Les dix événements météorologiques les plus marquants de 2004

Table des matières

  1. Déluge sur Edmonton
  2. Halifax ensevelie sous « Juan blanc »
  3. L'été jette un froid
  4. Peterborough noyée sous l'inondation
  5. Un été sec et brûlant en C.-B. et au Yukon
  6. Les températures polaires de janvier
  7. Une gelée d'un milliard de dollars
  8. La Nouvelle-Écosse est encore la cible du mauvais temps
  9. Dans les Prairies, la neige ensevelit le printemps
  10. Les conditions météorologiques ont raison du virus du Nil occidental

1. Déluge sur Edmonton

Au cours de la première semaine de juillet, deux systèmes météorologiques lents ont arrosé Edmonton de fond en comble, préparant l'arrivée, la semaine suivante, d'une tempête qui restera dans les annales de la province comme la pire inondation terrestre de l'histoire. Le 2 et le 3 juillet, certains endroits ont reçu jusqu'à 50 mm de pluie, souvent en un intervalle très court. Quatre jours plus tard, une nouvelle tempête estivale froide jetait autant de pluie que la précédente sur la ville déjà détrempée. Puis, au milieu de l'après-midi du 11 juillet, le plus gros déluge de pluie et de grêle de l'histoire s'est déchaîné sur la capitale de l'Alberta. La tempête, amorcée sur le sud-ouest de la Colombie-Britannique, s'est intensifiée en se déplaçant vers le centre de l'Alberta. Elle a même déclenché quelques tornades au nord et à l'est de la ville. Au plus fort d'une tempête courte, mais spectaculaire, le sud et l'ouest d'Edmonton on reçu plus de 150 mm de pluie (détectée par radar) en moins d'une heure, sans doute le moment le plus arrosé de l'histoire de la ville. Avec toute cette pluie, les inondations semblaient inévitables, mais ce sont surtout les grêlons de la taille d'une balle de golf, agglutinés avec des feuilles et des branches cassées, qui ont bloqué les collecteurs d'eaux pluviales,. Les morceaux de glace jonchaient les rues et formaient des congères dans les jardins. Il a fallu faire sortir les déneigeuses pour enlever des amas de grêlons épais de 6 cm.

Le sol argileux sursaturé et le réseau d'égout assiégé de la ville ne pouvaient absorber plus d'eau. La boue et l'eau se déversèrent dans les rues et entrèrent par les fenêtres. La crue soudaine, d'une ampleur qu'on n'estime possible qu'une fois par 200 ans, envahit les routes, remplit les passages inférieurs et inonda les sous-sols jusqu'au plafond. L'eau montante transforma instantanément les rues en rivières et les carrefours en lacs, immergeant plusieurs véhicules jusqu'aux poignées de portes. L'énorme pression de l'eau projeta des centaines de plaques d'égout dans les airs et provoqua la chute de nombreux arbres.

Fait marquant, la force de la tempête a déchiré le toit du centre de délassement et de la patinoire du West Edmonton Mall, laissant entrer des trombes d'eau. Pour la première fois de son histoire, les autorités ont dû faire évacuer ce complexe commercial de 800 magasins, le plus grand au Canada. Étonnamment, on ne déplore aucun décès, mais, dans d'innombrables cas, il s'en est fallu de peu. Les sociétés d'assurance ont dû débourser près de 160 millions de dollars pour régler plus de 12 000 demandes d'indemnité. Ailleurs dans la ville, on estime à 16 millions de dollars les dommages non assurables qu'ont subis les résidences et les petites entreprises, ainsi que les dommages causés aux infrastructures des routes et des ponts. De nombreux habitants d'Edmonton ont eu à combattre les forces de la nature deux ou trois fois en moins de 10 jours.

2. Halifax ensevelie sous « Juan blanc »

Les météorologues prévoyaient une bonne vieille tempête du nord-est, mais, dans les provinces maritimes, la plupart des gens y ont vu l'ouragan Juan en manteau blanc. On a surnommé « Juan blanc » cet ouragan déguisé en blizzard. Aux dernières heures du 17 février, une tempête hivernale normale dont le centre se situait au-dessus du Cap Hatteras (Caroline du Nord) s'est soudainement intensifiée au-dessus du Gulf Stream avant d'atteindre les provinces maritimes. En 42 heures, la pression au centre, un des indices de l'intensité d'une tempête, a chuté de 57 mb, créant ainsi l'une des bombes météorologiques les plus violentes de tous les temps. Son intensité dépassait même celle du véritable ouragan Juan, qui avait frappé la région cinq mois plus tôt. Le pachydermique Juan blanc a frappé fort avec ses chutes de neige abondantes, ses rafales de vent atteignant 124 km/h et sa visibilité nulle.

Pendant 12 heures, la neige est tombée sans arrêt au rythme exceptionnel de cinq centimètres par heure. La poudrerie et les vents violents ont maintenu des conditions de blizzard pendant toute une journée et même plus et érigé des congères monstrueux atteignant parfois trois mètres de hauteur. En 24 heures, Halifax, Yarmouth et Charlottetown ont reçu presque un mètre de neige, fracassant tous les records précédents. À Halifax, les 88,5 cm de neige accumulée dans la seule journée du 19 février représentent presque le double du record précédent. Mais surtout, il est probable qu'aucune autre ville de la taille de Halifax, avec plus de 300 000 habitants, n'ait jamais reçu autant de neige en une journée. Désormais, la reine mondiale de la neige n'est plus Buffalo, ni Fargo, ni Boise, mais Halifax.

