humide et a fini par dire que ce n'était rien comparé à l'ouragan Hazel. La conversation s'est poursuivie sur ce sujet et mon frère a fini par découvrir que Jack Oates était l'homme qui nous avait porté secours. » (Kennedy, 1979; p. 100-101)

Une fois le marais asséché, la maison des DePeuter a été replacée, intacte, sur ses fondations d'origine.

On replace la maison DePeuter sur ses fondations
On replace la maison DePeuter sur ses fondations

Durant les opérations de sauvetage dans le marais, tous les jours, les résidants parcouraient le trajet entre Bradford et les digues qui surplombent le marais pour savoir quand ils seraient autorisés à retourner chez eux. Ils pouvaient voir leurs maisons, au loin, se détacher à la surface de l'eau. L'inondation a provoqué une crise du logement en raison du grand nombre de résidants du marais qui ont dû être relogés pendant une période prolongée. Des centaines de maisons ont été condamnées par le ministère de la Santé en raison de la contamination causée par les eaux et les légumes pourrissants.

Sept mille acres (28,35 km2 ) du marais ont été transformés en lac par l'inondation, ce qui a causé la destruction de 500 maisons et jeté 3 000 personnes à la rue. Les premières évaluations estimaient les dégâts à 10 millions de dollars, somme qui comprenait le prix de plus de 500 000 sacs d'oignons et d'autant de sacs de céleri, et des millions de boisseaux d'autres légumes qui ont été traînés par les flots le long des bâtiments et laissés à la surface du lac où ils ont fini par pourrir.

Les résidants ont accepté par vote de ne pas faire drainer leurs propriétés afin que la partie sud-est du marais puisse être drainée. Art Vandyke, un résidant de la partie submergée aurait déclaré : « Nous avons tout perdu de toute façon. Si le niveau de l'eau pouvait être abaissé, rien ne dit que nous aurions quoi que ce soit à sauver. Si les gens du secteur est peuvent sauver quelque chose, autant leur en donner l'occasion et laisser nos propriétés sous l'eau pour le moment! » (TS, 18 octobre 1954)

Le niveau de l'eau était plus élevé dans la partie ouest du marais, car c'est là que débouchait le bras Schomberg de la rivière Holland, en crue. Les eaux de la partie ouest s'écoulent vers l'est par une conduite qui passe sous l'autoroute 400, mais les ingénieurs ont décidé de bloquer cette conduite afin de permettre aux pompes de commencer à drainer la partie est. On a estimé à plusieurs semaines le temps qu'il faudrait pour assécher le marais.

Les collectivités de la région ont mis sur pied 11 groupes pour gérer la crise dans la région. Il fallait, entre autres, s'occuper des sans-logis et enlever les objets qui étaient dispersés dans le marais au fur et à mesure que le niveau d'eau baissait. On a envisagé d'avoir recours à des maisons mobiles, car il faudrait reloger les sinistrés pendant une période assez longue.

Il a fallu refouler quinze pieds (4,6 m) d'eau dans le lac Simcoe avant de pouvoir amener dans le marais l'équipement lourd nécessaire à la réparation des dégâts aux digues, aux fossés et aux canaux. On s'est mis d'accord pour sacrifier un cinquième du marais afin de pouvoir sauver le reste. Il fallait commencer par pousser au bulldozer de vieilles voitures, des tas de foin et d'autres matériaux vers la buse pour bloquer l'écoulement de l'eau de la partie ouest du marais vers la partie est. Le reste de la partie ouest était déjà bloqué par l'autoroute qui s'élevait à 15 pieds. La compagnie Steep Rock Mines, d'Atikokan, a envoyé trois pompes de 23 000 gallons; le détachement de l'Armée de terre d'Oakville a fourni 10 pompes à grand débit et Ontario Hydro a installé une pompe de 30 000 gallons sur la digue qui séparait le lac Simcoe du marais.

Pompes utilisées pour l’opération ‘Mop-up’
Pompes utilisées pour l’opération ‘Mop-up’

Les opérations d'assèchement et de restauration du marais ont été surnommées « Operation Mop-up ». Elles ont mobilisé près de 2 000 hommes pendant 15 jours, sans compter les entrepreneurs privés qui travaillaient avec de l'équipement lourd. L'eau dégageait une odeur pestilentielle, due aux légumes pourrissants qui flottaient en surface. Un champ entier de carottes flottait, sur une croûte de terre de deux pouces d'épaisseur. Des légumes venaient bloquer la prise d'aspiration des pompes.

Au total, 19 pompes représentant une énergie de 25 000 chevaux qui ont nécessité l'installation de trois sous-stations temporaires, ont tourné sans interruption pour assécher le marais Holland. Le niveau de l'eau baissait d'un acre pied toutes les minutes et demie, ce qui représente, au total, un abaissement du niveau de deux pouces (50,8 mm) par jour.

Environ six à huit milliards de gallons (23 à 30 milliards de litres) d'eau ont été pompés des 5 000 acres (20,25  km2 ) que représente la partie est du marais Holland en 24 jours. Les opérations ont pris fin 11 jours avant la date prévue. La partie du marais située à l'est de l'autoroute, d'une superficie de 2 000 acres (8,1  km2) a également été asséchée. Les agriculteurs se sont empressés de préparer leurs champs pour l'année suivante afin de sauver leurs récoltes de 1955.

Les résidants du marais Holland et le gouvernement provincial ont appuyé un plan visant à relever les digues et approfondir les canaux de drainage. On a fait appel à l'aide du gouvernement fédéral pour mener à bien ce projet dont les coûts étaient estimés à 250 000 $. Les digues allaient être relevées et élargies sur une longueur de dix-huit milles (29 km) et les canaux seraient creusés jusqu'à une profondeur de dix pieds.

Certains propriétaires du marais étaient mécontents des projets de creusage des canaux et d'élargissement des digues, car le limon qui a été retiré des canaux a été déposé sur leurs terres avant d'être utilisé comme remblai pour la construction ou l'élargissement de digues. Il était moins coûteux d'utiliser le limon des canaux comme remblai que de l'enlever et de faire venir du remblai d'ailleurs, même si cette opération augmentait le coût d'indemnisation des propriétaires. En effet, le limon n'est pas un milieu propice aux cultures.

La récolte de 1955 a été particulièrement bonne en raison de l'inondation de 1954. En effet, le sol s'est trouvé enrichi par l'apport de sédiments riches en minéraux charriés par les eaux qui ont envahi le marais. Les dégâts causés par l'ouragan Hazel ont également fourni l'occasion aux agriculteurs du marais de moderniser et d'automatiser leurs exploitations, les rendant ainsi plus rentables.

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