Les dix événements météorologiques les plus marquants de 2010 : évènement trois

Table des matières

3. De la sécheresse aux inondations dans les Prairies

Carte du Canada montrant les zones du sud de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba qui ont d’abord été confrontées à des conditions climatiques sèches, puis humides.

Avant que ne débute la saison de croissance, les propriétaires de ranch de l'Ouest ont dit n'avoir jamais vu un printemps aussi sec. À Camrose en Alberta, on a signalé une sécheresse avant le mois d'avril et, à l'échelle des Prairies, les producteurs agricoles espéraient des précipitations et priaient pour qu'il pleuve. Toutefois, cette sécheresse d'une décennie avait convaincu la plupart d'entre eux qu'il s'agirait encore d'une saison de croissance sèche. La couche de neige étant à son minimum et les précipitations ayant été les plus faibles jamais enregistrées entre janvier et mars, l'hiver 2010 n'a pas permis aux cultivateurs d'être fort optimistes.

Eaux de crue traversant l’autoroute 1, tout juste à l’ouest de Maple Creek, en Saskatchewan. Kevin Wingert © Régie des bassins hydrographiques de la Saskatchewan, 2010.

Les températures au-dessus des normales au printemps annonçaient une plantation précoce dans les zones de culture du sud et de l'ouest et, à la mi-avril, presque miraculeusement, il s'est mis à pleuvoir. Cependant, alors que les précipitations ne diminuaient pas, les inquiétudes concernant la sécheresse se sont vites transformées en craintes d'inondation. Dès la mi-mai, les agriculteurs imploraient le retour du temps sec afin qu'ils puissent au moins aller dans leurs champs. En avril et en mai, il est tombé deux fois plus de pluie et de neige que la normale, faisant de 2009 (le printemps le plus sec depuis 51 ans) et de 2010 (le plus humide) des années complètement opposées. La circulation météorologique sur l'Ouest était lente et monotone, une ou deux tempêtes par semaine assurant fraîcheur et humidité dans la partie sud des Prairies selon un courant nord-ouest. La persistance des précipitations jusqu'en juin n'a fait qu'accroître l'inquiétude des agriculteurs. Près du quart de la culture céréalière des Prairies n'en était pas encore à l'étape de la semence ou était toujours sous l'eau au milieu du mois. La Commission canadienne du blé a estimé qu'entre 3 et 5 millions d'hectares n'ont pas été plantés – il s'agit de la plus grande superficie abandonnée dans l'Ouest du Canada depuis 1971. L'été n'a apporté aucun changement. Si le printemps fut trop humide pour la semence, l'été le fut trop pour la croissance. Étant donné la rareté de jours chauds et de soleil, l'eau ne s'évaporait pas et les plants n'atteignaient pas la maturité. Toutefois, les températures tièdes de juillet ont apporté suffisamment de chaleur pour déclencher des orages et de la grêle. Calgary n'a connu qu'une journée où les températures ont dépassé les 30° C, et ce, pas avant le 26 août. Edmonton n'a connu qu'une journée où les températures ont dépassé les 30° C, le 18 mai.

Les pluies incessantes se sont poursuivies jusqu'aux mois critiques de la récolte, d'importantes sections de terres ayant reçu le double de la moyenne de précipitations entre la mi-août et la mi-septembre, lorsque le régime climatique humide du printemps s'est rétabli. Pour certains producteurs, septembre s'est avéré le mois le plus cruel. Les camions lourds et les moissonneuses-batteuses ne pouvaient pas circuler dans les champs saturés d'eau. On n'avait jamais vu autant de plants sortir si tard dans la période de récolte. Comble de malheur, à la mi-septembre, une forte gelée avec des températures chutant jusqu'à -5° C a frappé l'Alberta et l'ouest de la Saskatchewan. Le gel a duré plus de 10 heures, affectant gravement la qualité et la valeur des cultures. Heureusement, les cultivateurs ont eu un répit le premier jour de l'automne, alors que des conditions chaudes, sèches et ensoleillées se sont installées jusqu'en octobre. Les conditions parfaites ont permis aux agriculteurs de reprendre le temps perdu. Presque tous les jours, pendant quatre semaines, les températures maximales étaient au-dessus des normales et le temps était sec, enfin. Les cultivateurs ont travaillé jour et nuit et, étonnamment, ont récolté un pourcentage record en trois semaines, soit 70 % de leur culture.

Même si la plupart de la zone sud de culture du blé était détrempée, le nord-ouest de l'Alberta a connu une sécheresse prolongée, asséchant complètement les pâturages et freinant la croissance des cultures de nombreux cultivateurs. Étant donné le niveau dangereusement faible des précipitations, un tiers de la normale depuis le milieu de mai, le compté de Grande Prairie a été déclaré zone de calamité agricole pour la troisième année consécutive – ce niveau de sécheresse n'ayant été atteint qu'une fois au cours des 25 dernières années. Le fluviomètre de la ville de Peace River indiquait en juillet le troisième plus bas niveau d'eau en 70 ans.

En Saskatchewan, le total des précipitations pendant la saison de croissance était incroyable à certains endroits, mais rien de plus étonnant qu'à Saskatoon, où le total de précipitations d'avril à septembre a atteint 645 mm. La dernière période la plus humide remonte à 1923, alors que 420 mm de pluie sont tombés – 2010 a donc été 54 % plus humides que l'année record, les données d'observation remontant à 1892. Rosetown a également connu sa période la plus humide jamais enregistrée pour avril à août, les précipitations atteignant le double de la normale. La quantité totale de pluie tombée à Régina a atteint 517 mm, alors que la normale est de 287 mm, fracassant ainsi le record de la saison de croissance la plus humide établi en 1954 avec 503 mm (les données remontent à 1883). En plus de la pluie, les températures ont été plus froides que la normale pendant cinq mois consécutifs. Ne se laissant pas surpasser, Winnipeg a enregistré sa saison de croissance la plus humide jamais vue, avec 630,5 mm, les données recueillies remontant à 1873.

Les rendements de cultures étaient à la baisse, tout comme la qualité. Statistique Canada a rapporté une baise de 18 % de la récolte de blé par rapport à 2009 (20,1 millions de tonnes par rapport à 24,7 millions de tonnes). Près de 40 municipalités rurales se sont déclarées zones de calamité agricole et toute l'économie agricole, de la vente d'engrais, de semences et de pesticide à l'achat d'équipement agricole, en a souffert. Pour ajouter à la catastrophe, les économistes des institutions bancaires prévoyaient que les conditions météorologiques assécheraient de 3 milliards de dollars le portefeuille des agriculteurs des Prairies.

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