Rapidement, le sud des provinces maritimes est devenu un désert hivernal. Pour la première fois de leur histoire, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard ont déclaré l'état d'urgence dans l'ensemble de la province, durant quatre jours. Pour arriver à dégager les rues des quelque six millions de tonnes de neige accumulée, Halifax a instauré un couvre-feu d'une durée de trois jours, interdisant à la population, à l'exception des travailleurs des services essentiels, de sortir pendant neuf heures chaque nuit. Alors que Toronto avait fait appel à l'armée pour se relever de sa « tempête du siècle », les habitants des provinces maritimes ont organisée des corvées de quartier pour se sortir de la neige. Pendant des jours, les rues étaient désertes. D'énormes amoncellements de neige réduisaient les boulevards à quatre voies en sentiers. On a dû fermer le pont de la Confédération, ce qui s'était produit seulement une fois depuis sa construction. Le volume de neige et sa densité étaient tels que les chasse-neige rebondissaient littéralement en essayant de la repousser. Il a fallu attendre presque une semaine avant que les autobus et les traversiers se remettent à circuler et que les écoles ouvrent. Les élèves ont perdu plusieurs jours d'école; d'ailleurs, les conditions météorologiques leur ont fait rater un nombre record de jours d'école en 2004, jusqu'à dix jours dans certains districts. Par miracle, on ne déplore aucun décès ni blessure sérieuse. Par contre, la tempête a laissé un million d'histoires inoubliables.

3. L'été jette un froid

Dans une grande partie du Canada, la longue fin de semaine de mai, qui marque le début non officiel de notre été, a été pourrie. Il a plu souvent et beaucoup. Personne n'a été épargné, sauf les habitants du Yukon, qui ont pu profiter pleinement de leur congé. En fait, ces journées se sont avérées prémonitoires d'un été qui n'est jamais venu.

À la fête du travail, de Calgary à Corner Brook, les Canadiens attendaient encore l'été. Durant la période de mai à octobre, le temps a toujours été trop frais, trop pluvieux ou trop nuageux, comme si nous avions sauté l'été. Environnement Canada n'a fait qu'aggraver la situation en prévoyant encore un été chaud et sec. À tort ou à raison, les Canadiens se sont sentis lésés. La plupart estiment qu'après avoir enduré un long et sombre hiver, ils ont droit à un été agréable, mais personne ne peut prétendre que la nature soit équitable. Comme pour nous rappeler ce qui nous manquait, Mère Nature nous a accordé quelques périodes de temps estival, mais jamais plus de trois jours de suite. On pouvait se consoler en pensant que nous n'étions pas les seuls dans cette situation : partout dans le monde, le mois de juillet a été le plus froid depuis 1992. Cette année-là, le temps froid était attribuable à l'éruption du mont Pinatubo, aux Philippines. En 2004, il résultait plutôt d'une masse résiduelle d'air froid de l'Arctique dans la toundra canadienne, qui a connu son troisième printemps le plus froid depuis 57 ans. Cette masse d'air est devenue un réservoir d'air frais poussé vers le sud par un tourbillon de l'Arctique en haute atmosphère, lequel est resté stationnaire au-dessus de la baie d'Hudson durant une grande partie du printemps et de l'été. À l'est des Rocheuses, un courant du nord-ouest persistant a réussi à bloquer tous les courants d'air chaud qui arrivaient du sud.

En réalité, il n'a pas fait si froid, mais les grandes chaleurs n'étaient pas au rendez-vous. En général, on n'a connu qu'une ou deux journées torrides où le thermomètre affichait plus de 30 °C. En l'absence de soleil, le temps semblait beaucoup plus frais qu'il ne l'était. En juin, certaines journées ont été plus chaudes à quelques endroits au nord du cercle polaire que dans le sud de l'Ontario. En fait, la plus longue vague de chaleur s'est produite au Yukon. En juin, Whitehorse a connu des températures supérieures à 30 °C durant huit jours consécutifs, ce qui équivaut à peu près au total des jours de chaleur d'Ottawa, de Toronto et de London pendant tout l'été.

L'été est clairement passé au-dessus du Manitoba et de la Saskatchewan. Dans l'Ouest, les mois de mai à août ont été les plus froids depuis 57 ans. En fait, Winnipeg a sans doute connu son été le plus froid depuis la dernière époque glaciaire. De mai à août, la température moyenne dans la capitale du Manitoba était de 13,4 °C, soit presque un degré de moins que le précédent record de froid, bien que les registrent remontent aussi loin que 1872. La palme du moment le plus déprimant de l'été revient à la chute de neige roulée qui s'est abattue sur le centre-ville de Winnipeg le 18 août, accompagnée de vents de 80 km/h. Pourtant, la plupart des Winnipegois avaient déjà fait leur deuil de l'été. Heureusement, le mois de septembre a été plus chaud que les mois de juin et d'août, une première à Winnipeg! L'Est a aussi connu un été décevant. À Ottawa, la journée la plus chaude de l'été était…au printemps : il a fait 30,7 °C le 14 mai. À Toronto, de mai à août, le nombre total d'heures ensoleillées a chuté de près de 200 heures par rapport à la moyenne et les jours de pluie ont été plus nombreux que les jours de temps sec.

Les Canadiens ont d'abord été impatients de voir l'été, puis frustrés de ne pas le voir. Enfin, ils se sont résignés à ne jamais le voir. La frustration venait surtout de l'instabilité du climat. Dans la plupart des villes, les précipitations ont été plus faibles que la normale, mais le nombre de jours pluvieux beaucoup plus élevé. Étonnamment, le nombre de jours à la fois ensoleillés et pluvieux a atteint un record, devenant la règle plutôt que l'exception. De la fin mai à la mi-septembre, par exemple, Montréal a eu 128 jours de soleil et seulement cinq jours sans soleil, mais plus de la moitié des journées « ensoleillées » ont aussi été pluvieuses. S'il ne pleuvait pas, il allait pleuvoir.

Même pour les Canadiens, habitués aux conditions météorologiques changeantes, c'était beaucoup. On pouvait difficilement planifier ses activités. Les familles ont déserté les terrains de camping et les plages. En général, les gens sont restés à l'intérieur et ont été moins actifs que d'habitude. Pour les bars et les restaurants des centres urbains, l'absence de soleil s'est traduite par une baisse de la clientèle et des revenus. L'année fut aussi décevante pour les vendeurs d'appareils de climatisation et de maillots de bain. Par contre, les vidéoclubs, les salles de cinéma et les salons de bronzage ont fait de bonnes affaires. Les conditions météorologiques, pourries aux yeux des vacanciers et des visiteurs, se sont avérées agréables pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires dont les problèmes sont exacerbés durant les alertes au smog et aux vagues de chaleur. Les potagers et les pelouses sont restés verts et fournis et personne n'a dû arroser sa pelouse. Il y a longtemps que les producteurs de sapins de Noël n'avaient pas connu une aussi bonne saison de croissance.

L'été nous a-t-il réellement oubliés cette année? Non, vous répondront les résidants des deux extrémités du pays. La région côtière de la Colombie-Britannique a connu de longues périodes de temps ensoleillé, doux et sec et même des records de chaleur et de sécheresse pendant une grande partie de l'été. Sur la côte est, St Jean a eu droit à l'une des plus belles saisons estivales du Canada, avec une température moyenne de presque un degré supérieure à la normale et des précipitations atteignant à peine la moitié de la normale (l'été le plus sec depuis 1967).

4. Inondation du siècle à Peterborough

Par suite des pluies torrentielles qui se sont abattues sur Peterborough le matin du 15 juillet, une inondation a envahi le centre-ville. On a établi un lien entre certains éléments du vaste système météorologique et la tempête qui avait inondé Edmonton cinq jours auparavant. Cette tempête avait traversé lentement le continent pour s'arrêter juste à l'est de Peterborough le 14 juillet. Alimentée par l'air frais provenant du nord et amplement rechargée en humidité par le sud, la tempête a déclenché un orage intense qui a duré plusieurs heures.

Évidemment, les pluviomètres ont relevé des quantités de précipitations très variables, de 100 mm à l'aéroport à 240 mm à l'Université Trent. La majeure partie des précipitations sont tombées en moins de cinq heures, aux petites heures du 15 juillet, réveillant en sursaut et jetant à la rue de nombreux résidants. Dans plusieurs quartiers, des relevés impromptus effectués à l'aide de chaudières de plastique, de poubelles et d'autres récipients vides ont révélé des quantités de précipitations supérieures à 235 mm, ce qui dépasse le total des précipitations d'un été normal. Et cela n'arrêtait pas! Il a plu encore pendant cinq jours. À la station météorologique de l'Université Trent, les observateurs ont enregistré un impressionnant total de 409 mm de pluie en juillet, désormais le mois le plus pluvieux de l'année.

L'eau s'est avérée trop volumineuse pour les drains et les égouts de Peterborough, dont certains sont centenaires. Il faut dire que rares sont les villes d'Amérique du Nord qui auraient pu absorber les 14 milliards de litres d'eau qui ont envahi Peterborough en moins de cinq heures. Avec une telle quantité d'eau, on peut alimenter les chutes Niagara pendant près de 40 minutes ou remplir presque neuf fois le SkyDome. Le 15 juillet a été l'une des journées les plus humides de l'histoire du Canada à l'est des Rocheuses et sans doute la journée la plus humide de toute l'histoire de l'Ontario. On estime qu'un tel événement ne peut se produire qu'une fois par 200 ans. Au plus fort de la tempête, le réseau d'égouts de Peterborough contenait cinq fois sa capacité normale d'eau. Lorsque les collecteurs pluviaux ont commencé à refouler, une grande partie du centre-ville et le tiers de la ville se sont transformés en véritable monde sous-marin, englouti sous un mètre ou plus d'eau trouble. La mairesse a déclaré un état d'urgence qui allait rester en vigueur pendant 15 jours. Des centaines de résidants ont dû se réfugier dans des installations temporaires quand le toit de leur maison s'est écroulé ou leur sous-sol s'est rempli d'un mètre d'eau. L'eau boueuse a transformé les rues en rivières, obligeant les commerces à fermer leurs portes et emportant des voitures dans leur courant. Les pannes de courant et de téléphone ont duré plusieurs jours et le nettoyage s'est poursuivi pendant des semaines, voire des mois. Certains chemins et trottoirs ont dû être complètement reconstruits.

Les premières estimations des dommages assurables s'élèvent à plus de 88 millions de dollars. À ce montant, il faut ajouter les 25 millions octroyés par la province de l'Ontario pour les réparations d'urgence et la restauration des infrastructures municipales. Des experts-conseils ont recommandé à la ville de Peterborough de consacrer plus de 30 millions de dollars à l'amélioration des réseaux d'égouts pluviaux et d'égouts sanitaires au cours des cinq prochaines années. Pour les habitants, cependant, rien ne pourra remplacer les pertes personnelles, comme les livres rares, les albums de photos et les autres souvenirs familiaux.

5. Un été sec et brûlant en C.-B. et au Yukon

Jamais les forêts de la Colombie-Britannique n'avaient été aussi sèches, si tôt dans la saison. Un système de haute pression persistant, ancré près de la côte du Pacifique durant la majeure partie des mois d'avril à juillet, favorisait un courant d'air du sud accompagné de ciels dégagés et de températures exceptionnellement élevées qui empêchaient les tempêtes d'atteindre la côte. Les registres des 57 dernières années indiquent que les mois d'avril à juillet n'avaient jamais été aussi secs et une fois seulement aussi chauds qu'en 2004. La quantité de précipitations stagnait à près de la moitié de la normale et les températures étaient de plus de deux degrés supérieures à la normale. En outre, cinq des six dernières années ont été plus sèches que la normale, les trois dernières années étant les plus sèches jamais enregistrées dans l'ensemble de la Colombie-Britannique. À Victoria, le mois d'avril a été le deuxième plus chaud et le plus sec jamais enregistré. Des statistiques inquiétantes, compte tenu que les mois de décembre à avril étaient déjà les deuxièmes plus secs de l'histoire et que le temps, toujours ensoleillé, n'a fait que se réchauffer et s'assécher en mai, juin et juillet. Osoyoos à été le point le plus chaud du pays en 2004 : on y a relevé une température de 40,5 °C le 21 juin.

Tous les indicateurs signalaient le risque d'incendie dans la province. La faible quantité d'humidité dans l'atmosphère et dans le sol, les températures exceptionnellement élevées et la présence de foudre sèche ont transformé les boisés de la Colombie-Britannique en poudrière. Les responsables de la lutte contre les incendies de forêt craignaient une répétition de la précédente saison d'incendies, le brasier le plus coûteux jamais enregistré. L'année dernière, le code du degré de sécheresse, que le service provincial des forêts utilise pour déterminer l'humidité du sol, s'élevait à 476, ce qui indique des conditions sèches. Cette année, le code est grimpé à 667, un niveau alarmant. La grande fréquence de la foudre observée jour après jour a vite eu raison des pompiers et bientôt, il a fallu demander l'aide des équipes d'intervention de tout le Canada et des Etats-Unis pour lutter contre les feux échappés.

Les conditions ont provoqué de nombreux débuts d'incendie et incendies majeurs, dont le comportement exceptionnel a résulté en une suite incessante d'incendies nécessitant une attention constante. En C. B., un des plus gros incendies s'est déclaré au ruisseau Town, près de Lillooet. Les pentes abruptes et inaccessibles du terrain ont rendu difficile la lutte au sol. Près de 5 000 résidants en alerte devaient être prêts à évacuer à une heure d'avis. Un autre incendie majeur a débuté en juin au lac Lonesome, dans le centre de la C. B., mais ne s'est propagé avec violence qu'en juillet, sous l'effet de forts vents. Cet incendie a détruit plusieurs terres historiques autochtones, y compris des tombes et des sites culturels autochtones situés dans le parc Tweedsmuir. L'énorme panache de fumée et de cendres qui s'en dégageait a engendré des nuages au-dessus de l'île de Vancouver, à près de 400 km de distance. De Vancouver à la vallée du Fraser, ce nuage décolorait le soleil et jetait un voile teinté sur toute la région.

Au total, les 2 311 feux de friches dénombrés en C. B. en 2004 ont consumé 227 339 hectares de forêt. Comme le feu a généralement épargné les propriétés résidentielles et commerciales, les dommages (évalués à 100 millions de dollars) n'ont pas atteint l'ampleur de ceux de 2003 (325 millions de dollars). Le nombre de personnes évacuées a aussi été beaucoup moindre : quelques centaines cette année, contre 50 000 l'an dernier. En outre, en 2003, la situation s'est aggravée tout au long de l'été, alors que cette année, la saison a commencé beaucoup plus tôt, mais la situation s'est améliorée en août.

La chaleur excessive et la sécheresse prolongée n'ont pas affecté que la foresterie. Les grands éleveurs des régions intérieures se sont vus obligés de s'approvisionner en eau par camion, puisque les ruisseaux, les sources et les réservoirs étaient taris. Les producteurs laitiers ont dû irriguer leurs terres plus tôt que d'habitude. On attribue partiellement la mort de milliers de saumons rouges dans le Pacifique du Nord-ouest à la température d'environ 22 °C qu'a atteinte l'eau du fleuve Fraser, battant un record vieux de 60 ans. En outre, la trop longue période de forte chaleur et de sécheresse à nui à la pêche sportive, aux activités récréatives et au tourisme dans la nature. À certains moments de l'été, il a fallu interdire la cigarette dans le parc Stanley, les barbecues dans les aires de pique-nique et la randonnée dans la montagne du North Shore.

Heureusement, la pluie et le temps frais qu'a enfin connus la Colombie-Britannique d'août à novembre lui ont épargné une deuxième saison désastreuse de feux de forêt et apporté l'humidité dont elle avait grandement besoin. À Victoria et à Vancouver, les précipitations ont été de 40 % supérieures à la normale. À Vancouver, cette période de l'année a été la troisième plus humide en 68 ans d'observations.

Le territoire du Yukon a aussi été une poudrière. De mai à août, la sécheresse y a régné et la chaleur a atteint des niveaux enregistrés une seule autre fois, en 1989, pour cette période. Le nombre de feux de friches a été deux fois plus élevé que la moyenne. Les 273 incendies représentent un record, mais seulement 4 % du nombre de feux de friches déclarés au Canada cette année. Cependant, la superficie brûlée représente plus de 60 % de l'ensemble des terres brûlées au pays. Plus de 18 000 kilomètres carrés de forêt ont été consumés au Yukon, soit trois fois la superficie de l'Île-du-Prince-Édouard. Au Yukon, le danger d'incendie a d'abord été signalé en juin, après la plus longue vague de chaleur qu'ait connue le territoire. Au début de l'été, la foudre déclenchait un incendie presque quotidiennement quelque part dans le territoire. Les autorités ont dû interdire tout feu extérieur. Un après-midi, vers la fin juin, la fumée était tellement dense qu'il a fallu allumer l'éclairage public et les phares des voitures. On conseillait aux personnes souffrant de problèmes respiratoires et d'allergies de rester à l'intérieur. En raison de l'épaisse fumée, la visibilité était si mauvaise que les avions ne pouvaient atterrir à Dawson City. Vers la fin de juillet, l'arrivée de temps frais et de fortes précipitations a grandement amélioré la situation.

6. Les températures polaires de janvier

Dans plusieurs années, on se rappellera peut-être de l'hiver 2003-2004, de décembre à février, comme d'une période calme. Dans l'ensemble du pays, cet hiver se classe au 16e rang des hivers les plus doux depuis plus d'un demi-siècle, la moyenne des températures se situant à près de 1,5 °C au-dessus de la normale. Dans le sud du pays, l'accumulation totale de neige n'a atteint que trois quarts de l'épaisseur habituelle. Mais les statistiques ne peuvent rendre compte des cinq semaines de vrai hiver, au milieu de la période s'échelonnant de la mi-décembre à février, où il a fait un froid si intense et cruel que la plupart des Canadiens ne demandaient qu'à voir apparaître le printemps.

Dans tout le centre du Canada, l'année a bien commencé avec des températures peu saisonnières qui ont atteint 12,3 °C par endroits. Dans le sud de l'Ontario, on ne faisait pas de ski, on jouait au golf, on faisait du patin à roues alignées, on envahissait les terrains de basket-ball extérieurs, on mangeait de la crème glacée et on buvait de la bière sur les terrasses. Ce fut la fin du temps doux, du moins jusqu'en février. L'arrivée soudaine de l'hiver et des froids intenses a provoqué un choc chez la plupart des gens. À la fin de la première semaine de janvier, une seule et unique masse d'air arctique, énorme et surchargée, a envahi l'ensemble du pays d'un seul coup, un fait assez rare. Certains jours de janvier, tout le pays semblait sous le coup d'une sévère punition hivernale dont la forme variait selon les régions : de violents blizzards, de la pluie verglaçante, des tonnes de neige, du grésil, un féroce facteur de refroidissement éolien, des routes couvertes de glace noire, du gel rapide et des attaques de froid intense. L'énorme masse d'air froid était tellement dense qu'elle remplissait chaque recoin du pays. Même sur la côte de la C. B., où le temps demeure généralement doux, cet air froid et dense a envahi les vallées et les bras de mer, faisant chuter la température à -20 °C par endroits. Vancouver a connu sa journée la plus froide depuis sept ans : le thermomètre indiquait -12,2 °C, mais, en tenant compte du refroidissement éolien, on avait l'impression qu'il faisait -20. À la fin de la première semaine de janvier, on déplorait déjà sept décès attribuables au froid au Canada.

Dans les Prairies, les températures étaient cruellement basses et le refroidissement éolien sans pitié. À Saskatoon, par exemple, la température de l'air a chuté à -45 °C le 28 janvier, jour le plus froid depuis 33 ans; si on s'exposait au vent, on avait l'impression qu'il faisait -59. D'ailleurs, la peau exposée gelait en moins de 10 minutes. Certains jours de janvier, il faisait même plus chaud sur la planète Mars qu'au Canada. Sur la planète rouge, le rover Spirit a enregistré une température nocturne minimale de -15 °C, alors qu'à Key Lake (Saskatchewan), à quelque 570 km au nord de Saskatoon, le mercure a chuté à -52,6 °C le 29 janvier. Ce jour-là, Key Lake était le lieu le plus froid de la planète. Heureusement, il n'y avait pas de vent. Au même moment, à Vostok, Antarctique (lieu reconnu comme le plus froid au monde), il ne faisait que -28 °C. En janvier, dans l'est du Canada, la plupart des villes ont enregistré des températures minimales inférieures à -25 °C. Le vent en rajoutait pour donner une impression de température avoisinant les -40. On a déjà vu pire, mais la durée de la période de grands froids et la force du refroidissement éolien ont gravé ces semaines dans les mémoires. À la mi-janvier, la presque totalité du Québec grelottait sous une masse d'air glacial qui a engendré des températures parmi les plus faibles de l'hiver. À l'aéroport La Grande IV, il a fait -50,3 °C le 14 janvier, sans compter le refroidissement éolien. Sherbrooke a connu son mois de janvier le plus froid de tous les temps : il a fait en moyenne -17,9 °C, soit quelque six degrés de moins que la normale.

Des millions de Canadiens ont eu du mal à rester au chaud alors qu'il fallait augmenter sa consommation d'énergie pour repousser le froid. Partout au Canada, la demande d'énergie a grimpé en flèche et la plupart des provinces ont connu des journées record de consommation quotidienne et de pointe. Les sans-abri se sont entassés dans les refuges. Les hôpitaux ont dû traiter de nombreux cas d'engelures aux orteils et aux oreilles. Des vétérinaires ont affirmé avoir vu des chats perdre leurs oreilles et leur nez. Dans les écoles, les « congés de tempête » se sont multipliés en raison de la neige, du facteur de refroidissement éolien ou des bris de canalisations. Des concerts, des bingos, des parties de hockey et bien d'autres événements ont été reportés, puis annulés. Durant la vague de froid, les propriétaires ont pris d'assaut les lignes téléphoniques d'urgence pour se plaindre de bris de canalisations ou de toilettes gelées, alors que les automobilistes en panne faisaient des appels à répétition aux clubs automobiles pour recharger leur batterie. Il faisait si froid que l'encre gelait dans les stylos.

Voyons le bon côté des choses. La criminalité, en particulier les vols de voitures, a chuté de façon spectaculaire, la location de films vidéo a subi l'effet inverse et les chauffeurs de taxi n'avaient pas à se plaindre. Comme il faisait trop froid pour le ski ou le patin, les agences de voyage ont vendu un nombre record de voyages vers toutes les destinations où l'on pouvait trouver un peu de chaleur.

7. Une gelée d'un milliard de dollars

Au début de la saison de croissance, une bonne partie de l'Ouest craignait une nouvelle année de sécheresse. Sur les 18 dernières saisons, soit depuis l'automne 1999, 14 avaient été plus sèches que la normale et, ce printemps, le sol renfermait moins de la moitié de sa capacité d'humidité normale dans l'ensemble de la Saskatchewan et de l'Alberta et dans le sud-ouest du Manitoba. À la mi-août, cependant, les producteurs agricoles jubilaient. Leurs champs étaient verts et sains. La pluie et le temps frais arrivés au début de la saison de croissance avaient écarté tout risque de sécheresse et fait oublier l'invasion prévue des sauterelles. Enfin, juillet avait apporté des journées de vraie chaleur, sans stress thermique. La récolte s'annonçait comme la meilleure depuis des années.

Bien sûr, rien n'est acquis tant que la récolte n'est pas terminée, mais cette fois-ci, seule une gelée précoce pouvait empêcher une récolte exceptionnelle. Cette année, la menace d'une gelée de fin d'été revêtait une importance particulière en raison du froid et de la neige qui avaient beaucoup retardé l'ensemencement et la croissance des cultures. Le 15 août, les cultures avaient encore besoin de cinq à six semaines sans gelée pour mûrir. Comme les premières gelées se produisent normalement entre le 15 et le 20 septembre dans le sud des Prairies, les producteurs agricoles affichaient un optimisme prudent.

Malheureusement, la catastrophe s'est abattue au matin du 20 août, lorsqu'une importante gelée meurtrière, une des gelées majeures les plus précoces des 50 dernières années, frappa plusieurs parties du sud et du centre de la Saskatchewan et du Manitoba. L'air froid, les vents légers et le ciel dégagé, les trois ingrédients meurtriers essentiels à la formation de gelée blanche, se sont combinés pour recouvrir les toits, les pare-brise et les champs verdoyants d'un voile blanc. Des records de froid datant de plus de 100 ans ont été fracassés, notamment à Saskatoon, à Winnipeg, et à Yorkton. La température la plus faible, -2,9 °C, a été enregistrée à Broadview. La durée de la gelée et l'immaturité des céréales rendaient la récolte particulièrement vulnérable. « Quelle année! », a déclaré un spécialiste de l'agriculture. « Chaque mois, on a vu des gelées quelque part dans le sud des Prairies. »

Après cette première gelée, le temps n'a fait qu'empirer. Les producteurs agricoles, qui ne demandaient que de la chaleur et du soleil, ont eu droit à des pluies battantes, de la rosée, de la brume, de la grêle mêlée de neige, des nuages et du froid, puis à de nouvelles gelées meurtrières. En août et en septembre, il est tombé en moyenne 214 mm de pluie sur Winnipeg, soit 68 % de plus que la normale. Les cultures détrempées pourrissaient dans les champs. Les machines agricoles restaient embourbées. À la mi-septembre, dans l'est des Prairies, à peine 10 % de la récolte était terminée, comparativement à une moyenne normale de 50 %. L'année dernière, à cette époque, on avait terminé 90 % de la récolte. Les mauvaises conditions météorologiques ont affecté la récolte de blé et d'orge, les grains souffrant du mildiou, de germination et de décoloration. Une des principales sociétés agricoles gérées par les producteurs estime que le mauvais temps des mois d'août et septembre a sans doute coûté près de 2 milliards de dollars à l'industrie céréalière, sous forme de perte de revenus. Il est certain que la qualité de la récolte est l'une des plus faibles jamais enregistrées. Normalement, 60 % du blé de la Saskatchewan est de classe I à la récolte, mais, en 2004, ce pourcentage a chuté à 6 %. Les quelques récoltes qu'on a réussi à sauver contenaient un fort taux d'humidité, obligeant l'emploi de coûteuses techniques de séchage artificiel.

Les récoltes ont connu un certain répit grâce au temps exceptionnellement doux et sec, accompagné d'à peine quelques faibles précipitations, qui a prévalu en fin de saison, jusqu'en novembre. Reconnaissants, les producteurs ont tout mis en œuvre pour terminer la récolte. Ainsi, ils ont réussi à atteindre environ 98 % de leur objectif avant l'arrivée du temps froid à la fin de novembre.

8. La Nouvelle-Écosse est encore la cible du mauvais temps

Juste après le jour du Souvenir, la Nouvelle-Écosse a été surprise par le premier assaut de l'hiver, une épaisse couche de neige mouillée que de nombreux résidants préfèrent oublier le plus vite possible. Pour certains, l'assaut s'est avéré plus violent que celui de Juan blanc, neuf mois plus tôt. L'importante tempête s'est intensifiée au large de la Nouvelle-Angleterre pour se diriger vers le sud de la Nouvelle-Écosse, où elle s'est arrêtée pendant deux jours avant de repartir vers Terre-Neuve. Comme la température avoisinait zéro degré, les précipitations hésitaient entre la pluie et la neige. Les régions du détroit de Northumberland et de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse ont reçu surtout de la pluie. À l'intérieur, la neige, parfois forte, se mêlait à l'occasion de pluie et de grésil.


Au cours des deux jours de tempête, on a relevé les records de chutes de neige suivants :
 13 novembre14 novembreTotal
Aéroport international de Halifax24,813,037,8
Aéroport Shearwater35,215,250,4
Greenwood27,65,433,0
Yarmouth53,48,662,0


À plusieurs égards, cette tempête était intéressante. Par exemple, il s'agit de la plus forte chute de neige jamais enregistrée aussi tôt dans la saison. Depuis 60 ans, Shearwater a connu six énormes chutes de neige d'une durée de deux jours, laissant des accumulations de plus de 50 cm. Deux de ces six tempêtes se sont produites en 2004. Avant cette année, jamais cet aéroport n'avait reçu plus de 50 cm de neige en deux jours avant les 2 et 3 février. À 14 reprises, on avait vu tomber plus de 35 cm de neige en une seule journée, mais jamais aussi tôt que le 13 novembre. En une journée, Yarmouth a reçu un impressionnant 53,4 cm de neige. Auparavant, la station n'avait enregistré une chute de neige supérieure à 50 cm qu'une seule fois : le 10 mars 1964, il était tombé 50,8 cm de neige.

Plus que l'accumulation, ce sont la qualité de la neige et les vents qui l'accompagnaient qui ont marqué la région. La neige abondante et particulièrement humide était sans doute deux fois plus collante que celle laissée par Juan blanc. Si on y ajoute la pluie, la bruine verglaçante, le grésil et le faible écart entre la température de l'air et celle du point de rosée, on obtient une neige bien lourde qui s'accumule jusqu'à une épaisseur de 10 à 15 cm sur les fils et les pylônes. Et ce n'est pas tout! Ajoutons-y la pression exercée par un vent en rafales de 75 km/h. Résultat, une charge énorme sur les arbres, les fils électriques et les pylônes de transmission, qui a provoqué le bris de 15 pylônes de bois et de métal et de milliers de kilomètres de fils et de câbles en Nouvelle-Écosse. Le réseau électrique de la province ayant subi des dommages considérables, 110 000 clients ont été privés d'électricité. À titre de comparaison, mentionnons que l'ouragan Juan n'avait détruit que trois principaux pylônes de transmission. En outre, cette fois-ci, il a été beaucoup plus difficile d'évaluer et de réparer les dommages.

C'est dans la vallée d'Annapolis, dans la région de Halifax et dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse, entre Truro et la chaussée de Canso, que la tempête a frappé le plus fort. Les résidants ruraux ont enduré des pannes d'électricité, d'eau courante et de téléphone durant presque une semaine. La Nova Scotia Power Corporation a été inondée de plaintes de clients furieux de subir une troisième panne majeure en un peu plus d'un an. Jamais le réseau de distribution d'énergie n'a été plus mal en point qu'au milieu de la journée du 14 novembre. En 12 heures à peine, les réceptionnistes ont répondu à plus de 250 000 appels. Deux cents équipes d'urgence, dont 55 venues du Nouveau-Brunswick et du Maine, ont travaillé jour et nuit pour rétablir le courant.

La tempête a également plongé l'aéroport international de Halifax dans le noir. Au moins 48 vols ont dû être annulés. Sur les routes, la circulation était étonnamment dense, puisque de nombreux résidants privés d'électricité tentaient de se rendre chez des amis ou des connaissances dont la maison était chauffée. Certaines collectivités ont déclaré l'état d'urgence, fermé les commerces et les écoles et ouvert des centre de réconfort.

Lorsque le courant a été rétabli, les néo-Écossais ont commencé à se demander ce qu'ils avaient bien pu faire pour que Mère Nature les persécute ainsi. Victime du pire déluge de l'histoire du Canada atlantique, de l'un des ouragans les plus destructeurs que la pays ait connus, d'une chute de neige battant tous les records mondiaux et d'une nouvelle tempête hivernale du siècle, la province y a certainement goûté depuis deux ans.

9. Dans les Prairies, la neige ensevelit le printemps

L'année 2004 est venue rappeler aux habitants de l'Ouest que le printemps est peut-être la saison la plus cruelle. Le 11 mai, une vilaine tempête venue du Colorado a balayé l'Ouest, déversant des tonnes de neige humide de Calgary à Kenora. Les producteurs agricoles se sont réjouis de cette humidité blanche, car la saison de croissance était sur le point de commencer. Mais les autres, les citadins fatigués de l'hiver, les golfeurs et les amateurs d'horticulture, y voyaient avec horreur le retour de l'hiver.

La tempête apportait avec elle toute la gamme des précipitations : du grésil, de la pluie verglaçante, de la pluie, de la neige et un peu de tonnerre et d'éclairs pour compléter le tableau. Après deux jours de tempête, on a observé plusieurs accumulations de neige dignes de mention : en Alberta, Mountain View a reçu 48 cm de neige et Cardston, 32 cm; en Saskatchewan, Rock Glen en a reçu 45 cm, Midale, 33 cm et Estevan, 23 cm; et au Manitoba, Neepawa en a reçu 40 cm, Portage, 30 cm et Brandon, 29 cm. Winnipeg a établi le record des chutes de neige de mai : 31 cm en deux jours. Ailleurs, la tempête a jeté de grandes quantités de pluie. Sprague (Manitoba), par exemple, a été arrosée par 97 mm de pluie.

Tout déplacement est devenu un cauchemar. Les chasse-neige sont sortis de leur cache estivale pour dégager les artères des villes, mais la plupart n'ont pu faire mieux que de grimper sur les amas de neige, tellement celle-ci était lourde et durcie. La longue file de voitures et de camions abandonnés sur la route transcanadienne a eu des répercussions sur la circulation d'un océan à l'autre. Les 500 à 600 camions immobilisés sur une portion d'autoroute pendant presque 48 heures ont coûté des millions de dollars au secteur canadien du transport. Dans le sud du Manitoba, c'était la première fois qu'on fermait la route transcanadienne aussi tard dans la saison pour cause de conditions hivernales. À l'aéroport international de Winnipeg, jamais la neige n'avait provoqué l'annulation de vols à une date aussi tardive. De l'Alberta à l'Ontario, des poteaux d'électricité ont croulé sous le poids de la neige humide, privant d'électricité plusieurs milliers de foyers et de commerces. Dans certaines régions rurales, les autobus scolaires ont interrompu leurs services pendant au moins deux jours. De mémoire de commerçant, on n'a jamais connu de pire début de saison pré-estivale. Pour les jardiniers professionnels, ce fut la saison la plus tardive en plus de 20 ans.

Dans le nord-ouest de l'Ontario, la tempête a jeté d'énormes quantités de neige et de pluie, obligeant les autorités à fermer les routes et les écoles. Kenora, Dryden et Sioux Lookout ont reçu près de 40 cm de neige, suivie de 40 mm de pluie. La lourde neige et le grésil ont fait tomber des arbres sur les ligne de transport d'électricité, privant d'électricité près de 5 000 clients de Kenora à Nakina.

Cette tempête hivernale printanière a sans doute eu comme effet indirect de contribuer au record de froid enregistré en mai. Dans plusieurs villes des Prairies, la période de mai à août a été la plus froide jamais enregistrée. Ayant goûté à un hiver aussi tardif, il est normal que les gens de l'Ouest estiment avoir complètement raté le printemps et croient que l'été a sans doute duré une journée, deux tout au plus.

10. Les conditions météorologiques ont raison du virus du Nil occidental

L'été pourri n'a pas eu que des aspects négatifs. Les Canadiens ont notamment profité d'un air pur, d'importantes économies d'énergie et d'une baisse du nombre de moustiques. Ceux qui avaient prédit que 2004 serait « l'année des moustiques », et particulièrement celle des moustiques porteurs du virus Nil occidental, s'étaient trompés car le moustique Culex tarsalis a besoin de temps chaud et sec pour proliférer. Durant l'été 2003, caractérisé par la chaleur torride et l'humidité, 1 400 Canadiens de sept provinces avaient été atteints par le virus Nil occidental; 14 en étaient morts. Au pays, plus de 1 630 oiseaux sont morts de l'infection. Mais en 2004, la période de mai à août a été la deuxième plus fraîche en 27 ans dans l'ensemble du Canada. Or, les moustiques détestent le temps frais, surtout au début de l'été, au moment où leurs victimes préférées, les oiseaux migrateurs, sont en abondance. Par temps frais, les moustiques sont moins actifs et se reproduisent moins souvent que par temps chaud. En outre, les conditions météorologiques étaient si exécrables que les gens passaient relativement peu de temps à l'extérieur et, s'ils sortaient, ils portaient de préférence des pantalons et des manches longues (surtout le soir), laissant peu de peau exposée à la convoitise des moustiques. Au lieu de prendre une ampleur épidémique, comme on le craignait, le virus du Nil occidental a virtuellement cessé de menacer la population en 2004. Au total, on n'a retrouvé que 400 oiseaux morts porteurs du virus dans quatre provinces et à peine 29 cas cliniques de virus du Nil occidental ont été déclarés. Personne n'en est mort.

Même si les conditions météorologiques ont joué un rôle important, elles ne sont pas les seules responsables de la mise à l'écart du virus du Nil occidental. D'autres facteurs y ont contribué, notamment l'amélioration des programmes de prévention communautaires et individuels et la résistance accrue au virus. Après avoir été exposés au virus durant des années, il est probable qu'un nombre croissant d'humains et d'animaux aient développé des anticorps, et donc une immunité à la maladie.

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